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Demeter 80 : la Somme a sa cellule de lutte contre l’agribashing

Créée en octobre 2019, Demeter est la cellule nationale de suivi des atteintes au monde agricole. Ce 15 octobre, sa déclinaison samarienne était signée par ses acteurs. Un dispositif encore plus complet.

L'objectif de la cellule Demeter 80 : une meilleure protection des exploitations et des exploitants, grâce à un meilleur partenariat.
L'objectif de la cellule Demeter 80 : une meilleure protection des exploitations et des exploitants, grâce à un meilleur partenariat.
© A. P.

Des intimidations, des insultes, et même des dégradations et des intrusions dans les exploitations… L’agribashing est un phénomène grandissant, dont le monde agricole de la Somme n’échappe pas, mais pris très au sérieux. Créée en octobre 2019 par la Direction générale de la gendarmerie nationale, la «cellule nationale de suivi des atteintes au monde agricole», appelée cellule Demeter, est destinée à apporter une réponse globale et coordonnée à l’ensemble des problématiques qui touchent l’agriculture. Depuis ce 15 octobre, la Somme dispose désormais de sa déclinaison départementale, nommée Demeter 80, encore plus poussée que la cellule nationale. La convention était signée à la préfecture de la Somme par la préfète Muriel Nguyen, les différents acteurs et les représentants du monde agricole.

«L’objectif est une meilleure protection des exploitations et des exploitants, grâce à un meilleur partenariat, résume la préfète. L’opinion porte sur vous, agriculteurs, un regard paradoxal. Pendant le confinement, les citoyens ont réalisé qu’ils étaient nourris grâce à vous et se sont rapprochés de vous à travers les circuits courts. Mais d’un autre côté, les modes de production sont très critiqués, parfois avec une radicalité inacceptable.» Demeter 80 reprend les domaines d’action énoncés au niveau national. Premièrement, de la prévention et de l’accompagnement des professionnels du milieu agricole par des actions de sensibilisation et de conseils destinées à prévenir la commission d’actes délictueux. Deuxièmement, de  la  communication,  en valorisant  opportunément  toutes  les  actions  menées  dans  ces  différents domaines par la gendarmerie. Enfin, du traitement judiciaire des atteintes visant le monde agricole.

Un département très agricole

Ce que Demeter 80 a de plus ? Les acteurs autour de la table sont encore plus nombreux. En plus de la préfète, du Groupement de gendarmerie départementale de la Somme (GGD80) et du milieu agricole (que représentaient la FDSEA80, les JA80 et la Chambre d’agriculture de la Somme), y sont associés le procureur de la République Alexandre de Bosschère, Le Service départemental d’incendie et de secours de la Somme (SDIS80) et l’Association des maires de la Somme (AMF80).

«La Somme est un département très rural, donc avec une dimension agricole forte», justifie Mr le procureur Alexandre de Bosschère. Une quarantaine de milliers de procédures sont traitées chaque année au parquet d’Amiens, dont des faits de vols et de dégradation de matériel agricole. Des investigations de très haut niveau en ce qui concerne les vols organisés sont même menées. Deux juges se sont récemment rendus en Lituanie pour des interpellations. «Mais certains gestes, comme l’ouverture d’une barrière de pâture, par exemple, ne sont pas qualifiés pénalement. La cellule Demeter 80 permettra de mieux qualifier ces dossiers. Elle apportera une réponse lisible pour les victimes et des actions dissuasives.»

Pour Bénédicte Thiébaut, présidente de l’AMF80, le maire peut être le relais entre l’agriculteur victime et la gendarmerie. «Bon nombre d’agriculteurs ont tendance à intérioriser et à vivre seuls leurs problèmes. Aller porter plainte n’est pas évident pour tous. Le maire doit pouvoir les accompagner.»

