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Biométhane : discussions difficiles avec l’État

Les discussions entre le gouvernement et la filière du biométhane sur les tarifs d’achat sont ardues. La forte baisse des tarifs qui est prévue ferait péricliter le tissu des installations, notamment agricoles, selon les professionnels.

La forte baisse des tarifs redoutée par les professionnels ferait péricliter le tissu des installations, notamment agricoles, selon ces derniers.
La forte baisse des tarifs redoutée par les professionnels ferait péricliter le tissu des installations, notamment agricoles, selon ces derniers.
© Emmanuel Dessein



Des discussions difficiles ont lieu en ce moment entre le gouvernement et la filière du biométhane sur les tarifs d’achat aux producteurs de biométhane. Des réunions au Conseil supérieur de l’énergie, devant fixer les tarifs de rachat, ont été reportées à plusieurs reprises. Le gouvernement prévoit de mettre en œuvre une baisse immédiate de 10 % du tarif de rachat du biométhane injecté ainsi qu’une baisse de 2 % par an de ce soutien, provoquant de vives réactions des professionnels de la méthanisation, et pas seulement ceux de l’agriculture. Le think tank France Biométhane a appelé le 9 septembre le gouvernement à «revoir son projet de tarif de rachat afin de le mettre en cohérence avec les perspectives de baisse de coût de production du biométhane». Si France Biométhane salue la structuration de la filière pour valoriser les biodéchets, à travers le plan de relance, «les capacités de traitement sont insuffisantes et doivent être considérablement renforcées pour répondre au besoin de valorisation», indique le think tank.

Traiter 10 Mt de biodéchets
Pour France Biométhane, les capacités locales de traitement des biodéchets en méthanisation à proximité des lieux de production devraient être fortement augmentées, «en multipliant par cinq le nombre d’unités installées». Sans une nette augmentation du nombre d’unités au plus près des gisements de matières premières entrantes, «nous n’aurons pas la capacité d’absorber les 10 millions de tonnes (Mt) de biodéchets annuelles, qui proviennent des cantines, des restaurants, des invendus de la grande distribution», assure Frédéric Flipo, son porte-parole. Ces 10 millions de tonnes s’ajoutent aux déchets de l’agriculture, notamment les effluents d’élevage. «Si on laisse tous ces volumes riches en matière organique prendre la direction de l’incinération avec les ordures ménagères, ou l’enfouissement, on passe non seulement à côté d’une opportunité de produire du gaz vert, mais on se prive des digestats, qui diminuent la facture d’engrais des agriculteurs pour la fraction liquide. Quant à la partie solide des digestats, elle structure le sol et améliore le stockage de l’eau.»

De l’énergie, mais pas que
La filière est très attachée au caractère d’économie circulaire de la méthanisation. Elle n’entend pas être réduite à la seule production d’énergie renouvelable. «On assimile à tort la méthanisation à une énergie comme une autre, assujettie aux seuls impératifs de compétitivité par des économies d’échelle. En réalité, si l’on multipliait par cinq la dimension des unités, on irait à rebours de la méthanisation territoriale et agricole. Il faudrait des norias de camions pour transporter des biodéchets et des digestats», a expliqué Frédéric Flipo.
«Nous avons l’impression qu’on fait fi de la méthanisation agricole et de toutes les externalités positives qu’elle apporte aux territoires en valorisation des effluents, en activité économique et en emplois», a déclaré le même jour Jean-Marc Onno, président de l’Association des agriculteurs-méthaniseurs de France (AAMF). «Pour nous, les unités de méthanisation doivent être réparties de façon équilibrée sur les territoires, avec un fort contenu en externalités positives : de la réduction de gaz à effet de serre, des conversions en bio, des emplois locaux et de l’acceptation par le voisinage.» «L’État veut des volumes de gaz, mais peu lui importe que ce soit avec de la méthanisation agricole. Il préfère plutôt traiter avec un site important qu’avec de nombreux sites répartis dans les régions. C’est pourquoi nous craignons que si le tarif en forte baisse passe au Conseil supérieur de l’énergie, ce soit la fin de la méthanisation agricole», glisse quant à lui Philippe Collin, secrétaire général de l’AAMF.

Un régime défavorable à la méthanisation à la ferme
Dans le futur régime, une enveloppe globale de biométhane, représentant 22 à 24 térawatt-heure serait attribuée aux projets de dimensions petite et moyenne, représentant moins de 300 normo-mètres cubes par heure (les normo-mètres cubes sont des mètres cubes à une pression et une température standard), selon Olivier Dauger, responsable «énergie et climat» à la FNSEA. Cette enveloppe serait à partager entre les porteurs de projets de cette catégorie d’unités petites et moyennes, qui représentent 80 % de la méthanisation agricole. Les porteurs de projets qui entrent dans cette catégorie bénéficieraient de prix conventionnés, mais dégressifs en fonction des quantités produites. À côté de cette catégorie, se trouverait celle des projets de plus de 300 normo-mètres cubes par heure. Ces projets seraient sélectionnés par appels d’offres.
Pour l’AAMF, ce régime, s’il était adopté, serait défavorable à la méthanisation à la ferme, parce que les installations entrant dans la première catégorie seraient confrontées à la forte baisse des prix d’achat du biométhane, à moins de réaliser des économies d’échelle en augmentant la dimension des unités. Mais l’augmentation de la taille des unités de méthanisation est un engrenage dans lequel les agriculteurs-méthaniseurs ne souhaitent pas s’engager.


L’État débordé par l’afflux des projets de méthanisation

L’État a fait savoir à la profession en janvier 2019 qu’il réduirait, pour les nouveaux contrats, le tarif d’achat du biométhane injecté, de 100 € le mégawatt-heure, à 67 € - le mégawatt-heure est l’unité de mesure, bien qu’il ne s’agisse pas de valorisation du biométhane en électricité -, rappelle Jean-Marc Onno. Devant cette annonce, de nombreux investisseurs se sont empressés de signer des contrats. Cet afflux entraîne une hausse des coûts de construction des unités, et le coût des matières premières méthanisables augmente. «On se demande combien de projets arriveront au bout», s’est-il exclamé.

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