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Les producteurs sont inquiets sur la volatilité du prix du lait

Les producteurs de lait du Vimeu étaient réunis en assemblée générale, le 17 juin dernier, à Saint-Maxent. Retour sur une année de transition, à plus d’un titre.

Il y a près de 60 000 vaches dans la Somme et un peu moins de 1 000 producteurs laitiers, qui détiennent en moyenne 58 vaches par exploitation.
Il y a près de 60 000 vaches dans la Somme et un peu moins de 1 000 producteurs laitiers, qui détiennent en moyenne 58 vaches par exploitation.
© Vincent Motin

La campagne 2014-2015 s’est apparentée pour les producteurs de lait à une révolution radicale dans leurs façons de faire, puisqu’ils ont dû mettre en place une nouvelle gestion de leur volume de production de lait, à la suite de l’arrêt des quotas dans leur filière. «Après plus de trente années de gestion administrative des volumes de lait livrés, nous basculons dans l’ère des contrats. C’est désormais l’organisation des producteurs qui va gérer, en partenariat avec l’entreprise, les volumes au plus juste, avec comme objectif de produire au plus près notre volume contractualisé», rappelle en préambule Sébastien Théron, président de l’Organisation des producteurs (OP) de lait du Vimeu livrant à Sénagral.
Le volume contractuel produit au 31 décembre 2014 a été d’un peu plus de 289 millions de litres de lait, dont près de 50 millions dans le Vimeu. «Ce volume évolue chaque mois, précise cependant Gérard Duval, président de l’Oplase, car France AgriMer n’a pas finalisé ses dossiers, en raison de la fin des quotas.» Concernant les dotations complémentaires possibles, la règle établie est de 200 000 litres de lait sur un maximum de trois ans pour les jeunes agriculteurs. Quant au solde de confortation pour les autres, il est de 30 000 litres tous les trois ans. Pour les demandes de plus de 30 000 litres, il faudra réaliser un diagnostic sur leur exploitation pour évaluer l’intérêt d’un développement à moyen terme (cf. Plan lait).
Si la fin des quotas entraîne des possibilités d’évolutions, il y a toujours des écarts de marges de 100 euros entre producteurs. «Cela veut dire qu’il ne faut pas faire n’importe quoi. Ce qui est important, c’est de bien cerner son système de production dans son contexte et d’en valoriser le maximum. Il n’y a pas un système, mais des systèmes. Par contre, essayer de faire 80 vaches laitières là où il en est prévu 50 peut relever de l’exploit, mais ne permet pas toujours d’optimiser la production, et donc les résultats», poursuit le président de l’OP.

«Il va falloir serrer les boulons»
Autre révolution, le rachat de tous les titres de Sénagral par Agrial, mi-décembre 2014. «C’est une page d’histoire qui se tourne avec des relations de plus de trente années avec la famille Senoble», relève Sébastien Théron. La société Sénagral, en 2014, était près de l’équilibre d’exploitation. «On doit arriver à l’équilibre net, prévient Patrick Lepelleux, directeur de la branche lait chez Agrial. Il va falloir serrer les boulons. Comme nous sommes en excédent laitier, il va aussi falloir gérer les volumes de production, mais nous sommes sur la bonne voie.»
Après avoir engagé un rapprochement avec Eurial, puis avoir fusionné avec Coralis et avoir racheté l’ensemble des titres de Sénagral, Agrial ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. «Si nous allons plus loin avec Eurial, on pourra doubler la taille de l’entreprise et son chiffre d’affaires. Ce n’est pas fait encore, mais on y travaille. Pour aller plus vite, il va falloir aller chercher des regroupements pour peser sur le marché. Enfin, la branche lait d’Agrial a également l’intention d’investir dans des usines de transformation de lait», poursuit Patrick Lepelleux. De quoi déconcerter quelque peu les producteurs, largement insatisfaits du prix du lait que leur propose l’entreprise actuellement.

