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L’élevage, fragile garant de la préservation des zones humides

Les zones humides font de la Somme un patrimoine naturel remarquable. Ces milieux ont été préservés, jusque-là, grâce aux troupeau qui y pâturent. Mais l’élevage est en déclin…

443 exploitations sont installées en zones humides, en plaine maritime picarde et en moyenne vallée de la Somme. Parmi elles, une majorité d’élevages.
443 exploitations sont installées en zones humides, en plaine maritime picarde et en moyenne vallée de la Somme. Parmi elles, une majorité d’élevages.
© Matthieu Franquin

Des étendues de marais, de fagnes, de tourbières. De l’eau tantôt stagnante, tantôt courante, parfois douce, parfois salée… Une faune et une flore bien spécifiques et, au milieu de tout cela, des animaux d’élevage qui pâturent ces terres fertiles, mais soumises à de nombreuses contraintes. Ce paysage est celui des zones humides qui s’étendent dans le département, presque tout au long de la Somme, entre Corbie et Saint-Valéry-sur-Somme.
Ces zones humides de la Somme se distinguent, chez nous, en deux territoires : la plaine maritime picarde (23 communes de Fort-Mahon à Cayeux-sur-mer et de Saint-Valéry à Abbeville, 23 000 ha, dont 6 000 ha de prairies et 260 exploitations dont 160 avec un élevage bovin), et la moyenne vallée de la Somme, plus grande vallée tourbeuse du Nord de l’Europe (38 communes le long du fleuve, d’Abbeville à Fouilloy, 6 371 ha, 900 ha de pairies et 183 exploitations dont 108 éleveurs).
«Ces territoires présentent un fort enjeu environnemental, précise Matthieu Franquin, du Syndicat mixte Baie de Somme Grand littoral picard (SMBS-GLP). Et les agriculteurs contribuent à le préserver, notamment grâce au maintien des prairies humides.» On distingue les prairies hygrophiles, très humides, soumises à des inondations prolongées d’un à plusieurs mois, et les prairies méso-hygrophiles, moyennement humides, qui connaissent des périodes d’inondation plus courtes.
Celles-ci accueillent un patrimoine naturel spécifique et à haute responsabilité. La flore diversifiée, est dominée par les graminées. Et certains habitats prairiaux sont identifiés comme d’intérêt européen par la directive «habitats-faune-flore». L’Ache rampante, ou encore l’Orchis négligé, une orchidée sauvage typique de ces milieux, sont ainsi rarissimes à l’échelle nationale, mais se trouvent en très grand nombre dans les zones humides samariennes. Cette végétation fait le bonheur de la faune, elle aussi rare, comme des espèces d’oiseaux, avec le vanneau huppé, la barge à queue noire, la sarcelle d’été et le canard souchet.
Pourquoi la préservation de ces zones humides est-elle devenue une priorité ? «Parce qu’elles sont en régression», assure Matthieu Franquin.

40 % de prairies en moins
En cause, principalement, l’élevage de plus en plus rare. «Entre 1988 et 2010, 40 % de prairies ont disparu en plaine maritime.» La moyenne vallée de la Somme connaît le même phénomène. Les pommes de terre et les betteraves remplacent de plus en plus les bovins, les exploitations s’agrandissent - la SAU moyenne d’une exploitation dans ces zones a été multipliée par deux en vingt ans - et les aléas climatiques, notamment les inondations, sont redoutées.
Pourtant, en luttant contre l’embroussaillement, le pâturage permet de conserver les habitats naturels et les espèces remarquables liées aux milieux prairiaux. Les acteurs du territoire (SMBS-GLP, Chambre d’agriculture de la Somme, et l’agence de l’eau Artois-Picardie, Département, élus locaux…), ont donc renouvelé leur engagement pour défendre l’élevage dans ces zones, lors d’un forum sur l’élevage en zones humides, à Abbeville, le 23 novembre.

Des sites naturels mondialement reconnus

Les zones humides de la Somme sont précieuses. Leur valeur est d’ailleurs reconnue au niveau européen et mondial. Dix-huit sites du département sont aujourd’hui classés Natura 2000, un réseau de sites européens institué par la Directive habitat. En moyenne vallée de la Somme, le site Natura 2000 «Marais et monts de Mareuil-Caubert», par exemple, s’étend sur 895 ha (Abbeville, Bray-les-Mareuil, Eaucourt-sur-Somme, Epagne-Epagnette, Mareuil-Caubert, Yonval). Tremblants, roselières, mégaphorbiaies, larris, habitats aquatiques et forestiers y ont été recensés.
L’objectif, comme pour les 28 085 autres sites d’Europe : conserver la biodiversité tout en maintenant des activités économiques respectueuses de la nature. «Natura 2000 n’a pas vocation à interdire les pratiques comme l’agriculture, la chasse, la pêche ou le tourisme. Le but est de travailler avec les usagers des territoires qui souhaitent s’engager dans la démarche, afin de concilier au mieux leurs pratiques et la préservation de la biodiversité», explique l’Ameva, gestionnaire de sept sites Natura 2000 de la Somme.
Depuis 1998, 19 043 ha du département sont même estampillés site Ramsar. N°925 précisément. La convention de Ramsar, aussi appelée convention relative aux zones humides, est un traité intergouvernemental mondial fournissant le cadre de l’action nationale et de la coopération internationale pour la conservation et l’utilisation durable des zones humides et de leurs ressources. C’est le seul traité mondial consacré à un écosystème particulier. Le site Ramsar Baie de Somme englobe deux sous-sites : la zone littorale et les marais arrière-littoraux.
«Les éleveurs sont pleinement intégrés à la démarche, puisque leur travail s’inscrit dans nos objectifs de maintien et restauration du patrimoine naturel d’amélioration de la gestion de la ressource en eau, et de valorisation des activités traditionnelles façonnant les paysages humides», explique Julie Robert, en charge de la gestion du site pour le SMBS-GLP. Pour Jérôme Bignon, sénateur de la Somme et président de l’association Ramsar France, la zone Ramsar pourrait même être étendue. «Dans l’idéal, elle pourrait aller jusque Fonsomme, à l’ouest du département, tellement la biodiversité de ces zones humides est grande», assure-t-il. Un rapport doit être déposé courant du mois de janvier.
Autre projet : que le secteur soit retenu au titre des cartes ICHN (indemnité compensatoire de handicaps naturels). Une aide financière, dispositif du second pilier de la Pac, qui vise à maintenir une agriculture viable dans des zones fragiles. «Nous n’avons pas été retenus cette année, mais nous allons continuer à nous battre pour cela, car elle renforcerait la politique de soutien à l’agriculture que nous menons», assure Laurent Somon, président du Conseil département.

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