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PJL Egalim : les filières agricoles se bardent d'indicateurs économiques

A compter de la publication du projet de loi Egalim, attendue en octobre, les interprofessions auront entre trois mois et un an pour produire les indicateurs économiques de référence qui figureront sur les contrats passés.

Difficile de parvenir à un accord sur les indicateurs au sein de l’interprofession laitière.
Difficile de parvenir à un accord sur les indicateurs au sein de l’interprofession laitière.
© © D. R.



Le gouvernement a tenu bon. Comme il le souhaitait, les interprofessions devraient être les seules responsables de l’élaboration des indicateurs économiques qui figureront sur les contrats. La bataille de la FNSEA et des parlementaires de l’opposition pour que l’Observatoire des prix et des marges puisse les élaborer en cas de défaut semble bien perdue, depuis que les sénateurs ont décidé à ne plus modifier le texte (cf. page 12). Dont acte.
Des indicateurs pertinents, il en manquerait visiblement beaucoup. Les interprofessions vont donc devoir en créer, et dans des délais serrés. En effet, les contrats nouvellement conclus entre un producteur et son premier acheteur devront faire figurer les indicateurs trois mois après publication de la loi. L’adoption définitive est attendue pour le 2 octobre. Pour les contrats déjà en vigueur, le délai de mise en conformité est d’un an - réduit à cinq mois pour les secteurs où la contractualisation est obligatoire (ainsi, le lait de vache). Au-delà de ces périodes, des sanctions - proportionnelles au chiffre d’affaires - sont prévues par le projet de loi pour les entreprises qui ne respectent pas l’obligation de faire figurer les indicateurs.
Sur le terrain, la plupart des interprofessions sont déjà au travail pour se conformer aux desiderata du législateur et de l’exécutif, avec plus ou moins d’allant.

Viande bovine : des indicateurs pluriels
L’interprofession bétail et viande (Interbev) est «sur le point d’aboutir» à la définition d’«indicateurs pluriels» représentatifs des coûts de production dans les différentes races ou catégories d’animaux, indique Guy Hermouet, président de la section bovine.
Ces travaux, conduits en lien avec l’Institut de l’élevage et ses fermes de référence, ont déjà été présentés en conseil d’administration d’Interbev, et devraient être officiellement approuvés d’ici à la fin de l’année. La filière bovine, qui peut déjà s’appuyer sur les cotations entrée abattoir de FranceAgriMer, envisage de définir des indicateurs représentatifs du marché d’autres pays, mais le dispositif n’est «pas encore calé».
A la demande de la Confédération nationale de l’élevage (CNE), l’Institut de l’élevage (Idele) a développé, en 2011, un indicateur mensuel de coût de revient (IMCR) du jeune bovin basé sur les résultats d’engraisseurs spécialisés suivis dans le cadre du dispositif Inosys Réseaux d’élevage. Est pris en considération «l’ensemble des charges mobilisées pour la production d’un jeune bovin allaitant type, comprenant également les charges supplétives (travail de l’exploitant, capital et terres en propriété)», indique l’Idele.
Cet indicateur est décliné pour les éleveurs en phase de croisière ou pour les récents investisseurs, et distingue entre les fourrages et céréales auto-consommés «estimés au coût de production» ou «estimés au prix de marché». Ce sont donc 2 x 2 = 4 IMCR qui sont calculés et diffusés tous les mois. En février 2018, le coût de revient d’un jeune bovin était ainsi évalué entre 4,30 et 4,75 €/kg carcasse. Le plan de filière, lui, prévoit aussi 40 % de production sous label rouge d’ici à cinq ans. «Ce n’est pas utopique. Les volumes existent. La distribution le demande.»

Ovins viande : des indices en attendant un indicateur
La filière ovine dispose déjà, grâce à l’Institut de l’élevage notamment, d’indices représentatifs d’éléments constitutifs du prix de revient d’un agneau ou d’une brebis de réforme : aliment, énergie, transport..., témoigne Patrick Soury, secrétaire général de la FNO (Fédération nationale ovine). Mais des «indices» ne font pas un «indicateur». «Comment les intégrer, ou pas, dans un indicateur des coûts de production ?» C’est l’enjeu des discussions qui ont commencé au sein d’Interbev ovins.
Plus généralement, Patrick Soury s’interroge sur la possibilité d’établir un indicateur unique dans la filière ovins viande, étant donné qu’elle se caractérise par «une diversité de types d’élevages très supérieure à ce qui existe dans d’autres productions». Et qu’adviendra-t-il si l’interprofession ne parvient pas à s’accorder ? La contractualisation écrite qui existe déjà, notamment entre éleveurs et coopératives, pourrait paradoxalement en souffrir. «On a raté un peu l’objectif de partage de la valeur ajoutée, par manque de volonté politique de préciser les choses.» Une satisfaction quand même : la filière ovine, «oubliée depuis trois ou quatre ans» par les travaux de l’Observatoire, devrait à nouveau le mobiliser à la faveur des travaux sur les indicateurs.

