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La médiation : un outil d’avenir pour le monde agricole

Le 4 avril, le centre de médiation professionnelle des Hauts-de-France organisait une rencontre, à Amiens, sur la médiation, outil d’avenir pour le monde agricole.

Le dialogue entre le monde agricole et la société manque cruellement. La médiation peut être une clé d’entrée pour sa restauration.
Le dialogue entre le monde agricole et la société manque cruellement. La médiation peut être une clé d’entrée pour sa restauration.
© D. R.

Pas un jour ne se passe sans que les médias ne se fassent l’écho de conflits entre le monde agricole et la «société». Ferme des mille vaches, projets de méthanisation, projets d’extension d’élevages de porcs, de poules, de vaches, haies arrachées mettant en péril la biodiversité, chant des coqs le matin irritant le voisinage, odeurs des vaches... La liste est longue comme le bras. Sans oublier, au sein même du monde agricole, les conflits liés à la transmission des exploitations, aux successions, aux baux, etc. Si l’existence de conflits auxquels sont confrontés les agriculteurs ne datent pas d’hier, la diffusion accélérée de l’information, qui se répand comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux, donne l’impression d’une montée en flèche de ces conflits. Avec la sensation désagréable, pour le monde agricole, d’avoir constamment les caméras braqués sur lui et d’être sous le feu permanent des critiques.
«La véritable difficulté à laquelle sera confronté de plus en plus le monde agricole, ce ne sera pas la question des prix, mais celle liée à l’environnement. Les sources de conflits iront crescendo sur cette question», prévoit Lionel Manteau, ancien avocat au barreau de Compiègne, aujourd’hui conciliateur. La complexité et les changements dans la réglementation jouent également un rôle non négligeable dans l’augmentation des conflits.
Le résultat ? Le développement d’un sentiment de dénigrement de plus en plus fort à l’encontre du monde agricole, communément appelé aujourd’hui «l’agribashing». La désagrégation du tissu rural, la méconnaissance de plus en plus prononcée du monde agricole et de ses activités, ainsi que la diminution de ses effectifs, entraînant au demeurant un sentiment d’isolement profond, éclairent en partie les sources de conflits actuels. Alors que faire ?
Renouer le lien social en expliquant son activité et en ouvrant son exploitation sont des pistes que les agriculteurs ne peuvent plus ignorer. La médiation peut en être une autre.

Sortir du conflit
Dans l’imaginaire collectif, le médiateur est le pompier envoyé à la suite de fermetures d’usines, de conflits sociaux, de tensions politiques… Tel est le terme employé par le monde politique et livré tel quel par les médias. Erreur de sémantique, volontaire dans bien des cas, puisque le bon terme est celui de conciliateur. «Le médiateur est celui qui ne traite que la partie relationnelle d’un conflit et accompagne les parties concernées pour qu’elles trouvent leurs propres solutions alors que le conciliateur propose des solutions amiables entre les parties, en s’appuyant sur des outils techniques et juridiques», explique Ludovic Leplat, président du centre de médiation professionnelle des Hauts-de-France.
La médiation a pour objectif d’intégrer l’apaisement dans la résolution des conflits. Comment ? Tout débute par un entretien individuel, qui reste confidentiel, pour que chacun puisse exposer la situation, ses attentes, son interprétation du conflit, les conséquences émotionnelles qui en résultent, afin de pouvoir évacuer ces dernières et clarifier la situation.
Si chaque médiateur a sa méthode, le fil conducteur reste le même. «C’est un travail de clarification que nous menons avec la personne pour qu’elle reconsidère ses certitudes et reformule la situation vécue. Ensuite, on traite chaque question point par point avec elle jusqu’à ce qu’elle parvienne à proposer sa solution», détaille Ludovic Leplat.
Si la démarche n’est pas évidente, car elle touche à l’intime, la médiation est une solution qui donne toutefois des résultats, dixit Ludovic Leplat, en permettant de renouer le dialogue et en recréant du lien. Or, «le dialogue, c’est ce qui manque dans le monde agricole du fait de la distanciation qui s’est creusée entre celui-ci et la société. Avec la médiation, le dialogue peut être réinstauré avec les autres. En cela, cette démarche représente un outil d’avenir pour le monde agricole», assure Ludovic Leplat. D’autant que, si la médiation est de plus en plus pratiquée au sein des entreprises, des organisations, à la demande des particuliers, et s’invite également dans le monde judiciaire, tel n’est pas encore le cas dans le monde agricole. Une fois cela dit, la médiation n’est pas la solution miracle, mais elle est un bon outil pour œuvrer à l’apaisement des conflits, voire pour les régler.

