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Le pari de l’élevage de taurillon dans une exploitation grande culture ?

La production de taurillons pourrait constituer un atout pour les exploitations de grandes cultures céréalières ou industrielles. Encore faut-il s’en persuader.

Bien raisonner son projet pour réaliser un bâtiment économe en temps de travail, avec un accès à la paille alimentaire 
et évolutif.
Bien raisonner son projet pour réaliser un bâtiment économe en temps de travail, avec un accès à la paille alimentaire
et évolutif.
© © D. P.


Le contexte est incertain : cours des céréales au plus bas, fin des quotas betteraviers, surproduction de pommes de terre, de plus en plus de concurrence en production de légumes… Les terres restent productives, mais le souci de les préserver devient de plus en plus prégnant. Les exploitations sont de plus en plus grandes et se doivent d’être productives pour rentabiliser la main-d’œuvre salariée. En dépit de ce contexte, ces exploitations diversifiées aux grandes surfaces gardent une bonne rentabilité, mais il faut toujours avoir un coup d’avance.
Le retour à l’élevage en zone de cultures est-il sensé ? L’engraissement de taurillons n’est pas nouveau dans la région et les compétences dans le domaine sont nombreuses pour guider. Il faut du professionnalisme, comme pour toute production, et bien ficeler son projet.
La performance d’un atelier taurillons passe par la possibilité de mettre les jeunes bovins en quarantaine à leur arrivée, une mise à disposition permanente de paille alimentaire fraîche, éviter les changements alimentaires et surveiller, ce qui est peut-être le plus difficile, pour anticiper les risques sanitaires. Une fois le système de production bien calé, c’est toujours la même routine. Mais au-delà de l’atelier en lui-même, la réflexion doit être menée dans une globalité d’entreprise et non sur le simple acte de produire de la viande.

Penser synergie
Il faut penser à l’optimisation de la main-d’œuvre : avec un bâtiment bien pensé, il faut 3 à 5 heures de travail par taurillon engraissé, un poste pour 400 taurillons. Mais si 50 % de ce temps est journalier, le reste s’intègre dans les périodes plus creuses, comme le curage des stabulations qui se fait tous les deux mois.
Production de matière organique : 1 taurillon, c’est 1,8 t de paille à ramasser et 4,5 t de fumier, avec environ 6 à 9 unités d’azote, 3 unités de phosphore, 10 unités de potasse, 1,9 unité de magnésie, 10 unités de chaux, mais surtout une valeur humique, si nécessaire, au maintien de la fertilité des sols et de l’amélioration de leur structure. 400 taurillons, c’est l’équivalent de 180 ha de paille à presser pour 1 800 t de fumier et l’équivalent de 30 000 € d’économie d’éléments fertilisants.
Apport de valeur ajoutée au foncier : le fumier est un plus pour maintenir la productivité des sols, mais l’élevage n’est pas obligé d’empiéter sur le foncier, car en bonnes terres, il y a mieux à produire que de l’ensilage de maïs. L’élevage peut être hors sol avec l’utilisation de coproduits.
Il n’y a pas de région française aussi fournie en coproduits que la nôtre : la pulpe surpressée, les issus d’amidonnerie, mais aussi les purées de pomme de terre et le tourteau de colza. Tout cela est loin d’être gratuit, mais reste compétitif. L’économie de transport par la proximité est un atout considérable. Au final, le coût alimentaire de nos taurillons est imbattable et nous offre un avantage régional certain et, cela, sans mobiliser le précieux foncier.
Les opérateurs professionnels (groupements-négociants-abatteurs), soucieux de développer leur activité, sont proches des éleveurs et offrent parfois un appui intéressant pour se lancer. Le réseau routier est particulièrement bien développé pour s’en approcher.
Fiscalité : la production de taurillons permet de réaliser des DPI (déduction pour investissement) à raison de 27 000 € de provision fiscale annuelle. Cela reste un des derniers dispositifs pour diminuer son assiette fiscale et sociale.

