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Pac post-2020 : sera-t-elle renationalisée ? Réponse avec Michel Dantin, député européen

Quelle sera la future Pac ? Quels sont ses points de blocage et que faut-il sauvegarder ? Réponse avec Michel Dantin, député européen (PPE).

© PPE

Quels sont les principaux points d’achoppement de la future Pac ?
Le point le plus dur est incontestablement le budget. La Commission européenne propose de baisser de 15 % le premier pilier en francs constants et de 24 % le second pilier en francs constants, ce à quoi nous nous opposons.
Le second point d’achoppement est la volonté de la Commission de rebattre les cartes de la gestion administrative de la Pac, en décentralisant une partie des décisions au niveau des Etats membres. En réalité, cette nouvelle donne reflète l’expression du ras-le-bol du commissaire européen face aux critiques qu’il reçoit de leur part depuis 2014. Du coup, il les renvoie dos à dos en leur demandant de présenter des plans stratégiques relevant de la Pac. Mais, derrière cette nouvelle décentralisation, ne s’agit-il pas en réalité d’une renationalisation, à terme, des politiques agricoles ? Je pose la question. En procédant de la sorte, il existe un grand risque de la mise en place de vingt-sept plans nationaux parallèles et divergents, et d’un délitement de la Pac. Or, en tant que Parlement, nous considérons qu’il faut maintenir une politique agricole, avec un contenu commun pour pouvoir préserver un marché unique et une égalité de traitement entre les agriculteurs européens. Notre objectif est donc de remettre du commun au travers de la définition des règles d’éligibilité des mesures, des règles de contrôle, de la conditionnalité et d’indicateurs afin d’évaluer ce qui est fait de même nature d’un pays à l’autre.
Parmi les autres points difficiles, les pays du sud de l’Europe réclament le rétablissement de la gestion des prix du marché alors que les pays du nord ne veulent plus en attendre parler.

Quels sont les effets de la simplification et de la décentralisation, qui sont voulues par Bruxelles, sur la future Pac ?
La simplification est faite pour la Commission européenne, mais pas pour les agriculteurs et les Etats membres. Pourtant, des mesures simples pourraient être prises telles que les contrôles du 1er et 2nd piliers dans un même cadre de gestion. Quant à la décentralisation, de quelle décentralisation s’agit-il ? S’agit-il d’une renationalisation des politiques agricoles ? Je pose la question. Si l’on se réfère aux programmes régionaux mis en place dans la précédente Pac, tels qu’ils ont été conçus, on peut se demander si ce ne sont pas déjà des usines à gaz. Alors, des politiques nationales…

Justement, derrière ces volontés, l’objectif n’est-il pas la renationalisation des politiques agricoles ?
Je ne suis pas sûr qu’il y ait de la part de la Commission européenne une volonté d’aller vers une renationalisation de la Pac, mais je suis persuadé qu’il y a un risque. Ainsi, des Etats comme l’Autriche plaident pour moins d’Europe. L’Italie, elle, ne s’est pas encore clairement exprimée sur le sujet, mais nous pouvons nous attendre à un même discours. Et plus il y aura de la flexibilité, plus les politiques publiques vont s’éloigner et plus on créera des distorsions de concurrence.

Quel sera le poids du Brexit sur la Pac ? Et quels risques pour celle-ci ?
Le Brexit, pour nous, en agriculture, c’est une grande question. D’une part, parce qu’il implique une baisse du budget de l’Europe, d’autre part, parce que la Grande-Bretagne est un marché très important. Si l’on rétablit des droits de douane à l’export et l’import, cela va générer de grandes difficultés pour les économies des pays européens et le Royaume-Uni. D’où l’impérieuse nécessité de trouver un accord.

Une politique agricole commune fait-elle encore sens face à la montée des patriotismes d’Etats comme la Pologne, la Hongrie ou l’Italie ?
Si on ne veut plus de la Pac, il va falloir revoir le menu d’un certain nombre de restaurants européens.  Le premier apport de cette politique est d’avoir permis aux Européens de bénéficier d’une alimentation en quantité et qualité suffisantes. La Pac n’est que le pendant financier de la mise en place d’un marché unique agricole. Il faut donc bien avoir conscience que le consommateur européen ne peut pas se passer de cette alimentation diversifiée et européenne.
Il ne faut pas oublier que lorsque la Pac a été créée, elle avait vocation à être une politique alimentaire car, à l’époque de son lancement, les Etats européens étaient déficitaires en tout sur leur approvisionnement alimentaire.

La Pac n’est-elle pas devenue, une illusion perdue ?
Quand je vois le patriotisme britannique, qui s’est traduit par le Brexit, je souhaite bien du courage à tous, car ce pays est incapable de se nourrir sans les importations et sans l’approvisionnement du marché unique. Tout cela pour dire que c’est l’hyper sensibilité du consommateur au panier de la ménagère qui impose que l’on maintienne la Pac. Egalement, sans exportation, notre agriculture perd une partie de sa puissance économique.
Enfin, je ne pense pas que l’expression de ces patriotismes soit celle d’une remise en cause de l’Europe, mais plus le reflet de la peur des autres, particulièrement des migrants venant de l’Afrique et du Moyen Orient. Dans toute l’histoire, les peuples ont toujours eu les mêmes comportements que les individus lorsque le portefeuille ne va pas bien. Dans ce cas, ils doutent, ils se replient sur eux-mêmes et les craintes augmentent.

Quelle sera la date pour l’entrée en vigueur de la nouvelle Pac ?
Nous sommes au travail depuis juin dernier, et souhaitons arrêter une position en commission de l’Agriculture avant les élections européennes. Mais, compte tenu de la proposition, l’entrée en vigueur réelle ne sera sans doute pas avant 2023. Nous aménagerons donc une période transitoire avec les règles actuelles de 2021 à 2023.
Quoi qu’il en soit, je reste optimiste face à tous ces défis et suis convaincu que le métier d’agriculteur reste d’avenir et noble, de surcroît, parce que c’est celui qui nourrit les hommes.

Quel budget pour la Pac ?

«L’Autriche ne veut pas d’augmentation du budget. Les Pays-Bas et la Suède ont la même position au nom du libéralisme. La France, elle, veut davantage de Pac. Elle est donc prête à payer plus. Il en est de même pour l’Allemagne. Pour pouvoir maintenir un budget digne de ce nom, il est impératif d’engager rapidement la négociation financière parce que le débat sera très long. Angela Merkel veut aller vite, car elle ne veut pas avoir à gérer le sujet une fois que son pays assurera la présidence de l’Europe. La France, elle, souhaite laisser passer les élections européennes pour aborder le sujet.»

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