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Deux programmes aux antipodes pour l’agriculture française

Le second tour de la présidentielle va opposer deux candidats aux visions et aux stratégies radicalement opposées pour l’agriculture française. D’un côté, Marine Le Pen qui propose la renationalisation de la Pac et une politique commerciale protectionniste. De l’autre, Emmanuel Macron défend une agriculture compétitive sur tous les marchés.

© Réussir/T. Michel


La première différence entre les deux candidats élus au premier tour de la présidentielle 2017, Marine Le Pen et Emmanuel Macron, réside dans le cadre dans lequel ils envisagent leur politique agricole : européen d’un côté, national de l’autre. Marine Le Pen envisage de lancer un référendum sur la sortie de l’Union européenne, et de se retirer si le non l’emportait. Dans le secteur agricole, cela se traduit par la transformation de la Pac en politique agricole française ou Paf : «Nous considérons que la Pac, et particulièrement la Pac 2014-2020, ne remplit plus aucun de ses objectifs», expliquait Marine Le Pen en mars. «La fin des mesures de régulation des prix et des volumes, la diminution des aides directes aux agriculteurs, le découplage des aides, on a vu ce que cela a donné !» Sur le plan budgétaire, elle s’engage à «maintenir le niveau des aides» au cours de cette renationalisation. A l’inverse, le projet de politique agricole d’Emmanuel Macron est résolument européen avec «une Europe forte et protectrice» et la volonté de maintenir le budget actuel. Il souhaite modifier l’application par la France de la Pac actuelle, et proposer des orientations pour la prochaine réforme. On peut retenir qu’Emmanuel Macron souhaite augmenter certains budgets (modernisation, environnement) et développer les outils de gestion de risque. La proposition la plus marquante de son programme agricole consiste en «un plan de transformation agricole de 5 milliards d’euros sur cinq ans», cofinancé par l’Europe et les régions. Cela consiste à multiplier par quatre des crédits nationaux du plan de modernisation (PCAE) actuellement d’un milliard d’euros sur cinq ans, et par l’augmentation des crédits dédiés à l’innovation et au développement rural (P3A, Casdar). Il propose également de créer des «paiements pour services environnementaux» (PSE) pour 200 millions d’euros par an.

Modèle familial contre réponse aux demandes du marché
La vision de l’exploitation agricole divise également les deux candidats. Marine Le Pen défend plutôt l’idée d’un «modèle agricole familial» et d’une limitation de l’agrandissement : «Moi, je suis la candidate de la défense du modèle agricole familial français. Pas des gros. Les gros ont profité de la Pac, de l’Europe et de la mondialisation pour se développer. Le modèle agricole français, on le connaît, c’est le modèle familial», explique-t-elle. Toutefois, la stratégie du FN pour maintenir ce type d’exploitations reste floue : «Chaque filière doit être libre de décider pour elle-même la façon dont elle veut être soutenue», expliquait-elle devant les congressistes de la FNSEA, il y a quelques semaines. Elle lie toutefois la taille et le modèle d’exploitation à la question environnementale. «J’ai fait une conférence sur la France durable dans laquelle j’ai développé l’idée que, dans cette espèce de course folle au bas de gamme qui pousse au gigantisme des structures et à l’absorption des structures familiales, on est perdant dans tous les domaines.» A l’inverse, Emmanuel Macron ne veut défendre aucun modèle en particulier, mais plutôt la capacité des exploitations agricoles à conquérir tous les marchés. «Il faut arrêter de vouloir traiter systématiquement l’agriculture à travers la question des modèles de production, explique-t-il. Il faut reconnaître la diversité de l’agriculture française.» Pour lui, ce qui fait la richesse de l’agriculture française, c’est justement cette coexistence entre des exploitations tournées vers l’exportation et compétitives, et des exploitations davantage centrées sur les circuits courts. Sur le foncier et sa transmission, Emmanuel Macron est partisan du renforcement de «la transparence des transactions agricoles, en soumettant toutes les sociétés foncières au contrôle des Safer», et il plaide pour «faciliter le recours à des outils de portage : le crédit-bail immobilier, la location-vente progressive, prêt viager hypothécaire, etc.».

