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La filière allaitante est à un carrefour crucial

La baisse conséquente du cheptel de bovin allaitant représente une grande source d’inquiétudes pour la filière, qui craint de disparaître si des mesures ne sont pas rapidement prises.

Congrès de la FNB, le 6 février, à Mende.
Congrès de la FNB, le 6 février, à Mende.
© © D. R.



Depuis 2017, le cheptel bovin allaitant subit une décapitalisation brutale qui fragilise la filière. Les participants d’une table-ronde, organisée le 6 février, à l’occasion du congrès de la FNB à Mende, ont tenté d’expliquer cette érosion qui inquiète les éleveurs. La première cause semble être le manque de revenu et de valeur captés par les éleveurs. En trente ans, la productivité physique du travail a doublé, le tonnage de viande vive travaillé par un éleveur a été multiplié par deux, et ce, en raison principalement de l’accroissement constant de la taille des exploitations, explique Patrick Veysset agri-économiste et ingénieur de recherche à l’Inra.
Dans le même temps, la productivité des biens et des services s’est réduite. L’efficience technique des systèmes de production s’est donc restreinte. «Pour produire un kilo de viande Aubrac, il faut 4 % de plus de concentré et 1 % de plus de gasoil. On a remplacé le travail humain par les biens et les services, en augmentant les investissements», expose le chercheur.
En élevage bovin allaitant, le concept d’économie d’échelle ne fonctionne pas. Plus on agrandit le troupeau, plus on génère des charges, indique Patrick Veysset. Si les coûts de production ont augmenté les revenus, eux, semblent avoir peu évolué. L’éleveur ne capte donc pas de valeur ajoutée, et ne se rémunère que très peu. «Nous créons de la valeur et elle nous échappe», se désole Bruno Dufayet, président de la FNB.

Viabilité et transmission
Des exploitations non rémunératrices se transmettent de plus en plus difficilement. Or, «50 % de la population d’éleveurs a plus de cinquante ans, et détient 50 % du cheptel», caricature Dominique Fayel, membre du bureau de la FNB. Le renouvellement des générations s’impose donc comme un enjeu majeur pour la filière. Mais, pour cela, il faut des exploitations «vivables et transmissibles. Nous ne voulons pas continuer à travailler toujours plus à toujours moins cher. Cette logique ne peut plus durer. Elle est une des causes de la décapitalisation», expose Guillaume Gauthier, responsable viande bovine chez Jeunes agriculteurs.
Si le constat semble désolant, dans une logique prospective et optimiste, les orateurs, ainsi que les éleveurs présents qui ont largement animé les débats, ont tout de même essayé de formuler des propositions afin que cette décapitalisation ne signe pas la fin de la filière. La juste rémunération des éleveurs, pour préserver l’attractivité d’une filière génératrice d’emploi et ancrée dans le territoire, semble être la première condition au maintien des élevages. «Le travail fourni doit être récompensé», insiste Dominique Fayel. «Les euros doivent retomber dans les cours de ferme», ajoute Bruno Dufayet.
Pour ce faire, certains conseillent de miser sur la montée en gamme, comme le préconise le plan de filière, qui fixe comme objectif 40 % de viande en label rouge, contre 2 ou 3 % actuellement. Cependant, que ce soit pour monter en gamme ou pour conquérir des marchés à l’export, la FNB regrette le blocage de certains acteurs. Alors que certaines filières territoriales intégrées et transparentes dans la répartition de la valeur émergent, une filière nationale basée sur ce principe peine à s’imposer.
Pourtant, la montée en gamme française produit déjà des effets. La traçabilité s’est avérée être un bouclier efficace pour retrouver la viande polonaise importée, «une consécration du travail des éleveurs français», souligne Christiane Lambert, présidente de la FNSEA.

Remettre en cause le modèle existant
De plus, les effets de la loi Egalim, qui devait permettre une meilleure répartition de la valeur, tardent un peu à se traduire sur le terrain, et «les mauvaises habitudes de certains distributeurs réticents à rémunérer les agriculteurs sont tenaces», s’agace Jérémy Decerle, président de Jeunes agriculteurs et éleveur de charolaises en Saône-et-Loire. La FNB, la FNSEA et JA se félicitent tout de même qu’après six mois de débats, les organisations aient obtenu la validation d’une méthode de calcul. Bruno Dufayet regrette cependant la longueur des débats, signe de la volonté de freiner les évolutions de certains acteurs au sein de l’interprofession.
Si les solutions concrètes peinent parfois à se dessiner et à se pérenniser au niveau national, une conclusion s’est imposée : la filière se trouve à un carrefour crucial, et elle doit opérer des changements conséquents, remettre en cause son modèle pour assurer son avenir et celui des éleveurs de bovins viande. Un nouveau modèle toujours vertueux, qui continue de préserver l’agriculture à taille humaine, avec une filière réorganisée qui intègre tous les acteurs, tout en étant transparente et juste dans la répartition de la valeur, comme dans certaines filières territoriales.
«Nous ne pouvons plus continuer à cautionner un modèle qui nous oblige à travailler toujours plus sans nous rémunérer, c’est suicidaire. Sans prise de conscience, nous courrons droit à la catastrophe. Nous devons réagir rapidement, et il est encore temps de prendre des mesures pour sauver la filière !», insiste Bruno Dufayet.

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