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Crise de gouvernance : Tereos contre-attaque

Le 6 février dernier, François Leroux, entouré de la plupart des membres du conseil de surveillance, organisait une rencontre avec la presse agricole pour faire un démenti des dernières accusations lancées contre la coopérative.

Quasiment tous les membres du conseil de surveillance étaient présents à la conférence de presse organisée par le président du conseil de surveillance, François Leroux (le premier à gauche), le 6 février, au siège de Moussy-le-Vieux.
Quasiment tous les membres du conseil de surveillance étaient présents à la conférence de presse organisée par le président du conseil de surveillance, François Leroux (le premier à gauche), le 6 février, au siège de Moussy-le-Vieux.
© F. G.



«N’en jetez plus, la coupe est pleine.» Un dicton que le conseil de surveillance, présidé par François Leroux, pourrait reprendre à son compte. Depuis l’an dernier, la crise de gouvernance interne, qui a donné lieu à la démission de soixante-dix conseillers de région en juillet 2018, puis à l’exclusion de trois de ses coopérateurs, monte crescendo. Au cœur de l’incendie : les dénonciations de ces derniers sur «une gouvernance défaillante», une «mauvaise gestion de la coopérative» et une «absence de résultat de la politique d’internationalisation».
Des accusations réitérées, début février, qui ont poussé le président du conseil de surveillance à prendre sa plume pour écrire aux coopérateurs, le 2 février dernier. «Dix contrevérités n’ont jamais constitué une seule vérité», s’insurge-t-il. Pour lui, «la ligne rouge a été franchie». Et «si une minorité ne met pas fin à son acharnement à déstabiliser notre coopérative, nous ne serons plus en mesure de garantir sa survie», ajoute-t-il. Des propos qu’il a répétés, trois jours plus tard, lors d’une conférence de presse au siège de Tereos, à Moussy-le-Vieux.

«La situation est grave»
Le président du conseil de surveillance déplore notamment que les vingt et un nouveaux conseillers de région, élus en décembre, refusent de participer aux commissions thématiques. «Nous avons tenu quarante réunions publiques l’an dernier pour débattre auprès d’environ dix mille planteurs, puis deux cents réunions de gouvernance. Des débats, il y en a eu un paquet», rappelle-t-il.
Or, que propose les contestataires ? «La réponse est simple : rien ! S’ils ont un projet, qu’ils le présentent. On a besoin de connaître leur opinion. On a des urgences. Nous avons tendu la main à maintes reprises et essayé de rassembler par tous les moyens, mais rien n’y fait. Il faut se remettre au travail, car la situation est grave», insiste-t-il.
Et si la situation en interne continue de se dégrader ainsi, «le conflit ne nuira pas uniquement à nos propres intérêts d’agriculteurs et de coopérateurs, mais pourrait tout autant affecter l’ensemble de nos salariés, clients, partenaires financiers, etc.», s’alarme-t-il. «Chacun doit prendre désormais ses responsabilités, car on est en train de tout casser», ajoute Jean-Charles Lefebvre, vice-président du conseil de surveillance et président de la commission betteravière. Pour Pascal Foy, membre du conseil de surveillance et président de la commission pommes de terre, c’est même «une entreprise de destruction de Tereos, qui n’est pas le fait du hasard». Mais que disent les résultats ?

Contexte économique
Si l’on peut faire dire tout et n’importe quoi aux chiffres, la crise du sucre n’a pas toutefois épargné Tereos. Le groupe français a décuplé ses pertes au premier semestre de son exercice 2018-2019 (d’avril à septembre) à 96 millions d’euros, contre 10 millions d’euros un an plus tôt. Et la faiblesse des prix, depuis la fin des quotas, et en dépit d’une reprise depuis quelques mois, ne devrait pas inverser la tendance et permettre d’atteindre un résultat net positif, même sur les divisions sucre international et celles de l’amidon et des produits sucrants devraient se montrer plus performantes.
Le chiffre d’affaires a chuté de 9 % à 2,11 milliards par rapport au premier semestre 2017-2018, du fait de l’effondrement de près de 30 % des prix du sucre européen, à leur plus bas niveau historique, et qui a débuté «l’été dernier, en pleine négociation des prix avec nos clients», rappelle François Leroux. Quant à l’excédent brut d’exploitation, il a été divisé par deux, à 143 millions d’euros, contre 309 millions d’euros il y a un an. Voilà pour le rappel du contexte économique conjoncturel que traverse Tereos, qui touche aussi les résultats des groupes allemands Südzucker et Nordzucker, au passage.