Protection du marché national contre convergence européenne
S’agissant de la concurrence internationale, deux visions s’opposent également. Emmanuel Macron est le seul candidat à la présidentielle à avoir défendu la signature de l’accord de libre-échange avec le Canada (Ceta). Il est globalement favorable aux accords de libre-échange, auxquels il souhaite intégrer des «clauses sociales et environnementales contraignantes, en abaissant en priorité les tarifs douaniers sur les biens et services propres». Concernant les secteurs agricoles sensibles à la concurrence internationale, Olivier Allain, député européen et conseiller du candidat sur les questions agricoles assure que «pour Emmanuel Macron, il est hors de question de poursuivre une négociation qui pourrait mettre en péril les secteurs sensibles comme celui de la viande bovine», explique-t-il. Marine Le Pen revendique une politique économique protectionniste au niveau national et le rétablissement d’une monnaie nationale : «Nous plaidons pour un protectionnisme intelligent, encore plus en matière agricole car celui-ci doit préserver la sécurité et la qualité des produits, qui sont aussi des atouts primordiaux à l’export.» Elle plaide par exemple pour «interdire l’importation et la vente de produits provenant de l’étranger qui ne respectent pas les normes imposées aux producteurs français en matière de bien-être animal et d’environnement notamment». La dévaluation monétaire est aussi un élément du programme, peu mis en avant par le FN, de nature à relancer la compétitivité. Chez Emmanuel Macron, la protection des agriculteurs européens passe par une «convergence sociale et fiscale au niveau européen». Même idée sur les normes environnementales. Dans une lettre adressée aux agriculteurs le 21 avril, il explique que «les règles doivent être les mêmes partout en Europe» dans leur définition et dans leur application. Il cite en exemple le cas des interdictions de pesticides, appliquées «plus rigoureusement en France qu’en Espagne et en Italie». Ainsi, il veut revenir sur toutes les sur-transpositions des normes par la France «dès cet été». Pour autant, il prévoit «l’élimination progressive des pesticides, en commençant par ceux qui présentent un risque pour la biodiversité ou la santé». Pour relancer la compétitivité des entreprises françaises, il propose également une transformation du crédit d’impôts compétitivité emploi (CICE) en une baisse des charges patronales permanente.

Etats généraux de l’alimentation contre coefficient multiplicateur
Concernant les négociations commerciales, Emmanuel Macron prévoit d’organiser des «Etats généraux de l’alimentation» pour «définir un partage équilibré de la valeur». En cas d’échec de cette grande table ronde, il propose une réforme de la loi de modernisation de l’économie (LME). «Il est le seul à avoir osé mettre à l’amende Carrefour ! Il ose !», assure Olivier Allain. Emmanuel Macron propose le renforcement des organisations de producteurs et leur généralisation. «Tous les éleveurs ne sont pas adhérents aux organisations de producteurs, regrette Olivier Allain. Il faut les renforcer, notamment les associations d’OP territoriales.» De plus, il défend une «dérogation au droit de la concurrence pour le secteur agricole». Marine Le Pen se distingue par une forte intervention de l’Etat. Elle plaide pour «une négociation de prix et de volume par filière entre producteurs, transformateurs et distributeurs», dans laquelle l’Etat serait présent. Mais surtout, elle reprend une idée du député communiste André Chassaigne, de mettre en place «un coefficient multiplicateur» et de «l’appliquer sur les produits alimentaires afin de fixer une marge à la grande distribution».

Gestion des risques : le flou sur les outils et les moyens
La gestion des risques de marché ou climatiques est une demande forte de la profession agricole. Emmanuel Macron plaide «pour la mise en place d’outils de régulation adaptés à chaque filière» et pour des «outils de gestion des risques». Il cite, par exemple, l’épargne de précaution ou l’assurance climatique, sans précision sur les budgets alloués à ces politiques. «Il est favorable aux aides contra-cycliques», rapporte également Olivier Allain. Marine Le Pen a beaucoup fustigé la fin des mesures de régulation des prix et des volumes. Elle souhaite un retour à la régulation publique, sans pour autant préciser les modalités. Elle explique, par exemple, que les aides devraient contribuer «à l’équilibre des filières, au maintien d’un prix correct pour le consommateur, mais aussi d’un revenu correct pour l’agriculteur».

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