Un niveau de prix du lait insatisfaisant
Entre la disparition des quotas et la nouvelle PAC, «c’est la douche écossaise pour les producteurs laitiers, s’agace Sébastien Théron. Le prix payé à la production va baisser certainement de plus de 10 % par rapport à l’année précédente, malgré des hausses en 2013 et 2014». Conséquence : les producteurs risquent de retrouver des prix proches de ceux de 2012, mais aussi de 1982. Le prix de base du lait, payé par Sénagral en 2014, était sur le site de Quincampoix de 367,624 €/1 000l, celui toutes catégories confondues de 363,305 €/1 000l et de 367,651 €/ 1 000l dans le Vimeu, celui hors prime de 373,590 €/1 000l et de 372,094 €/1 000l dans le Vimeu.
«Si le prix du lait n’augmente pas, prévient Sébastien Théron, beaucoup de producteurs vont quitter la profession.» Traduction : Agrial ne pourra plus, à terme, assurer la collecte qui lui est nécessaire. Reste que la concurrence est rude et que tous les bassins ont augmenté leur production laitière de façon significative, entraînant une surproduction que les marchés ne peuvent absorber. D’où des cours très insuffisants autant à l’échelle nationale et européenne que mondiale.
«Le niveau de prix du lait ne satisfait personne. Je le comprends. Nous sommes tous dans un contexte difficile. Nous n’arrivons pas à faire passer la moindre hausse de prix auprès des différentes familles de la profession et des grandes surfaces. Nous nous battons pour limiter la casse mais, encore une fois, nous n’arrivons pas à jouer groupé dans la profession. Il faut attendre de voir ce qui va se passer cet été mais, à ce jour, les indicateurs ne sont pas bien orientés. Mais, dès qu’on pourra, on regardera le sujet. Néanmoins, n’attendez rien en 2015. Ce n’est pas possible», répond Patrick Lepelleux.
Comme par le passé, le marché souffre souvent de la volatilité des prix, sauf que celle-ci, avec notamment la disparition des quotas, crée des baisses de plus en plus conséquentes. Aussi la profession demande-t-elle à l’entreprise de reconsidérer son point de vue, même si le contexte est actuellement morose. «Que vous vouliez vous équiper d’usines de transformation pour répondre à vos besoins, c’est bien. Mais, nous aussi, nous avons des besoins. Nous devons travailler en filière et nous aider mutuellement», dit Françoise Crété, productrice de lait et présidente de la Fdsea.

INTERVIEW

Président de l’Organisation des producteurs laitiers du Vimeu

«Les grandes surfaces ne jouent vraiment pas le jeu»

Quelle incidence a eu la disparition des quotas sur la campagne 2014-2015 ?
La campagne s’est déroulée comme d’habitude, avec juste une légère baisse de 5 % de la production. Cela ne change rien, puisque nous produisons à volumes constants. En revanche, des changements arrivent sur les règles de distribution, avec une attribution de 200 000 l de lait sur un maximum de trois ans pour les jeunes agriculteurs. C’est bien, car cela va favoriser les producteurs laitiers et conforter ceux qui ont envie d’investir.

Et sur les prix du lait ?
Ce n’est pas tant la disparition des quotas qui a joué sur la baisse du prix du lait, mais l’application des indicateurs retenus. Il y a eu une augmentation de la production mondiale, mais les marchés n’ont pas suivi et ne sont donc pas prêts à valoriser la production. D’où des prix revus à la baisse, de surcroît avec l’embargo russe, qui a mis le bazar, et la baisse de la consommation chinoise.
En revanche, ce qui n’est pas normal, c’est que les grandes surfaces ne jouent vraiment pas le jeu. Elles demandent des baisses de prix exagérées aux transformateurs alors que 85 % du lait est consommé sur le territoire. Du coup, les transformateurs répercutent cette baisse sur les producteurs. Il faut vraiment que la grande distribution joue le jeu de l’économie nationale et pas seulement de la sienne, et qu’elle cesse d’appliquer des baisses intempestives.

Comment est perçu le rachat de tous les titres de Sénagral par Agrial. Est-ce une bonne chose ?
Tout d’abord, quand Senoble a revendu ses parts, ils ne nous ont rien demandé ou proposé. Pour l’instant, ce rachat ne change pas grand-chose pour nous. Certains ne le voient pas cependant d’un bon oeil, car ils considèrent qu’Agrial ne favorise pas les producteurs laitiers. Moi, personnellement, j’y suis favorable pour le moment, ne serait-ce que parce que je préfère être racheté par un coopérateur, qui a fait ses preuves dans le métier, que par un fonds de pension. Mais il est vrai qu’ils ne nous paient pas mieux que les autres. De toute façon, on n’a pas vraiment le choix.

Le plan de compétitivité est-il intéressant ?
Il n’est toujours pas signé, pour l’heure, mais je trouve bien que l’on donne la priorité à l’élevage. C’est une vraie opportunité, et il faut que chacun y regarde.
Propos recueillis par F. G.

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