La stratégie de Tereos
Malgré l’environnement économique et des résultats en berne, le groupe ne prévoit ni suppressions d’emplois, ni fermetures de sites, ni restructurations des sucreries de l’Union européenne, et dit n’avoir aucun problème de trésorerie. Quant à la dette, elle n’a pas augmenté considérablement depuis ces deux dernières années, selon Tereos. Le groupe a toutefois proposé de réduire les surfaces de 5 % en 2019, ce que ses planteurs ne semblent «pas trop suivre».
Dans tous les cas, si la coopérative est à «l’abri», selon Jean-Charles Lefebvre, c’est grâce à la politique de diversification et d’internationalisation conduite depuis 2012. «La coopérative avait préparé l’entreprise face aux marchés qui allaient se libérer. On savait qu’il fallait s’arrêter de se contenter du marché européen. C’est pour cela que l’on a créé une structure internationale de vente. Nous avons aussi restructurer notre financement pour dégager du revenu et se lancer dans des plans d’investissement», détaille-t-il.
Autre étage de la fusée pour passer le cap : le projet d’augmentation du capital, destiné à financer le développement du groupe, soit la poursuite de sa diversification et de son internationalisation. Autrement dit, l’ouverture du capital est au programme. Quand, comment et avec qui ? «On ne peut pas mettre la charrue avant les bœufs, indique Laurent Caudron, membre du conseil de surveillance et président du Conseil de la région Picardie Est. La concertation a débuté avec les adhérents. Le projet est en pleine construction, et doit être amendé par 100 % des adhérents. Une fois cela dit, il y a un pré-requis auquel nous ne dérogerons pas, c’est que les coopérateurs conservent les clés du capital
Reste que, avec qui Tereos aura envie de se «fiancer», «on n’est pas en mesure d’avancer aussi rapidement que l’on souhaiterait sur le sujet au vu des difficultés que l’on traverse avec cette crise interne. Ce n’est donc pas la priorité aujourd’hui. Selon le contexte, on pourra peut-être y voir plus clair d’ici un ou deux mois», commente Pascal Foy. Pour l’heure, c’est encore au tribunal que se joue le énième bras de fer entre les «dissidents» et la coopérative (cf. encadré).
Mais quoi qu’il arrive, la stratégie de la coopérative de Tereos reste la même, à savoir «assurer la meilleure rémunération possible en cash à nos productions agricoles et en stabiliser le niveau par le bénéfice de la diversification», rappelle François Leroux.


Tereos de nouveau assigné au tribunal

C’est de nouveau devant le tribunal de grande instance de Saint-Quentin que l’ADCT et la coopérative se sont retrouvées le 7 février dernier. Au cœur du différend : la vérification de la pétition lancée par l’association pour réclamer la convocation d’une assemblée générale extraordinaire afin de désigner une nouvelle gouvernance. Le premier round, à ce même tribunal, en novembre dernier, avait fait pencher la balance du côté des frondeurs, le juge des référés demandant de suspendre l’exclusion des trois coopérateurs pour qu’ils puissent participer à ladite l’assemblée et que soit nommé un huissier pour le contrôle de la pétition.
Or, comment contrôler la pétition sans le fichier des coopérateurs de Tereos, d’un côté, et sans la pétition, de l’autre, puisque l’association s’était engagée moralement à ne pas s’en dessaisir auprès de la direction de la coopérative ? Après moult péripéties et volte-face des uns et des autres, des pourparlers étaient engagés entre les deux parties pour déterminer le protocole de vérification jusqu’à ce que tout dialogue soit rompu, le 7 janvier dernier. Ne pouvant s’entendre sur les modalités de contrôle, l’association a décidé de porter de nouveau l’affaire devant le tribunal de Saint-Quentin. Bis repetita.
Mais la partie qui s’est jouée devant ce tribunal, le 7 février dernier, est montée d’un cran. Cette fois-ci, les avocats de la coopérative ont sorti l’artillerie lourde, démontant les arguments de l’association un par un. Et de dénoncer, pêle-mêle, outre la campagne de déstabilisation dont la coopérative fait les frais, les procès-verbaux remis par l’huissier mandaté par l’ADCT à partir de sondages aléatoires, et sans possibilité pour celui-ci de vérifier l’identité des signataires de la pétition, l’absence des pièces justificatives de l’identité des signataires, ainsi que celle des originaux des feuillets des signataires. Pour Tereos, «nul doute, la volonté de l’ADCT est de camoufler le fait que la pétition ne remplit pas les conditions exigées par la loi et les statuts de Tereos». Et d’enfoncer le clou : «La conception de "pétition anonyme" n’a pas de sens et ne permet aucune vérification !»
Côté ACDT, «on a tout fait de bonne foi, mais on a été peut-être un peu légers dans la collecte des signatures, notamment sur les pièces d’identité», reconnaît Xavier Laude, un des coopérateurs exclus.  Que demande l’ACDT au tribunal ? Qu’un huissier indépendant soit nommé pour la vérification de la pétition pour déterminer si le seuil de déclenchement d’une assemblée générale a été franchi (le seuil est à 2 400 signatures, l’ACDT en revendique 2 598, ndlr). L’absence de réponse du signataire dans un délai de 48h vaudra acceptation pour la convocation d’une assemblée. Que demande Tereos ? Que la pétition lui soit transmise et qu’un huissier indépendant la contrôle, et qu’il exclut toute signature sans nom, coordonnées, e-mail, sans copie ou photo de la pièce d’identité et celles de personnes non adhérentes de la coopérative. Réponse dans un mois. Quoi qu’il arrive désormais, sur le terrain, le ras-le-bol des agriculteurs commence à se faire sentir. F. G.

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