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Bigard : c’est fini pour le site d’Ailly-sur-Somme

Jeudi 29 septembre, un comité d’entreprise extraordinaire sur le site d’Ailly-sur-Somme confirmait l’information du comité central d’entreprise, réuni la veille, à Quimperlé : le transfert de toutes les activités du site.

Jeudi 29 septembre, juste avant le comité d’entreprise extraordinaire sur le site d’Ailly-sur-Somme, la CGT organisait un piquet de grève.
Jeudi 29 septembre, juste avant le comité d’entreprise extraordinaire sur le site d’Ailly-sur-Somme, la CGT organisait un piquet de grève.
© AAP


Les salariés du site d’Ailly-sur-Som­me, spécialisé dans le conditionnement et la découpe de viande, pourraient reprendre à leur compte le titre d’un des plus beaux ouvrages de Gabriel García Márquez, «Chronique d’une mort annoncée». Sauf que l’histoire du site est tout sauf de la littérature. Depuis la reprise du site par le groupe Bigard en 2008, les effectifs sont passés de 350 à 130 en 2015 et, aujourd’hui, à 94. Mais ce n’est pas tout. En novembre 2015, l’atelier de viande hachée surgelée était arrêté pour être transféré sur un autre site du groupe. Pour les salariés, l’étape suivante était forcément la fermeture du site. Aussi chaque convocation du grou­pe pour l’organisation d’un comité d’entreprise était-elle attendue avec crainte.
L’épilogue est finalement arrivé le mercredi 28 septembre lors du comité central d’entreprise, réunissant à Quimperlé direction et représentants syndicaux, autour de l’ordre du jour suivant : «Information sur le projet Ailly-sur-Somme». Pour projet ? Face au manque de rentabilité du site, dixit la direction, le projet sera donc de transférer toute l’activité, et donc les salariés dans les autres usines du groupe, en l’occurrence, une trentaine à Flixecourt (Somme), une trentaine à Formerie (Oise) et une trentaine à Saint-Paul-sur-Ternoise (Pas-de-Calais). A l’annonce de la sentence, les salariés décidaient, le lendemain matin, de cesser le travail et d’installer au piquet de grève à l’entrée de l’usine, dès 6 heures du matin, afin d’accueillir la direction, qui organisait ce même jour un comité d’entreprise extraordinaire pour informer et expliquer de nouveau son choix.

Le compte à rebours commence
Ironie de l’histoire, en aucun mo­ment la direction n’a utilisé lors de ces comités le terme de fermeture. Un an avant, le responsable du site, Xavier Lemaître, déclarait dans nos colonnes : «La fermeture du site n’est pas programmée. Mais s’il est vrai que l’atelier viande hachée surgelée sera arrêté, l’atelier découpe sera, lui, bel et bien maintenu sur le site. Ailly-sur-Somme doit se re­cen­trer sur son métier d’origine, soit l’atelier de découpe de viande de bœuf.»
Un an plus tard, on ne parle toujours pas de fermeture, mais de transfert d’activités. «Mais quand on parle de reclassement, cela veut dire ce que ça veut dire. Si on s’y attendait, c’est quand même un sacré coup, surtout pour ceux qui ont passé plus de trente-cinq ans dans cette boîte. Que l’on en arrive là, cela fait très mal», commente Bruno Lejeune, responsable FO. La rhétorique du groupe, qui n’a d’ailleurs pas souhaité s’exprimer sur le sujet, ne trompe personne.
Pour Stéphane Dormeval, représentant de la CGT, la pilule est plus qu’amère. «Quand on voit la pub du groupe à la télé qui déclare que Bigard prend soin de ses bouchers, autant vous dire qu’ici le discours passe très mal. On a vraiment l’impression d’être pris pour des idiots. Et encore plus quand on nous dit que le site n’est pas rentable alors qu’ils l’ont dépouillé de son carnet d’adresses, qu’aucun investissement n’a été fait depuis sa reprise par Bigard, et que la pression sur les salariés est telle depuis des années que les arrêts maladies se sont démultipliés», constate en colère le cégétiste.
Reste que tous savent que le combat du pot de terre contre le pot de fer est désormais perdu. Aussi l’heure est-elle à la négociation avec la direction pour que les reclassements proposés aux salariés se fassent dans les meilleures conditions et avec quelques avantages. D’autant qu’aucun Plan de sauvegarde de l’emploi ne sera engagé, selon Stéphane Dormeval. D’une part, «parce qu’un accord groupe a été signé entre la direction, FO, la CFDT et la CFE-CGC, et, d’autre part, parce que la trentaine de salariés à qui on proposera de partir à Flixecourt devrait accepter, que d’autres sont proches de la retraite, et que quelques-uns accepteront d’aller à Formerie ou à Saint-Paul-sur-Ternoise. Mais il y aura de la casse d’ici un an pour ceux qui iront là-bas, car le temps de trajet en voiture est long et notre métier est très physique. Au final, pour reprendre les comptes, ceux qui refuseront tout reclassement seront la portion congrue», détaille-t-il.
Les syndicats sont d’autant plus sur le qui-vive que la direction a proposé des licenciements économiques individuels à tous ceux qui refuseraient d’être reclassés. «Comme la boîte ne veut pas de Plan de sauvegarde de l’emploi, on veut négocier des primes de licenciement, manière que les gars partent avec quelque chose. Quant à ceux qui accepteraient les reclassements, on veut négocier pour eux une prime pour le déplacement ou bien le remboursement du déménagement pour ceux qui iront s’installer près de leur nouvelle usine», ajoute Stéphane Dormeval.
Si les négociations sont en cours, la direction a, depuis le 3 octobre, commencé à envoyer des courriers à chacun de ses salariés pour proposer un reclassement et un poste spécifique sur l’une des trois unités du groupe, soit à Flixecourt, Forme­rie ou Saint-Paul-sur-Ternoise. La loi stipule que le salarié a trois mois pour faire part de sa décision. S’il ne donne aucune réponse, une fois le délai écoulé, le groupe peut engager une procédure de licenciement économique.

