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Loi agriculture et alimentation : tout ça pour ça ?

Adopté en deuxième lecture par l’Assemblée nationale, le projet de loi va être présenté en deuxième lecture au Sénat. Le point sur les principales décisions.

Après son examen en deuxième lecture au Sénat à partir du 25 septembre, le projet de loi reviendra en dernière lecture 
à l’Assemblée nationale, le 2 octobre prochain.
Après son examen en deuxième lecture au Sénat à partir du 25 septembre, le projet de loi reviendra en dernière lecture
à l’Assemblée nationale, le 2 octobre prochain.
© © Bruno Compagnon



Approche «non pertinente» pour la filière fruits et légumes, démarche totalement «angélique» pour la filière lait, désaccords avec l’aval pour la filière porcine, etc. Elaborer un prix moyen de production est un exercice difficile à bien des égards. Or, la construction du prix est bel et bien un des enjeux majeurs du projet de loi issu des Etats généraux de l’agriculture et de l’alimentation, ainsi que l’encadrement des promotions. Autant dire que l’accouchement de la loi s’avérait d’entrée de jeu difficile et avait toutes les chances de susciter des déceptions tant auprès de la profession agricole que des organisations non gouvernementales.
Retour en arrière. Début juillet, la commission mixte paritaire avait échoué à trouver une entente sur les différents articles proposés dans le projet de loi. Mais le véritable point d’achoppement était sur la possibilité donnée à l’Observatoire des prix et des marges de se substituer aux interprofessions, si celles-ci n’arrivaient pas à se mettre d’accord sur des indicateurs de prix basé sur les coûts de production. Cette intervention de l’Observatoire des prix et des marges n’était pas du tout du goût de l’Elysée, qui tenait à ce que les agriculteurs prennent leur destin en main, comme l’a rappelé en boucle le ministre de l’Agriculture, Stéphane Travert. Conséquence : le texte était bon pour revenir en deuxième lecture devant l’Assemblée nationale, puis le Sénat.

Volet agriculture
Le texte est donc revenu à l’Assemblée nationale, le 12 septembre dernier, avec plus de neuf cents amendements au menu. Comme voulu par l’Elysée, les indicateurs de prix en lien avec les coûts de production doivent être élaborés par les interprofessions. Autrement dit, ils ne seront pas sécurisés par un recours systématique à l’Observatoire des prix et des marges. Aux filières donc de finaliser, d’ici début octobre, ces indicateurs de prix, mais aussi le regroupement en amont pour peser dans la négociation, et les plans de filière définis d’ici la fin de l’année.
C’est donc un retour à la case départ, avec un risque amplifié de déséquilibrer encore davantage le rapport de force entre le producteur et son premier acheteur. En cas de non-respect des engagements, le «name and shame» sera activé, mais aussi le recours au médiateur des relations commerciales, dont le rôle a été renforcé, et qui peut mobiliser le juge des référés.
Côté encadrement des promotions, le relèvement de 10 % du seuil de revente à perte et l’encadrement des promotions, demandés par la profession agricole, devraient faire l’objet d’une expérimentation sur deux ans. L’ordonnance à ce sujet devrait être publiée avant le 30 novembre.
En matière de produits phytosanitaires, le glyphosate ne devrait pas être inscrit dans le texte en tant que tel. L’amendement permettant son interdiction a été rejeté. Comme en mai, Stéphane Travert s’y est opposé, préférant la mobilisation d’une «task force» autour de la recherche pour développer des solutions agronomiques autres.
En revanche, et c’est une nouveauté, des chartes d’engagement sur l’usage des produits phytos à proximité des habitations seront désormais élaborées, «après concertation» avec les riverains et à l’échelle départementale. Toujours en matière de phytos, les députés ont voté l’interdiction de la production des phytos, dont l’usage est prohibé dans l’Union européenne, à compter du 1er décembre 2020. Enfin, la séparation de la vente et du conseil pour les produits phytosanitaires sera actée dans le cadre d’une ordonnance, à paraître d’ici six mois.