Des actions concrètes

Chaque signataire jouera un rôle spécifique dans le cadre de Demeter 80. La gendarmerie, animatrice et administratrice du réseau, créera, entre autres, un réseau «agriculture» et désignera, en plus du référent départemental, un référent local par communauté de brigades ou par brigade territoriale autonome. La Chambre d’agriculture, représentée par sa présidente Françoise Crété, maintiendra notamment le fonctionnement de la plateforme Alerte Agri 80, véritable réseau de sentinelle, qui prévient ses adhérents par SMS d’actes malveillants dans leur secteur. Les syndicats FDSEA89 et JA80 doivent désigner dans chaque structure locale un correspondant du réseau Demeter, lequel s’engage à être interlocuteur disponible pour les référents identifiés par la gendarmerie. Les pompiers, experts de la prévention, pourront délivrer leurs précieux conseils pour réduire les vulnérabilités constatées des exploitations agricoles aux incendies criminels. Surtout, les communications entre chacun devraient être régulières optimisées. Les mal intentionnés n’ont qu’à bien se tenir…

Denis Bully : «Je souhaite que la honte change de camp !»

La cellule Demeter80 doit apporter une réponse collégiale, complète, forte et, espérons-le, définitive à ce phénomène qu’on appelle l’Agribashing. C’est quoi, l’agribashing ? Au-delà d’un anglicisme ou d’un barbarisme, c’est une déviance. Celle de croire que le monde agricole, que les agriculteurs, que les exploitations agricoles peuvent subir en toute impunité toute forme de dénigrement, de malveillance, de délits.

Au fil des années, notre exposition a fait que de trop nombreuses personnes ont estimé que les champs sont des lieux communs, susceptibles de devenir des décharges de proximité. Que les ateliers sont des magasins de bricolage et des stations-services en accès libre… La délinquance de proximité n’a plus de frontière, à commencer par celles de nos cours et de nos champs. Mais à cette vague de fond est venue s’ajouter une pression lancinante, malveillante, qui laisse à croire que chacun peut faire subir au monde agricole ce que bon lui semble : un panneau, un tag, des attitudes et des gestes déplacés, mais aussi des intrusions, des saccages, des mutilations ou assassinats d’animaux.

Les causes sont multiples : il n’y a sans doute pas beaucoup de points communs entre ceux qui mutilent les chevaux et à présents les bovins et les militants végans qui viennent «libérer» les animaux des étables et y pénétrant la nuit et en ouvrant les barrières… Mais s’il n’y en avait qu’un, c’est le fait de considérer qu’ils ont un droit absolu sur les biens agricoles, et que leur acte relève d’une absolue impunité, voire d’une totale normalité.

Comment leur donner tort quand même un député de la République s’invite et se filme en s’introduisant de façon illicite dans un élevage avec ces groupuscules ? La peur est dans les campagnes, mais pire encore, la honte aussi. Combien d’agriculteurs subissent aujourd’hui une pression inacceptable dans leur quotidien ? Combien d’enfants d’agriculteurs cachent la profession de leurs parents pour ne pas subir les quolibets de leurs camarades, voire de leurs enseignants ? La peur doit changer de camp, disait un ministre de l’intérieur. Je souhaite  aujourd’hui que la honte change de camp !

Inverser la tendance négative

Madame la Préfète, vous nous avez interpelé à deux reprises pour finaliser ce que la cellule Demeter devait incarner sur le territoire samarien. Nous y sommes parvenus, avec un travail du Colonel Mériaux, avec les travaux des collaborateurs de la FDSEA, des JA et de la Chambre d’agriculture et avec les contributions de chacun. Nous y sommes d’autant plus facilement parvenus qu’il y a un passé positif, avec le dispositif Alerte Agri qui est largement déployé (plus de mille agriculteurs volontaires à ce jour), et qui est intégré à cette convention.

En matière de délit agricole, une difficulté majeure vient du temps disponible de l’agriculteur, de la réactivité de tous, et du sentiment qu’il n’y aura pas de suite… Avec la collaboration de tous les acteurs autour de la table, nous espérons ainsi agir mieux. Mieux avant pour prévenir, mieux sur le champ pour identifier et neutraliser, et mieux après malheureusement, parfois, pour les victimes.

La synchronisation de nos efforts, de nos réseaux, de nos spécificités et de nos complémentarités, pourra, j’en suis sûr, inverser cette tendance négative, à condition bien sûr d’entretenir cette volonté et cet état d’esprit communs sur la durée.

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