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Canal Seine-Nord Europe : ce qui change pour l’agriculture

Les Chambres d’agriculture du Nord-Pas-de-Calais et de la Somme viennent de remettre leurs études agricoles autour de la reconfiguration du canal Seine-Nord Europe.

Le tracé définitif du canal Nord-Seine Europe porte sur 107 km de long, avec une réutilisation partielle du canal du Nord.
Le tracé définitif du canal Nord-Seine Europe porte sur 107 km de long, avec une réutilisation partielle du canal du Nord.
© AAP

 

Comme tout projet de ce type, les conséquences sur l’environnement immédiat ne manquent pas. Parmi celles-ci, les différents préjudices sur l’activité agricole, notamment ceux concernant la question foncière. Pour que la problématique agricole ne soit pas sous-estimée, pire, oubliée, les Chambres d’agriculture de la Somme et du Nord-Pas-de-Calais ont réalisé des études agricoles sur les 12,5 km de tronçons compris de part et d’autre dans le nouveau tracé. Leurs objectifs ? «Notre volonté était de connaître les systèmes d’exploitations agricoles impactés par le tracé et les contraintes qui en découlent de telle sorte à ce que les opérations foncières qui seront menées ensuite tiennent compte de ces éléments tant pour les éleveurs, les irriguants que pour l’ensemble des agriculteurs», précise Yannick Decoster, responsable service juridique et foncier à la Chambre d’agriculture de la Somme.
Soixante-dix-sept agriculteurs du Nord-Pas-de-Calais sont impactés par le nouveau tracé, cinquante-six dans la Somme. Soixante ont fait l’objet d’une enquête pour l’étude dans le Nord-Pas-de-Calais, quarante neuf dans la Somme. Il en résulte que la surface agricole moyenne est de 125 ha dans la Somme, 90 ha dans le Nord-Pas-de-Calais, la taille moyenne du parcellaire dans le tracé concerné est, elle, de 4,23 ha dans la Somme et de moins de 2 ha dans le Nord-Pas-de-Calais. Les agricultures y sont quasi-comparables, orientées vers les grandes cultures (le Nord-Pas-de-Calais se distinguant par ses productions de pommes de terre et d’endives) et l’industrie. L’élevage y est peu présent et la diversification guère développée. Or, avec la réalisation du canal, le foncier agricole, déjà fort parcellé, va en prendre un coup, en raison notamment des dépôts qui vont être créés pour accueillir les terres excédentaires issues du creusement du canal.

La problématique des dépôts
Trois dépôts définitifs sont envisagés par les Voies navigables de France (VNF) dans la Somme : le premier entre Etricourt et Equancourt sur 77 ha, le second à Etricourt-Manancourt sur 13 ha et le troisième à Allaines sur 10 ha, soit 100 ha d’emprise foncière auxquels il faut ajouter 86 ha à Allaines pour la création d’un bassin réservoir qui alimentera le canal en période d’étiage, et d’autres hectares sans doute avec le déplacement de terres végétales, constituant de fait des emprises foncières, autrement dit d’autres dépôts, mais cette fois-ci provisoires.
Côté Nord-Pas-de-Calais, neuf dépôts définitifs ont été identifiés, la plupart le long du tracé ou à proximité, couvrant, au total, 134 ha, selon VNF. L’emprise du canal et les dépôts impactent 283 ha, auxquels s’ajoutent 44 ha de compensations environnementales. Conséquence inévitable des emprises : la destructuration du parcellaire, déjà fort morcelé. Si la Safer et VNF ont fait l’acquisition dans la Somme de 938 ha de terres  pour assurer une compensation foncière aux agriculteurs concernés, rien ne garantit que la destructuration du parcellaire sera amoindrie, puisque toutes les terres ne sont pas forcément le long du tracé du canal. Dans le Nord-Pas-de-Calais, la Safer a acquis 725 ha d’Ytres à Aubenchel-au-Bac et VNF 9 ha.
Autres impacts à prévoir : des coupures de voiries et de réseaux, notamment sur les cheminements hydrauliques (le risque étant que cela crée des retenues d’eau en avant des dépôts ou des inondations) ; la modification biologique des sols aux endroits des dépôts.