Le devenir du site
Autrement dit, la fin de l’année devrait voir la fermeture officielle du site, même si le groupe ne pipe mot sur le sujet. «On a essayé de savoir si le groupe avait un projet pour le site, par exemple un repreneur. Apparemment, il n’y a aucun projet», indique le représentant de FO. Stéphane Dormeval, lui, ne s’en fait pas pour Bigard. «Le groupe retombera sur ses pattes, comme il l’a toujours fait. Il se pourrait bien qu’il se lance dans une opération immobilière une fois le site fermé. Je dis cela, car, comme par hasard, le groupe Alliance, qui avait son siège à côté de Bigard, sur le site d’Ailly-sur-Somme, a déménagé il y a quelque temps pour s’installer à Amiens. Le site sera donc totalement libre», relève-t-il.
Contacté, Hervé Drouvin, président de la Cobévial et membre du con­seil de surveillance du groupe Alliance (actionnaire à 29 % du groupe Bigard, ndlr) ne souhaite pas commenter les événements. «Nous sommes certes un actionnaire de Bigard, mais un actionnaire minoritaire qui n’a pas pouvoir de décision. Une fois cela dit, cette mesure prise par le groupe Bigard n’arrive pas de façon brutale. Ensuite, le site de Flixecourt marche très bien et des propositions seront faites pour chacun», dit-il. Peut-être, mais il n’en reste pas moins que sur le site, les salariés sont partagés entre la colère, le désespoir et la résignation.

Conditions et risques psycho­sociaux sur le site d’Ailly

Le 30 novembre 2015, le cabinet de conseil et d’expertise Emergences, mandaté par le CHSCT de l’établissement, rendait son rapport d’expertise sur les conditions de travail et les risques psychosociaux sur le site d’Ailly-sur-Somme, dirigé par le groupe Bigard. «Le site présente toutes les caractéristiques d’une déchéance annoncée : arrêt total des recrutements, perte progressivement des compétences à cause du non-renouvellement des effectifs dans un contexte de dévitalisation du site liée à une population vieillissante, politique de mutation des salariés vers d’autres sites en pleine expansion, encouragement des départs par rupture conventionnelle et à la retraite anticipée, absence totale d’investissement au risque de transférer une partie de l’activité sur un autre site pour rester conforme à la réglementation relative à l’utilisation du gaz R22, etc.» Et d’ajouter : «On voit bien que les inquiétudes des salariés ne reposent pas sur des éléments abstraits.»

Aussi le rapport préconisait-il à la direction de dire clairement où elle voulait se diriger et d’avoir un «discours de vérité». Autres recommandations : retrouver un dialogue constructif entre la direction et les IRP, s’appuyer sur les ressources du collectif, un management renouvelé et reprendre une démarche de prévention intégrée, prenant en compte RPS et pénbilité du travail.

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