Cyril Hervois, notaire et médiateur
Notaire à Cambrai, Me Cyril Hervois s’est lancé dans la médiation en 2015, pratique qu’il considère dans le prolongement de son activité notariale.
Comme le Monsieur Jourdain de Molière qui faisait de la prose sans le savoir, Me Cyril Hervois pratiquait la médiation sans en avoir vraiment conscience. «Cela correspond à ce que j’ai dans le ventre. Pour moi, il était très frustrant de voir les personnes qui venaient à notre étude partir sans solution sur le plan humain. On ne peut pas dignement laisser partir les personnes avec leur détresse. C’est un drame. Or, la médiation est un bon outil pour poser une méthode sur l’approche et pour  aider les personnes à dépasser cette détresse et apaiser les conflits dans lesquels elles sont prises», explique-t-il.
Après avoir suivi une formation à la Chambre des notaires de Paris, en septembre 2015, pour acquérir les «outils» de médiation, il s’est lancé, en intégrant cette activité dans celle de notaire. «Dans une médiation, il ne faut pas avoir d’a priori et savoir s’oublier pour faire écho aux difficultés des personnes», rappelle-t-il. Autrement dit, être dans une attitude de totale neutralité pour que la personne puise poser des mots sur le conflit qu’elle vit, puis identifier les buts à atteindre afin de trouver par elle-même la solution. «C’est comme si l’on était d’un côté d’une porte qu’il faut franchir, puis cheminer avec elle jusqu’à ce que l’on atteigne l’autre côté du rivage, tout en respectant son rythme. Mais, en aucun cas, on ne porte la personne», ajoute-t-il.

La problématique agricole
Si beaucoup de dossiers qu’il traite portent sur des séparations, des héritages, et autres histoires familiales, un certain nombre a trait au monde agricole (conclusion de baux, signature de baux, transmission des entreprises agricoles, etc.). Une problématique agricole à laquelle il est particulièrement attaché en raison de son histoire personnelle. «Je suis issu d’une famille agricole, qui s’est beaucoup déchirée, et j’ai toujours trouvé cela insupportable. Il y a des moyens d’éviter les psychodrames au sein des familles, notamment grâce à la médiation. Ceci explique cela
Nul doute pour lui, la médiation doit être bien plus présente dans le monde agricole. Non seulement du fait des attaques incessantes auxquelles celui-ci est confronté, mais aussi parce que la problématique agricole est transversale. «Elle touche à la fois les biens, la transmission, les successions, la famille, l’affect. Et le lien à la terre est très fort, ainsi qu’à celui de l’exploitation, dont la construction s’est faite au fil des décennies, représentant du coup une valeur sentimentale et affective extrêmement lourde, sans oublier le poids du passé», détaille-t-il.
Si la médiation ne résout pas tous les problèmes, elle reste importante à ses yeux, car elle est «source d’apaisement et de lien social. Mais il faut la connaître et la comprendre avant de s’y lancer, car c’est dur, on touche au point zéro de la personne, autrement dit, à ce qui la blesse profondément. Il faut que ce soit une démarche volontaire, sinon cela ne marchera pas, et que les personnes aient conscience que la solution est à portée de leurs mains», conclut-il.

F. G.

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