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Damien François, Noriap : «Muter sans perdre son âme»

Fraîchement arrivé à la direction générale de la coopérative et du groupe Noriap, Damien François revient sur la feuille de route qui lui a été confiée en évoquant ses diverses activités sur un large périmètre qui s’étend des Flandres à la Seine-Maritime, en passant par la Picardie.

Damien François, nouveau directeur de la coopérative et du groupe Noriap.
Damien François, nouveau directeur de la coopérative et du groupe Noriap.
© V. F.



Vous avez été nommé officiellement à la direction de la coopérative et du groupe Noriap le 14 janvier dernier, prenant la succession de Martin Migonney. Quel a été votre parcours avant ce parachutage en Picardie ?
J’ai suivi un cursus d’ingénieur en agriculture à l’École supérieure d’agriculture (ESA) d’Angers - j’en suis encore aujourd’hui administrateur -, ainsi qu’une formation en commerce à l’École de management (EM) de Lyon. À cinquante ans, les deux marqueurs de ma carrière professionnelle sont les quinze ans que j’ai passé dans la division agriculture du Groupe Soufflet puis les dix ans passés au sein de la coopérative Axéréal, à Orléans, en charge de l’activité agrofournitures, puis à la division métiers du grain.

Quels regards portez-vous sur l’agriculture picarde ?
Il s’agit pour moi d’une des plus belles agricultures de France, avec de nombreux atouts. Elle bénéficie en premier lieu d’une qualité et d’une diversité pédoclimatique qu’on ne trouve pas ailleurs, même si elle est impactée par le changement climatique. On le voit, par exemple, avec l’apparition de nouvelles cultures légumières que l’on trouvait traditionnellement dans le sud de la France. L’agriculture picarde s’est appuyée sur le développement d’activités agroalimentaires et vice-versa, comme on le voit rarement ailleurs. Les agriculteurs y sont fiables et bons techniquement. Enfin, la Picardie a la réputation d’être une terre de commerce.

Le fonctionnement d’une entreprise coopérative ne vous est pas étranger... Quel est votre attachement à ce mode de gouvernance ?
J’ai découvert la coopération en milieu de parcours professionnel. Si je suis venu chez Noriap, c’est justement parce que c’est une coopérative et que cela me plait. Le modèle coopératif est important pour les agriculteurs, mais cela l’est également pour les salariés parce qu’une entreprise coopérative n’est pas délocalisable. Elle ne peut non plus faire l’objet d’une OPA. Les coopératives sont des entreprises qui s’inscrivent dans la durée et qui investissent en conséquence sur des temps longs, ce que ne feraient pas forcément d’autres types d’entreprises. Nos actionnaires n’attendent pas un retour immédiat et ce retour n’est pas uniquement financier. Enfin, l’entreprise coopérative prend soin de sa relation avec ses adhérents et a une certaine responsabilité dans la vitalité économique d’un territoire. Chez Noriap, par exemple, quand on réfléchit à l’aménagement d’un silo, on pense à ce que cela va changer pour nos adhérents, mais on tient compte aussi de son impact sur le territoire où il est implanté.

Quelle est la feuille de route qui vous a été confiée ?
Le conseil d’administration de la coopérative a profité d’un changement de direction pour mettre en place un nouveau projet d’entreprise ; lequel a été présenté lors de notre dernière assemblée générale. Ma mission est désormais de la mettre en œuvre. Le rôle du directeur est d’appliquer les décisions prises par un conseil d’administration. L’ambition globale est de faire en sorte que la coopérative Noriap soit le meilleur partenaire de l’agriculteur. Nous devons également assurer la résilience de la coopérative. Noriap est une entreprise en mutation, mais ce n’est pas pour autant qu’elle perd son âme.

Le bon moment est-il venu pour opérer un certain nombre de changements dans la stratégie de l’entreprise avec un contexte agricole chahuté ?
La feuille de route est ambitieuse et le contexte n’est pas simple, cela est vrai. Nous devons intégrer la fin des 3R, nous allons devoir choisir entre conseil et vente des produits phytosanitaires, intégrer de nouvelles activités... Nous sommes effectivement chahutés, mais cela va dans le bon sens. La vie coopérative est active. À la clé, ce qui compte, c’est que nous soyons en phase avec les attentes de nos fournisseurs et de nos clients. Nous estimons que c’est le bon moment pour prendre le virage que nous avons à prendre puisque Noriap a les moyens financiers pour le faire et les compétences. Enfin, notre dernière assemblée générale a dépoussiéré nos pratiques en matière de communication. Nous engageons des efforts pour mieux communiquer envers nos adhérents et nos partenaires. L’époque où il fallait vivre caché pour être heureux est révolue.

Parmi ces changements, et comme on a pu l’entendre lors de la dernière assemblée générale de Noriap, la diversification occupe une place de plus en plus importante. Quelle place reste-t-il pour la collecte et la valorisation des céréales ?
L’activité de collecte reste la plus importante, et de loin, puisqu’elle représente encore bien plus de 50 % du chiffre d’affaires de la coopérative (69,3 % du résultat de l’entreprise lors de l’exercice 2018-2019, ndlr). Ensuite, on ne peut pas nier que Noriap est bien engagée dans la diversification avec l’alimentation et la production animale, la distribution verte, le transport, le machinisme agricole, la prestation de services...