Les agriculteurs montent au créneau
«Les agriculteurs, qui ont été associés à l’identification des sites de dépôts, préfèrent une compensation foncière à une indemnisation. Ce qu’ils veulent aussi, c’est que lorsqu’il y aura un dépôt, que celui-ci ait tôt ou tard un retour vers l’agriculture, et que soit optimisée la réutilisation des terres végétales déplacées à cause du canal», détaille Yannick Decoster. Mais la première des attentes est, bien entendu, la diminution de l’emprise foncière des dépôts. Pour ce faire, les agriculteurs de la Somme ont identifié vingt-huit sites de dépôts alternatifs couvrant 400 ha. Dans le Nord-Pas-de-Calais, «la Chambre d’agriculture a fait huit propositions de dépôts reprenant en grande partie celles de VNF, précise Monique Six, chef du pôle études - SIG à la Chambre d’agriculture du Nord-Pas-de-Calais. Nous avons demandé, par ailleurs, la suppression de dépôts sur certaines terres agricoles du fait de leur qualité.» Un autre point important a été soulevé, à Ytres, où le projet passe très près du village. «L’emprise touche des parcelles importantes en surface, et situées à proximité des sièges d’exploitations. De plus, il y a des exploitations multi-sites, avec des bâtiments situés de part et d’autre. De ce fait, il est particulièrement important que les ponts soient rétablis avant même le lancement des travaux du canal», ajoute-t-elle.
Il ne faut pas être devin pour imaginer que toutes ces propositions ne seront pas retenues par VNF. Plusieurs critères seront forcément rédhibitoires. Parmi eux, la distance à parcourir entre le lieu d’extraction et le lieu de dépôt, son accessibilité ou encore sa capacité de stockage. VNF intégrera-t-il dans sa réflexion sur la localisation géographique des sites les propositions des agriculteurs ? Rien de moins sûr. «Mais, relève Yannick Decoster, si VNF ne retient que 10 % des propositions faites par les agriculteurs, cela fera 10 % de moins d’emprise foncière, ce qui n’est pas négligeable au vu du nombre d’hectares.»
C’est aussi pour cela que tous souhaitent également que l’opération d’aménagement foncier (34 000 ha pour l’ensemble des communes impactées, ndlr) soit rapidement engagée. D’autant que la durée moyenne d’une telle opération est a minima de sept ans. Une éternité en cette période de difficultés pour les agriculteurs.

 

 

Retour sur l’histoire mouvementée de ce projet, véritable serpent fluvial
Les premières études datent de la fin des années 1980. Presque trente ans que l’on parle de ce projet de grande infrastructure de 54 mètres de large sur 107 km entre Compiègne (Oise) et Aubenchel-au-Bac (Pas-de-Calais), capital pour le développement économique de la région, mais qui n’a eu de cesse de s’enliser. Trop abstrait, trop complexe, trop long, mais surtout, trop coûteux. Conséquence : le projet a été reconfiguré à maintes reprises. Au début des années 2000, le projet semble sortir de l’impasse. Une déclaration d’utilité publique (DUP) est même obtenue en septembre 2008. L’ensemble du tracé est validé. Coût estimé : 7 milliards d’euros supportés par un partenariat public-privé (PPP). Les incertitudes planant sur les PPP, le coût exorbitant du canal et la crise ont raison du projet. Le PPP est abandonné et le canal prend l’eau.
le projet est remis sur les rails en 2013. Le financement sera public, mais à moindre coût. Ne reste plus qu’à traquer les économies. C’est la mission qui est confiée en 2013 à Rémi Pauvros, député-maire (PS) de Maubeuge (Nord) par Frédéric Cuvillier, alors ministre des Transports. Pour diminuer la douloureuse facture, le député-maire fait des propositions techniques en termes de tracé et d’architecture du canal. Le coût est estimé à 4,7 milliards d’euros. Le projet sera subventionné par des fonds publics à hauteur de 80 %, voire 90 %, venant de l’Europe, de l’Etat et des collectivités territoriales, le solde (de 800 millions à un milliard) étant emprunté.
Le tracé initial a été modifié entre Allaines (80) et Marquion (62), sur une distance de 32 km, avec une réutilisation partielle du canal du Nord. Parmi les autres modifications apportées, un abaissement du bief de partage (tronçon permettant le partage des eaux, ndlr) a été retenu à hauteur de 17 mètres, une écluse prévue à Havrincourt a été supprimée et celle de Moislains décalée sur Allaines. Conséquence : le tracé étant modifié, il faut repasser par la case déclaration d’utilité publique. Une nouvelle enquête publique est lancée. Elle a pris fin en novembre 2015. Elle a reçu un avis favorable des commissaires-enquêteurs en janvier 2016. L’obtention de la DUP incluant les modifications du tracé du canal est attendue début 2017. Pour ne pas perdre de temps, une société de projet chargée de la réalisation du canal Seine-Nord Europe sera créée début mai. Suivront la signature des protocoles de financement avec les collectivités territoriales concernées. Le lancement des travaux est escompté la même année ou en 2018, la mise en service du canal entre 2023 et 2025.

 

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