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La production d’œufs de poules en cage va-t-elle disparaître ?

La grande distribution a annoncé qu’elle ne commercialisera plus d’œufs de poules en cage d’ici 2020, voire 2025. La profession se mobilise.

Paradoxe : alors que les poules biologiques et de plein air sont actuellement confinées pour cause d’épidémie de grippe aviaire, les poules en cage pourraient être «libérées».
Paradoxe : alors que les poules biologiques et de plein air sont actuellement confinées pour cause d’épidémie de grippe aviaire, les poules en cage pourraient être «libérées».
© AAP


Ce n’est pas une déclaration de guerre, mais cela pourrait y ressembler. Dès octobre 2016, Système U annonçait que, pour sa marque de distributeur, elle ne s’approvisionnerait plus qu’en œufs issus de poules élevées en plein air d’ici 2020. Le 20 décembre 2016, Carrefour s’engageait aussi à bannir de ses rayons les œufs de poules en cage d’ici 2020 sous sa marque propre, et d’ici 2025 pour l’ensemble des fournisseurs de ses rayons. Le 9 janvier dernier, le groupe de grande distribution Les Mousquetaires (Intermarché, Net­to…) lui emboîtait le pas. Lidl, Norma, Aldi, Leclerc prenaient le relais. Monoprix, de son côté, avait déjà opéré le changement sur la totalité de son rayon œufs depuis avril 2016 sur l’ensemble des marques nationales.
Or, avec 47 milliards d’œufs produits en France chaque année, dont 68 % sont issus de poules élevées en cages contre 25 % en bâtiments avec accès au plein air et 7 % au sol sans accès au plein air, autant dire que l’annonce de la grande distribution de ne plus commercialiser d’œufs standards d’ici 2020, voire 2025, a fait l’effet d’une bombe. Les Hauts-de-France n’ont pas plus échappé à la secousse sismique avec une production de plus de trois millions d’œufs de poules en cage, soit 65 % de la production, toutes catégories confondues (cf. tableau).

La colère gronde
Une bombe, d’abord pour les producteurs concernés, qui ont dû investir en 2012 dans leur bâtiment, à la suite des nouvelles normes européennes, imposant de réserver un espace vital d’au moins 750 cm2 par poule au lieu des 550 cm2 réglementaires, et donc avec des cages plus grandes, assorties d’un perchoir, d’un nid et d’une litière permettant le picotage et le grattage. Traduction : ceux qui avaient un bâtiment adaptable ont pu apporter des aménagements, les autres ont dû investir dans un nouveau bâtiment pour continuer la production. Montant de la facture : un milliard d’euros.
Aussi l’annonce de la grande distribution est-elle, pour eux, inconcevable. «C’est indécent», s’insurge Jérôme Tassart, producteur d’œufs de poules en cage à Grivillers. «Pour nous, c’est la mort de notre production», dit un autre, qui souhaite conserver son anonymat. Et tous de se demander comment s’adapter à la nouvelle donne compte tenu des investissements précédents pour lesquels ils ont fait un prêt auprès de leur banque, et qu’ils remboursent encore. Non seulement ces professionnels vont être contraints de revoir l’organisation de leurs poulaillers mais, en plus, ils auront à trouver les espaces de terre nécessaires pour laisser picorer les vo­lailles. Au total, ce sont 4 000 hectares qui vont devoir être mobilisés. Traduction : certains élevages de­vront être déplacés sur des sites de taille plus grande, d’autres fermeront faute de foncier et de moyens financiers.
Côté CNPO (Comité national pour la promotion de l’œuf), «c’est du dénigrement total à l’égard de cette profession. Pire que cela, c’est une opposition déclarée à la con­sommation animale, en droite ligne de ce que défendent des associations comme L 214», indi­que Francis Damay, administreur. Pour le comité, les en­seignes ne tiennent compte «ni des con­traintes de temps, ni des problématiques techniques, et encore moins de l'impact économique de ce chantier de très grande envergure pour les éleveurs». Pour le pré­sident de la Confédération française de l’aviculture, Jean-Michel Schaeffer, «cela a été très dur à encaisser. C’est pénible, d’autant qu’à peine un chantier est lancé, il faut déjà passer à autre chose. Or, on ne chan­ge pas de production du jour au lendemain. C’est la raison pour laquelle on demande du temps».

