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Agriculture de conservation : témoignage d'un polyculteur samarien

Voilà une vingtaine d’années que la charrue a été bannie des terres de la famille Heurtaut. Emeric a repris l’exploitation de polyculture il y a un an et poursuit le travail de conservation des sols.

Les Heurtaut sont passés en TCS et semis direct en 2003.
Les Heurtaut sont passés en TCS et semis direct en 2003.
© © D. R.



Des terres usantes, pleines de silex, ennemis des lames des charrues… «Labourer nous coûtait très cher en matériel et en gasoil, confie Emeric Heurtaut, qui a repris l’exploitation familiale de polyculture en 2017. La pratique ne correspondait plus à notre vision de l’agriculture. Alors nous nous sommes définitivement séparés de la charrue en 2000, puis nous sommes passés en TCS et semis direct en 2003».

Un sol toujours couvert
Les Heurtaut faisaient partie des premiers samariens à ne plus labourer. Leurs parcelles attiraient donc les curieux… Et les critiques. «On avançait beaucoup à tâtons au début, puisqu’on n’avait pas de références dans le secteur. Nous avons pas mal voyagé en France pour nous former auprès d’agriculteurs au point sur la pratique. Il s’agissait ensuite d’adapter leurs conseils à notre terroir.» Aujourd’hui, blé, orge d’hiver et de printemps, colza, vesces, lin et féveroles semblent plutôt satisfaits des méthodes.
La première chose mise en place a été les couverts végétaux. «C’est le premier pilier de l’agriculture de conservation. Le sol doit toujours être couvert.» Un mélange d’une dizaine d’espèces est donc implanté au plus vite derrière la batteuse. «Cela permet de bénéficier de la remontée d’eau par capillarité juste après la récolte. Un jour gagné l’été, c’est presque dix jours gagnés au printemps.»
Les rotations, deuxième pilier, sont réfléchies avec attention. «Nous avions fait un plan de rotation sur dix ans. C’est en réalité impossible à suivre. Il faut pouvoir s’adapter.» Les rotations sont pensées en termes de cultures, bien sûr - souvent deux cultures d’automne suivies de deux de printemps -, mais aussi de couverts végétaux. 80 % de légumineuses seront de mise si la culture envisagée est l’orge de printemps, alors qu’un couvert précédant des pois sera composé à 80 % de graminées. Une question de dosage du taux d’azote dans le sol.

Belle évolution de structure
Jusque-là, Emeric Heurtaut avait recours au glyphosate pour la destruction des couverts. Alors la menace d’interdiction l’inquiète. «Certaines rotations des cultures, comme pois-colza-blé, permettent de s’en passer pendant trois ans. Mais pour le reste, nous n’avons pas de solution immédiate.» Faudra-t-il envisager des semis de dicots uniquement, ou de graminées seules ? La charrue devra-t-elle faire son retour ? «Cela équivaudrait à détruire un travail de longue haleine. Car perturber le sol signifie stimuler les adventices.» Un non-sens, puisque le troisième pilier de cette technique réside en le non-travail du sol.
Depuis 2000, les sols des 170 ha de la ferme marquent déjà une belle évolution de structure, grâce, notamment, aux vers de terre de plus en plus nombreux, y compris les anéciques, qui creusent de profondes galeries verticales. Le taux de matières organiques a augmenté et atteint 2,5 %. Alors la question régulièrement posée d’une perte de rendement en TCS fait sourire Emeric Heurtaut :
«lorsqu’une terre se porte bien, la culture peut s’exprimer pleinement».
Et puis le professionnel raisonne en marge brute. L’investissement dans un semoir de semis direct, qui permet une fertilisation localisée au semis «indispensable», a vite été rentabilisé. «Nous dépensons 6 l/ha pour semer, alors qu’avant, c’était trois fois plus.» Emeric Heurtaut remarque également que ses terres se tiennent de mieux en mieux, même en cas de pluie abondante. «Pas de problème d’érosion du sol, et nous pouvons entrer dans les parcelles presque toute l’année.»
Le métier, lui, a un peu changé : «je passe moins de temps sur le tracteur, mais plus accroupi dans les champs, à surveiller les réactions de la terre». Le plus gratifiant est le sentiment qu’Emeric ressent lorsqu’il prend un peu de recul : «quand je partirai en retraite, je laisserai en héritage des terres plus riches que lorsque j’ai commencé».

Transmission et expérimentation

Emeric Heurtaut détient une bonne maîtrise des techniques de l’agriculture de conservation. Il a donc à cœur de les partager : il est formateur dans la société Hum’s, qui dispense des formations en agronomie partout en France.
Une petite partie des surfaces de l’exploitation est aussi dédiée à l’expérimentation. Des variétés de trèfles les plus performantes dans la Somme sont, par exemple testées. «Toutes les entreprises consacrent une partie à la recherche. Même si ça prend du temps et un peu d’argent, cela nous permet d’en gagner les années suivantes.»

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