Aller au contenu principal

Circuits courts : est-ce la solution pour les exploitations en difficulté ?

Redécouverts en France il y a une quinzaine d’années suite à la crise de la vache folle, les circuits courts ont le vent en poupe. Sont-ils aussi vertueux qu’on le prétend ?

Le CTIFL a constaté que les exploitations vendant en circuit court ont mieux résisté que les autres.
Le CTIFL a constaté que les exploitations vendant en circuit court ont mieux résisté que les autres.
© Jérôme Chabanne


«Contribuer à une meilleure rémunération des producteurs et au maintien d’une agriculture non industrialisée, valoriser les emplois locaux et par là même les emplois de proximité : autant d’effets économiques revendiqués par les partisans des circuits courts», rappelle l’ouvrage du journaliste Patrick Philippon, «Et si on mangeait local»[1]. Préfacé par Nicolas Hulot, et écrit en collaboration avec Yuna Chiffoleau et Frédéric Wallet, chercheurs à l’Inra et spécialistes des circuits courts, le livre entend répondre aux attentes pratiques, ainsi qu’aux préoccupations éthiques, d’un consommateur de plus en plus friand de ce mode de distribution.
D’après une première enquête nationale (programme Codia), en 2013, 42 % des Français avaient acheté en circuit court (défini comme comprenant de zéro à un intermédiaire entre producteur et consommateur) dans le mois précédent, pour un montant moyen de 25 euros par semaine. Un intérêt qui s’explique par plusieurs facteurs : perte de sens face aux dérives de la société de consommation, perte de confiance liée à la crise de la vache folle, et crise agricole qui pousse les agriculteurs à renouveler leurs modèles.
Il est difficile d’évaluer si les circuits courts ont permis de créer davantage d’emplois agricoles, leur impact bénéfique «découle surtout de la survie d’exploitations qui, sinon, auraient disparu, condamnées par le système dominant», indique l’ouvrage. En effet, observant les disparitions de fermes entre 2000 et 2005, le CTIFL a constaté que les exploitations vendant en circuit court ont mieux résisté que les autres. C’est notamment vrai pour les petites fermes (moins de dix hectares), qui bénéficient davantage du renouveau des circuits courts. Cette distribution permet en effet des marges supérieures, des avances de trésorerie dans le cadre de certains systèmes (Amap par exemple), mais elle s’adapte également mieux aux attentes du consommateur (découverte de nouveaux produits).

Des freins à la mise en place
Conscients de ces bénéfices, un quart des futurs installés en agriculture prévoient de mettre en place des circuits courts sur leur exploitation, quand la proportion est de seulement un sur dix pour les exploitants déjà en activité. Pour ces derniers, le passage aux circuits courts n’est pas toujours facile : sur les exploitations, les investissements ont été faits pour une pratique de circuit long, sans compter que le changement d’organisation implique de nouvelles compétences et du temps supplémentaire (préparation, transformation éventuelle, commercialisation).
Certaines filières, comme les bovins viande, ont ainsi des contraintes spécifiques qui rendent le passage aux circuits courts encore plus complexe : fort investissement initial, longueur du cycle économique pour la viande, nécessité de transformation. L’ouvrage évoque pourtant l’exemple des races à viande dans le Massif central, dont les exploitations ne permettent pas la culture du maïs fourrage pour nourrir leurs animaux. Or, il faut plus de temps aux bovins nourris à l’herbe pour atteindre le poids classique requis. «Certains de ces éleveurs se tournent donc vers les circuits courts, où le format des carcasses a moins d’importance et où ils peuvent faire valoir l’argument de la qualité de leur viande», témoigne l’auteur.
Pour les exploitations de taille moyenne, trop petites pour concurrencer les fermes industrielles, et trop grandes pour concurrencer les petites exploitations qui écoulent l’essentiel de leur production en circuit court, le changement reste difficile. Ainsi, une ferme laitière produisant 250 000 litres par an «ne peut pas lutter avec les prix des unités beaucoup plus importantes fonctionnant en filières longues», et le temps requis pour s’occuper du troupeau ne laisse pas beaucoup d’espace pour la transformation en yaourts et fromages, ni pour la commercialisation. La solution la plus courante est, dans ce cas, de s’associer à des partenaires, qui «toutefois, manquent encore», explique l’auteur.
En dépit de ces freins, les exploitants qui se tournent vers les circuits courts retrouvent du sens à leur métier, dans un projet plus collectif, car «un circuit court ne se construit jamais seul», rappelle l’auteur.

[1] «Et si on mangeait local ?» de Patrick Philippon, Editions Quae, 17 €

Sous-titre
Vous êtes abonné(e)
Titre
IDENTIFIEZ-VOUS
Body
Connectez-vous à votre compte pour profiter de votre abonnement
Sous-titre
Vous n'êtes pas abonné(e)
Titre
Créez un compte
Body
Choisissez votre formule et créez votre compte pour accéder à tout {nom-site}.

Les plus lus

Contrôle de chasseurs lors d'une battue aux grands gibiers dans le département de l'Eure-et-Loir par l'OFB.
L’OFB va concentrer ses contrôles sur la chasse pendant 15 jours

L’Office français de la biodiversité (OFB) annonce une opération nationale de contrôles renforcés du 29 novembre au 14…

mobilisation contre accord UE-Mercosur PAC et taxe engrais
Mobilisation ce mercredi dans la Somme : « Macron nous met sur la paille »

Les agriculteurs de la Somme se mobilisent ce mercredi 12 novembre contre une succession de décisions et déclarations jugées…

mobilisation Arras déplacement Emmanuel Macron
Un déplacement d’Emmanuel Macron perturbé par des tracteurs, le préfet s'en va

Le préfet du Pas-de-Calais, Laurent Touvet, n’est plus en poste. Son départ a été acté ce mercredi 26 novembre 2025 lors du…

Olivier Berthe tapage nocturne relaxe
Relaxe pour l’éleveur du Vimeu accusé de tapage nocturne

Le tribunal de police d’Amiens a relaxé mardi 25 novembre Olivier Berthe, poursuivi pour « tapage nocturne »…

Historial de la Grande Guerre de Péronne guerre en Ukraine
À l’Historial de la Grande Guerre, une conférence interroge les échos du conflit en Ukraine

Alors que l’Europe commémore l’armistice du 11 novembre, l’Historial de la Grande Guerre de Péronne propose une réflexion…

Emmanuel Macron au Brésil évoque l'accord de libre-échange UE-Mercosur
Mercosur : après le « non », le « oui » de Macron

En marge du sommet des chefs d’État précédant la COP30 au Brésil, Emmanuel Macron a changé de ton sur le très controversé…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 9.90€/mois
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site Action Agricole Picarde
Consultez les versions numériques de l'Action Agricole Picarde et du site, sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce aux newsletters de l'Action Agricole Picarde