Lait de vache : débats autour des prix
Le 11 juillet dernier déjà, la Fédération nationale des producteurs laitiers alertait sur les difficultés de parvenir à un accord sur les indicateurs au sein de l’interprofession laitière. Et les travaux, commencés depuis décembre pour être prêts pour la promulgation de la loi, coincent toujours sur la valorisation des produits laitiers sur le marché français, a fait savoir le syndicat lors de sa conférence de rentrée. En cause, «les transformateurs qui ne veulent pas en discuter au sein de l’interprofession, déplore Marie-Thérèse Bonneau, présidente du collège des producteurs au Cniel. Chacun veut définir sa propre base de calcul».
«Aujourd’hui, des indicateurs qui donnent des évolutions à la hausse ou à la baisse, cela existe, explique André Bonnard, secrétaire général de la FNPL. Mais nous avons un problème pour définir la valeur socle. Celle qui servira de base de calcul et qui sera modifiée par les variations que nous donnent ces indicateurs.» Or, il s’agit d’un enjeu «archi-stratégique» pour le syndicat qui souhaite modifier la répartition de la valeur au sein de la filière laitière.
Pour les indicateurs de coûts de production, «la filière est d’accord, certifie André Bonnard. Ils prendront en compte les spécificités des élevages de plaine, de montage et bio». L’indicateur Milc (Marge Ipampa Lait de vache sur Coût total indicé), développé par l’Institut de l’élevage, semble être retenu. La marge Milc est obtenue mensuellement comme la différence entre la valeur du panier de produits des exploitations laitières et la valeur du panier des charges. L’Idèle le considère comme réactif - disponible au mois M + 2 - et fiable, sa corrélation avec la marge réelle par litre est très bonne.
La filière lait de chèvre, elle, souhaite également se baser sur la marge Milc qu’elle diffusera comme indicateur de coût de production.

La filière grain «n’attend pas de miracle»
Chez Intercéréales, «on n’attend pas de miracle économique» avec cette loi Egalim. L’interprofession fait part de «discussions apaisées» sur les indicateurs. Concernant les coûts de production, une difficulté est toutefois apparue. Le rendement, sa principale composante, est connu via les statistiques officielles «un peu trop tardivement», indique-t-on. «Il faut trouver un indicateur pertinent qui soit disponible à la signature des premiers contrats, c’est-à-dire avant la moisson, ou juste après.»
Intercéréales s’oriente vers l’Ipampa (indice des prix d’achat des moyens de production agricole), un panier de charges incluant les semences, engrais, phytos. Autre indicateur, celui calculé tous les mois par Arvalis, sur la base de comptabilités analytiques d’exploitations. «Pour évaluer leur pertinence, les deux indicateurs ont été comparés. Ils évoluent de la même manière», selon l’interprofession. Une question demeure en suspens : y a-t-il intérêt de faire un recalcul pour chaque culture ?
S’agissant des prix, Intercéréales s’oriente vers trois sources d’indicateurs. Il y a le marché à terme Euronext. Egalement, la liste des cotations de marchés physiques que va publier toutes les semaines le Conseil national des courtiers de marchandises assermentés (CNCMA). Celle-ci figure à l’état de matrice sur le site internet du CNCMA. Derniers indicateurs, les cotations de FranceAgriMer. L’intérêt est, notamment, qu’elles portent aussi sur de plus petites cultures. Reste à savoir comment inscrire cela dans les contrats…
La filière des semences n’est, quant à elle, pas concernée par le projet de loi : la production est à 100 % contractualisée.

Fruits et légumes : le casse-tête de la diversité
En fruits et légumes frais, l’édification d’indicateurs apparaît complexe. Si pour les prix, il existe déjà le Réseau des nouvelles des marchés, l’outil de l’Etat pour suivre les cotations des produits alimentaires, la véritable pomme de discorde se trouve sur le coût de production. «Il y a une infinité de variétés. Il est inimaginable de publier un prix de revient pour chacune», explique Daniel Sauvaitre, président de la commission économie d’Interfel. «Mais pour aller dans le sens des pouvoirs publics, nous considérons avec le CTIFL qu’il est possible de publier un indicateur composé des éléments influents sur le prix de revient en arboriculture et maraîchage comme la main-d’œuvre, l’énergie, les emballages...», ajoute-t-il. Celui-ci devrait être finalisé d’ici la fin du mois de septembre.
«Ce n’est pas exactement la promesse faite aux agriculteurs à qui on a voulu faire croire qu’ils pourraient être à l’origine de la formation du prix», évalue-t-il en estimant «qu’il est peu probable qu’on change la face du monde» avec cet élément. «Tant que l’Autorité de la concurrence est dans une forme de vigilance extrême contre toute forme de concertations entre producteurs face aux acheteurs, rien ne changera», juge-il en citant le cas des producteurs d’endives.

Volaille et lapins : trois nouveaux indicateurs
«La filière volaille est contractualisée de l’amont à l’aval. Deux indicateurs sont déjà pris en compte dans les contrats», rappelle Anne Richard, directrice de l’interprofession de la volaille de chair (Anvol) : l’indice Itavi du prix de l’aliment et l’indice des prix sortie abattoir. L’Anvol va travailler sur trois nouveaux indicateurs reflétant : la construction et la rénovation des bâtiments, le coût de l’énergie (chauffage des bâtiments, transport…), et la main-d’œuvre, qui induit un «déficit de compétitivité» pour la filière française.
La filière œufs manque pour l’instant de références pour diffuser des indicateurs de prix et de coût de production dans les filières bio et plein-air. L’Itavi a été sollicité pour créer un indice de coût des matières premières bio. La filière manque également d’indicateurs pour le prix. Des discussions sont en cours sur ce sujet. Enfin, l’interprofession cherche toujours à accueillir de nouveaux maillons (par exemple, l’agroalimentaire, la distribution), afin de discuter de contrats types dans la filière.
L’interprofession du lapin (Clipp) s’est engagée, dans son plan de filière, à définir des «indicateurs de coûts de production adaptés à la répartition de la valeur», rappelle Dominique Le Cren, directrice du Clipp.

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