La profession se mobilise
L'interprofession s'était fixé en octobre un objectif de 50 % de la production en alternatif d'ici 2022 (30 % actuellement). «Si nous considérons qu’il faut passer de 68 % à 50 % la production d’œufs de poules en cage, ce sont près de dix millions de places de pondeuses qu’il faut transformer. Le coût global est estimé à 500 millions d’euros», précise Francis Damay. Question : cette déclaration n’aurait-elle pas incité l’interprofession à accélérer le pas ? On peut se le demander. Quoi qu’il en soit, depuis plus de deux ans déjà, le CNPO réfléchit à l’évolution de la production des œufs alternatifs. Et pour cause. Les œufs de poules en cage subissent un repli des ventes de l’ordre de 5 à 6 % alors que les œufs de pou­les biologiques connaissent une croissance d’environ 12 % et les œufs de poules en plein air de 6 à 7 %.
Pour ce faire, l’interprofession veut mettre en place un «contrat sociétal d’avenir». Plusieurs thèmes y sont abordés : l’adaptation de la production à la demande de con­sommateurs qui souhaitent que les poules ne soient plus en cage, la participation de la grande distribution à l’interprofession, la mise en place d’un logo «Œufs de Fran­ce» et la participation financière de tous les opérateurs de la filière pour aider les producteurs à réinvestir… «Sur les cinq années à ve­nir, cela re­présenterait une somme de vingt millions par an», précise Francis Damay.
Dans cette optique, «nous sommes allés à la rencontre de tous les distributeurs pour leur présenter le «contrat sociétal d’avenir». Nous leur demandons du temps pour pouvoir construire les bâtiments, mais aussi d’appliquer une politique plus juste des prix au vu du bradage des œufs alternatifs, et une démarche collective de filière avec leur participation financière. Enfin, nous souhaitons que les consommateurs aient accès à tou­tes les catégories d’œufs. Autrement dit, ils doivent pouvoir trouver des œufs standards dans les rayons de la grande distribution. Mais tout cela est très dur à mettre en place», reconnaît Jean-Michel Schaeffer. Autre difficulté : «Pas mal de distributeurs veulent travailler en direct avec leurs fournisseurs, ce qui complique la tâche», ajoute Francis Damay.
Aide ou pas, le CNPO craint une surproduction d'œufs issus de poules en cage et un effondrement des prix. Et tous de redouter une déstructuration de la filière avec une inadéquation entre l’offre et la demande. Sans compter qu’avec un éclatement de la production, le contrôle sanitaire va s’avérer plus compliqué à gérer. A l’heure où l’on est à la recherche de bilan carbone au plus bas, le compte n’y sera pas…



L’impact sur les fournisseurs

Matines et Œufs de nos villages sont aussi pris dans la tourmente des annonces des distributeurs. L’un comme l’autre sont autour de 60 % d’œufs standards encore aujourd’hui, en adéquation avec les tendances du marché actuel. Traduction : ils vont devoir revoir leur stratégie. Le groupe Cocorette, lui, est dans la mouvance. «C’est une bonne nouvelle pour nous, mais une fois cela dit, cela ne l’est pas pour une partie de la filière, particulièrement pour les producteurs d’œufs standards, dont la plupart sont encore engagés dans le remboursement de leur prêt, et ce, pour quelques années encore», explique Pascal Lemaire, directeur du groupe.
Passer d’une production à une autre est tout sauf simple, «d’autant qu’il faut trouver des surfaces en herbe et obtenir des permis de construire. Sans compter que les banques sont très interrogatives sur l’avenir de la filière», ajoute-t-il. Conséquence : une mobilisation de la filière s’impose. «Il faut mettre la profession rapidement autour de la table et définir les axes de développement. Certaines régions sont déjà bien organisées, ce qui n’est pas le cas dans les Hauts-de-France. Si on ne le fait pas, on perdra des marchés», indique Pascal Lemaire. Avant de mettre en garde : «Attention, il n’y a pas de projet type. Il faut des investissements adaptés à chaque éleveur.»

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