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Marcel Deneux, mai 68 et les agriculteurs

Ex-sénateur de la Somme et une des principales figures du syndicalisme agricole de notre région, Marcel Deneux évoque les événements de Mai 68.

© AAP


Qu’était le monde paysan en Mai 68 ?

C’était le début des Trente Glorieuses. On était dans une phase économique et sociale de croissance. Les lois d’orientation de 1960-1962 venaient de poser les bases de l’agriculture française. L’idée était de produire de façon intensive pour que le pays soit auto-suffisant. On installait des jeunes, on modernisait nos exploitations et on structurait le monde agricole. Le syndicalisme agricole était alors très engagé dans les débuts de l’Europe.
L’état d’esprit dans le monde agricole était de produire pour nourrir le pays. Quant aux événements de Mai 68, mais là, pour les agriculteurs, est une période intense de travail. Autrement dit, on ne pensait pas à manifester. Si certaines régions, notamment la Loire-Atlantique, se sont engagées dans Mai 68, elles ont été peu nombreuses. Dans l’ensemble, les agriculteurs s’occupaient plutôt de leurs champs.

Quelles étaient alors vos responsabilités syndicales ?
Après avoir été président du Centre départemental des jeunes agriculteurs et du Centre national des jeunes agriculteurs, j’ai été président national des producteurs de lait et président de l’Institut technique de l’élevage bovin. J’étais aussi président d’une association sur les formations pour les adultes ruraux. J’étais, enfin, engagé au sein de la FDSEA de la Somme. C’est dans le cadre de ces responsabilités que j’ai participé notamment aux tables rondes sur l’agriculture organisées à Matignon avec Edgar Pisani, ministre de l’Agriculture, sur la question de la réforme des structures.

Y a-t-il eu, en Picardie, une émergence de contestations en Mai 68 ?
Non. Il y avait un vrai décalage entre la campagne et les grandes villes. Le mouvement partant des universités, la Picardie a été peu concernée puisqu’il n’y avait pas alors d’université dans notre région. Aussi la prise de conscience de ce qui se passait, particulièrement à Paris, ne s’est pas faite chez nous.
Sur le plan syndical, la FNSEA n’avançait aucune proposition par rapport à Mai 68. Elle était bien plus préoccupée par les accords de Grenelle, souhaitant y participer pour pouvoir intégrer le train des mesures sociales. Les accords de Grenelle portaient sur l’amélioration des conditions salariales. Les sections d’employeurs de main-d’œuvre agricole et les coopératives, particulièrement, ne souhaitaient pas rester sur le carreau. Nous avons donc obtenu une réduction du temps du travail, une hausse des salaires et une augmentation du Smig pour les salariés agricoles et agro-alimentaires, au même niveau que tous les salariés français.

Des manifestations ouvrières se sont cependant produites dans la région. Y a-t-il eu des rapprochements entre ouvriers et agriculteurs ?
Il n’y a eu aucun rapprochement. Il faut comprendre qu’avec les lois d’orientation de 1960-1962, le monde agricole est entré dans un nouveau mode de relation avec l’Etat, celui de la cogestion des affaires agricoles avec les pouvoirs publics. Nous demandions à l’Etat les moyens réglementaires et parfois financiers de conduire nous-mêmes les affaires de la profession en collaboration avec lui. L’esprit dans le monde agricole n’était donc pas à la contestation, même si cette cogestion a connu quelques péripéties.

Même si le monde agricole dans notre région était totalement déconnecté des événements de Mai 68, ces événements ont-il fait «fleurir» une autre agriculture ?
Il n’y a eu aucune influence de ces événements sur la façon de penser l’agriculture. Les gens qui manifestaient n’avaient aucune prise sur le milieu agricole. Aucune passerelle n’existait. La politique agricole était une politique de production intensive, de distribution des revenus, d’organisation des filières, loin des courants qui se développent aujourd’hui dans l’agriculture française.
J’ajoute que les événements de Mai 68 suscitaient même de la défiance dans le monde agricole du fait du gauchisme qui les sous-tendaient, sans parler du trotskisme. On se demandait sur quoi allait déboucher ces manifestations. Elles suscitaient de l’inquiétude jusqu’à Bruxelles. Il n’y avait pas alors les moyens d’information dont nous disposons aujourd’hui. Aussi tout et n’importe quoi circulait sur les manifestations parisiennes, rendant complexe le travail que l’on menait à Bruxelles en faveur de l’agriculture.

Même si le monde agricole, à quelques exceptions près, est resté imperméable à ces événements, reste-t-il quelque chose des débats d’alors portés par les contestations ?
Ce qui a le plus marqué l’agriculture, c’est la promotion de la présence des femmes. Mais nous étions déjà engagés dans cette démarche, puisque le Centre national des jeunes agriculteurs (CNJA) avait des femmes élues en son sein. Je dirais même que le CNJA a été essentiel dans la promotion des femmes, même si la présence des femmes dans les organisations professionnelles agricoles n’est pas suffisante.

Mai 68 dans la Somme

Marcel Deneux : «Je me souviens des barricades à Paris et des rues défoncées. Mais, plus encore, des craintes de Bruxelles, où nous allions pour défendre l’agriculture française, vis-à-vis des événements de Mai 68. Une fois cela dit, après
les accords de Grenelle, fin mai, tout est vite rentré dans l’ordre. Mon autre souvenir porte sur les difficultés d’approvisionnement en lait de Paris à partir de la Somme. Avec les grèves des agents SNCF, notamment à Longueau, nous n’avons pas pu assurer l’approvisionnement de Paris. Il y a eu aussi quelques grèves chez Saint-Frères à Flixecourt, et c’est tout

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