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Et si la crise agricole était une opportunité pour l’agriculture ?

Samedi 5 mars, l’association Les Journées paysannes organisait une après-midi de réflexion sur l’encyclique du pape François, «Laudato Si’» et les agriculteurs, à la maison diocésaine Saint François de Sales.

De gauche à droite : Marcel Jeanson, agriculteur dans la Somme, Gilles Hériard-Dubreuil, un des fondateurs du groupe Pour une écologie humaine et sylviculteur dans les Landes, et Thierry François, agriculteur dans la Somme et un des fondateurs des Journées paysannes.
De gauche à droite : Marcel Jeanson, agriculteur dans la Somme, Gilles Hériard-Dubreuil, un des fondateurs du groupe Pour une écologie humaine et sylviculteur dans les Landes, et Thierry François, agriculteur dans la Somme et un des fondateurs des Journées paysannes.
© AAP


«Même si le département de la Somme n’est pas le plus touché par la crise, l’élevage traverse une crise profonde, il n’y échappe pas. Certaines exploitations connaissent une précarité des plus préoccupantes», dit en préambule Mgr Olivier Leborgne, évêque d’Amiens depuis deux ans. Que peuvent faire les agriculteurs ? Faire le dos rond en attendant que la situation économique s’améliore d’elle-même, comme le monde agricole a toujours eu l’habitude de le faire, du fait des crises régulières qu’il traverse ? Ou agir en fonction de ce que doit être la vocation de l’agriculteur et réinventer sa place au sein de la société ?
«A la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’objectif de l’Etat était de rendre la France autosuffisante sur le plan alimentaire. Cet objectif a été confié aux agriculteurs. Une logique de filières industrielles s’en est suivie, éloignant les agriculteurs des préoccupations de la société. Depuis, ce «contrat alimentaire» n’a jamais été renouvelé. Or, produire doit-il être notre seul apport à la société ?», interroge Emmanuelle François, de l’association Les Journées paysannes.
L’encyclique du pape François, «Laudato Si’», ouvre quelques pistes sur le sujet en proposant une vision de l’homme dans la création afin que celui-ci redevienne acteur de ce que le pape appelle «la maison commune» (lire encadré).

Une conversion nécessaire
«De tout temps, il y a eu une interaction entre l’homme et la nature. Ce qui change à présent, c’est l’intensité de cette interaction. Le seul travail fait depuis cinquante ans sur le plan écologique porte sur les normes mises en place pour l’agriculture par le gouvernement et l’Union européenne, mais aucun projet global n’a été construit. Certes, les sociétés se sont développées, mais de façon violente, et ses richesses se sont concentrées entre très peu de mains. Conséquence : la dimension de la solidarité a été remise en cause dans ce développement», fait remarquer Gilles Hériard-Dubreuil, membre fondateur du courant Pour une écologie humaine, et sylviculteur dans les Landes.
La disparition progressive de la solidarité a été encore plus forte dans le milieu agricole, avec la baisse de ses effectifs, l’arrivée de néo-urbains dans les zones rurales, ayant une méconnaissance du milieu agricole, à l’instar de la société tout entière. Du coup, peu à peu, l’agriculture s’est séparée de la société, d’autant que cette dernière a des attentes d’un modèle agricole disparu. «Les agriculteurs doivent se remettre au cœur de la société, dit Gilles Hériard-Dubreuil. Dans les changements qui doivent être réalisés pour remettre du lien et replacer l’homme dans la nature, l’agriculture peut apporter une contribution considérable à condition d’opérer une conversion écologique, économique, sociale et spirituelle. C’est à cette conversion écologique qu’appelle le pape.»

Le «flair» des agriculteurs
Pour ce faire, doit-on corriger le modèle existant ou le repenser ? «Il n’y a pas un modèle, mais des adaptations à réaliser suivant les territoires et les cultures. Il y a tout à réinventer, expose Gilles Hériard-Dubreuil. Des agriculteurs, un peu partout, repensent leur modèle à partir de leur territoire. Des initiatives existent et font sens tant sur les pratiques que sur le rôle que peut et doit jouer l’agriculteur dans la société. C’est cette invitation que nous lance le pape dans son encyclique, à savoir redonner du sens dans un chemin à la fois personnel et collectif, grâce à ce qu’il appelle le «flair du peuple». Ce «flair», les agriculteurs l’ont. Ils peuvent conduire la transition à laquelle est appelée l’agriculture.» Ainsi, si l’agriculture passe un contexte difficile, «c’est paradoxalement une opportunité», conclut-il.
Reste que sur un territoire comme celui de la Picardie, «avec nos systèmes de grandes cultures, nous sommes enchaînés au système mis en place. Nous sommes incapables de réagir face à ce système auquel nous avons contribué. Du coup, se rassembler est, pour nous, une difficulté majeure», soulève Marcel Jeanson, agriculteur dans la Somme. Autre question soulevée par Patrick Desmedt, ancien animateur syndical à la FDSEA 80 : «Est-on capable d’avoir un projet d’agriculture en France rassemblant toutes les formes d’agriculture ?»
Pour Thierry François, un des fondateurs de l’association Les Journées paysannes, quelle que soit l’agriculture pratiquée, «il y a des points communs entre tous les agriculteurs. Tous sont attachés à leur terre qu’ils veulent, par ailleurs, transmettre. Tous ont également le sens du réel, le goût d’entreprendre et un esprit critique.» Quels que soient les obstacles, la transition peut se faire, mais «c’est autour des territoires que cela doit démarrer», selon Gilles Hériard-Dubreuil. Et c’est aussi à partir de ces territoires qu’il faut refaire des partenariats avec la société. «Il y a incontestablement un travail d’éducation à faire avec la société. Cela peut être même source de revenus pour nous», ajoute-t-il. En fait, «il faut changer de paradigme, chacun en habitant ses projets et ses territoires. Ce n’est qu’ainsi que tous finiront par se rapprocher», conclut Mgr Olivier Leborgne.

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