L’élevage, une contrainte ?
C’est assurément une contrainte pour le chef d’entreprise seul sur son exploitation, mais ce cas de figure disparaîtra progressivement, car la génération future n’acceptera plus les conditions de vie de ses parents. Au contraire, l’atelier d’engraissement peut permettre d’embaucher et d’affronter plus facilement les pointes de travail en culture. Pour les grosses exploitations avec de la main-d’œuvre salariée, la contrainte du travail du week-end se répartit à tour de rôle sur l’ensemble des différentes têtes. Le paillage peut être anticipé le vendredi et, pour ce qui concerne l’alimentation, elle peut aussi être automatisée. Cela est encore peu développé du fait de l’investissement, mais la taille des ateliers d’engraissement ira en augmentant et en s’automatisant.
La production de viande bovine pollue-t-elle ? La production taurillons aux coproduits ne prélève aucune protéine qui pourrait être utilisée en alimentation humaine. Les animaux sont élevés confortablement sur paille avec très peu de recours aux antibiotiques. Les coproduits vendus aux éleveurs permettent à l’éthanol et au diester d’être compétitif pour l’incorporer à un carburant moins polluant. Si, en plus, on couple à l’élevage un méthaniseur, on augmente encore son intérêt écologique.

Quels marchés ?
Avec une consommation en baisse, n’y a-t-il pas un risque à se lancer dans cette production ? Sous l’effet des lobbies anti-viande, mais aussi parce que la viande rouge est coûteuse pour le consommateur, la consommation française de viande rouge a encore diminuée de 2 % en 2017. Mais 50 % de la production de taurillons est vendue à l’exportation et le volume de production au niveau national a baissé de 2,7 %
en 2017. L’ouverture du commerce vers la chine ne pourra que tirer le marché à la hausse. D’un autre côté, l’ouverture au Canada (Ceta) et un peu plus à l’Amérique du sud (Mercosur) inquiète. A noter que le «manger local» ou Français va prendre de plus en plus le pouvoir. Le taurillon à l’herbe, ce n’est pas pour demain, mais on peut déjà dire que 40 % de sa vie se fait auprès de sa mère et souvent à l’herbe. Nul ne connaît l’avenir, mais l’évolution ira aussi vers plus de contractualisation de la production.
La vérité est celle du revenu : la marge brute moyenne par taurillon est de 200 €, avec une amplitude de 69 € à 325 €. Mais depuis ces six dernières années, elle s’élève plutôt à 270 €, moins environ 70 € de coût de mécanisation. Quand le bâtiment est payé, reste 200 € pour trois à cinq heures de main-d’œuvre par taurillon abattu.
Avant d’en arriver là, il faut payer le bâtiment et les silos pour stocker la pulpe. Selon le type de bâtiment, le degré d’auto-construction et les subventions éventuelles du PCAE (plan de compétitivité agricole et environnemental), il faut compter investir entre 80 et 150 € par place, sur dix ans. D’autres diront que la défiscalisation paie une partie du bâtiment et que raisonner sur dix ans est une vision à court terme, sachant qu’au moins deux générations pourront profiter de l’investissement bâtiment.
Encore une fois, il faut penser globalité d’exploitation, bien raisonner son projet, pour qu’il soit évolutif, sachant que jusqu’à 400 places les démarches administratives restent assez simples et avec obligation d’être à 100 m de l’habitation la plus proche.

L’avis de Cobevial

Hervé Drouvin : vous retrouvez-vous dans cet article ?
Oui, puisque mon exploitation est diversifiée avec 180 ha de productions végétales, un atelier de poules plein air et 150 taurillons. Cette diversité me permet de lisser mon EBE et d’être plus résilient. J’ai d’abord utilisé des granges existantes pour engraisser mes taurillons, puis construit il y a un an un bâtiment de 75 places. Ce dernier investissement dans le cadre du PCAE m’a donné la motivation de développer un nouveau bâtiment de 120 places. Le travail est rapide, sécurisé et les performances meilleures, car plus facile à surveiller. Avec les trois salariés, l’astreinte de l’élevage n’est pas un fardeau. Tout n’est pas idyllique, mais le travail paie.

David Delerue : y a-t-il assez de broutards pour approvisionner un développement de la production ?
La production taurillons, c’est 50 % de l’activité bovine, notamment avec une augmentation dans le Pas-de-Calais. Et puis, il y a le segment du JB holstein qui progresse de 20 % en 2017, boosté par le contrat Mackey. L’approvisionnement de broutards en local est une priorité et, lorsqu’il fait défaut, nous allons dans le centre. Avec 1,5 millions de broutards exportés de France, il peut en remonter un peu vers le nord.
Eric Bettens : que répondez-vous aux éleveurs qui craignent une baisse des prix par surproduction ?
La production régionale est loin d’être le poids lourd de l’engraissement et ce n’est pas elle qui va peser sur le marché. La surproduction dépend surtout de notre capacité à exporter et inversement. Sans volume, comment être présent sur le marché de l’exportation ?

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