Quels sont le rôle et l’importance de la diversification dans le fonctionnement et les résultats d’une entreprise comme Noriap ?
Trouver et développer de nouvelles activités fait partie de la feuille de route. Nous voulons diversifier nos activités tout en restant sur notre périmètre territorial et en veillant à ce que ces nouvelles activités permettent à nos adhérents de créer de la valeur. Le modèle historique des entreprises coopératives de collecte des grains et d’approvisionnement en agrofournitures de leurs adhérents est malmené. Nous devons trouver d’autres relais de croissance, et c’est à cela que sert la diversification. Néanmoins, il ne faut pas que cette diversification desserve la coopérative ou ses adhérents. Quand on lance une activité de diversification, on vise à ce qu’elle soit économiquement autonome, avant qu’elle devienne un relais de croissance. Elle doit nous permettre d’être plus solide dans le temps et de répartir les risques.

De quelle manière la coopérative accompagne ses adhérents dans le changement de pratiques demandé par la société civile ?
Nos adhérents ont de vraies interrogations. Nous ne sommes pas là pour les rassurer, mais pour proposer des solutions. Nous travaillons, par exemple, beaucoup sur l’agriculture de conservation des sols (ACS) en leur apportant du conseil, des formations. Cela est une manière de montrer que l’on peut changer les choses sur les exploitations. Nous faisons la même chose autour de la méthanisation. Nous proposons à nos adhérents de développer de nouvelles cultures. C’est par exemple le cas avec les productions légumières, les semences fourragères... Nous les accompagnons également dans l’obtention de la certification Haute valeur environnementale (HVE) afin que celle-ci devienne un socle de référence pour le plus grand nombre et éviter que chacun de nos clients n’impose son propre cahier des charges.

Parmi les activités de diversification à avoir le vent en poupe, la méthanisation est en bonne place, y compris chez Noriap. Comment cela se traduit sur le terrain ?
Nous nous intéressons à ce sujet depuis que des agriculteurs adhérents de la coopérative nous l’ont demandé. C’est une démarche qui n’existait pas il y a encore un an. Nous pouvons intervenir en tant que partenaire financier, mais notre intervention est aussi matérielle. Comme les agriculteurs qui se lancent dans un projet de biométhanisation, Noriap peut apporter de la biomasse et du conseil. Nous regardons chaque projet s’il se situe sur notre périmètre d’activité, que toutes les parties prenantes d’un projet soient adhérentes de la coopérative ou pas. Il faut avant tout que le projet soit économiquement viable.

Votre investissement dans les secteurs du machinisme ou de l’élevage s’inscrit-il dans la même logique ?
La diversification de Noriap dans les activités animales est récente puisqu’elle a moins de dix ans, mais l’on constate aujourd’hui que cela fonctionne bien. En augmentant notre participation dans Cocorette, ce qui doit encore être prochainement validé par l’Autorité de la concurrence, on va donner à nos adhérents la possibilité d’élever des poules pondeuses. Grâce à cela, ce sera aussi la première fois que Noriap aura une prise directe, via les emballages des œufs, sur la communication envers le grand public puisqu’elle va bénéficier d’une marque nationale forte. Nous pourrons ainsi nous servir de ce biais pour expliquer au consommateur la manière dont nos adhérents produisent. Pour ce qui est du machinisme, nous devons continuer à expliquer à nos adhérents que cette activité est une manière pour nous de faire le lien entre l’utilisation qu’ils ont de leurs matériels et la conduite de leurs itinéraires culturaux. L’objectif n’est pas de vendre du matériel comme le font d’autres entreprises spécialisées, mais il est d’avoir accès à un certain nombre de données qui nous permettent ensuite d’adapter les itinéraires culturaux.

L’activité prestations de services, via la société CABC, n’est pas toujours comprise et fait débat... En quoi répond-t-elle à une attente de vos adhérents ?
Cette activité a démarré en proposant des prestations spécifiques, comme l’épandage d’amendements calcaires, organiques et de compost. Ce sont des activités que les agriculteurs sont prêts à déléguer facilement. Seulement, pour rendre rentable cette filiale de Noriap, il a fallu l’ouvrir à d’autres activités. Nous sommes présents sur des créneaux d’activité spécifiques, dans lesquels on est capable d’apporter une différenciation et pour lesquels un agriculteur seul n’est pas forcément équipé. Dans le même temps, nous pouvons intervenir en tant que tiers de confiance entre des agriculteurs qui ont des besoins et d’autres agriculteurs qui veulent réaliser des prestations. La vocation de Noriap n’est pas de gérer des fermes en propre. En faisant cela, on évite que le travail soit fait des prestataires extérieurs à la région. Cela permet de garder une activité et la valeur ajoutée sur notre territoire. En ce sens, on reste dans l’esprit de la coopérative.

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