Volet alimentation
Un menu végétarien sera bel et bien imposé dans les cantines scolaires, au moins une fois par semaine. Il s’agit, pour l’heure, d’expérimenter la disposition durant deux ans et d’accompagner les collectivités dans l’élaboration de menus à base de protéines végétales. Leurs auteurs se défendent de vouloir torpiller les filières carnées, justifiant que proposer une alternative à la viande est à la fois un moyen de varier l’origine des protéines ingérées et de limiter le gaspillage alimentaire. «La part viande, poisson, œufs, représente près de 50 % du coût du gaspillage», assure la député LREM, Samantha Cazebonne.
Quant à la part du bio dans les cantines, le texte adopté la définit à 20 % au plus tard le 1er janvier 2022. Aucune modification donc du pourcentage, comme le souhaitaient certains députés. En revanche, un amendement exigeant une information plus régulière des usagers sur l’état d’avancement de chaque cantine pour intégrer les produits dans leurs menus a été adopté. Ainsi, la communication devra être faite «régulièrement par voie d’affichage et par communication électronique», et non pas «une fois par an», sous forme de rapport annuel, comme le stipulait la précédente version du texte.
Enfin, tous les amendements relatifs à l’étiquetage environnemental des denrées alimentaires ont été rejetés. Leurs auteurs souhaitaient rétablir
l’article 11 septies A, qui exigeait notamment l’indication, pour les denrées d’origine animale, de l’utilisation d’OGM, le mode d’élevage, l’origine géographique, et pour les fruits et légumes frais, le nombre de traitements par des produits phytosanitaires. Stéphane Travert a botté en touche, en déclarant que le sujet relevait de la «réglementation européenne». Favorable à plus de transparence de l’étiquetage, le ministre promet néanmoins de défendre le sujet devant Bruxelles.
Pour le ministre de l’Agriculture, l’objectif de la loi sera atteint. «On est allés jusqu’au bout de ce que nous pouvons faire en droit», déclare-t-il. A ceux et celles qui attaquent les choix faits en matière d’indicateurs de prix, le ministre met en avant les outils mis en place pour atteindre les résultats affichés. Aux agriculteurs donc de s’en saisir et de prendre leur destin en main.
Le projet de loi doit être encore examiné en deuxième lecture au Sénat à partir du 25 septembre, puis en dernière lecture à l’Assemblée nationale, le 2 octobre prochain.

Réactions des syndicats agricoles : la déception pour tous

- FNSEA et JA : «Encore un peu trop tôt pour dresser un bilan définitif»
«Il est encore un peu tôt pour dresser le bilan définitif d’une loi qui va connaître dans les jours qui viennent une nouvelle lecture au Sénat, et dont plusieurs ordonnances sont encore à dévoiler, particulièrement celle qui concernera les prix abusivement bas», commentent la FNSEA et les JA, dans un communiqué commun le 17 septembre, après la fin de la deuxième lecture à l’Assemblée nationale du projet de loi agriculture et alimentation, le 14 septembre dernier. Dans tous les cas, les deux syndicats craignent que «les propos répétés du président de la République», sur la fin de «la spirale des prix toujours moins-disants», ne soient «finalement qu’une incantation». La FNSEA et les JA sont en particulier déçus sur le dossier des indicateurs de coûts de production : «L’obligation maintenant affichée pour les interprofessions de produire ces indicateurs n’est malheureusement qu’un leurre dans la mesure où rien n’est prévu si cette obligation n’est pas satisfaite.» Pour les syndicats, «en envoyant aux acteurs économiques des injonctions à faire, l’Etat leur renvoie la responsabilité et refuse d’assumer son rôle de régulateur».

- Coordination rurale : «Une loi qui n’aura pas plus d’effet sur le revenu des agriculteurs que la charte signée l’an dernier»
A la suite de la nouvelle lecture du projet de loi agriculture et alimentation, Bernard Lannes, président de la Coordination rurale, dénonce, dans un communiqué de presse du 17 septembre, «une loi qui n’aura pas plus d’effet sur le revenu des agriculteurs que la charte signée l’an dernier». Le syndicat demande la mise en place d’un prix plancher et regrette que le projet de loi ne présente aucune avancée quant aux méthodes de détermination du prix basées sur le coût de production. Pour la CR, «il est impossible d’assurer la rentabilité suffisante de ce métier si le coût de production ne représente pas au minimum le prix plancher en deçà duquel l’acheteur ne peut descendre».

- Confédération paysanne : «Une loi sans goût, ni saveur» 
De son côté, la Confédération paysanne regrette, dans un communiqué, de devoir «faire avec une loi sans goût, ni saveur, qui ne pose pas les bases d’un revenu paysan». Pour la Conf’, ce texte manifeste un «désengagement de l’Etat (...) dramatique». Le syndicat estime que «la responsabilisation attendue des différents acteurs est un mirage auquel nous ne croyons plus tant la discussion interprofessionnelle est tronquée par le déséquilibre des forces en présence». La Conf’ constate, par ailleurs, que «chaque acteur économique commence déjà à mettre sur pied sa propre segmentation, en oubliant bien vite le collectif interprofessionnel».

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