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Semer l’orge de printemps en automne pour plus de rendement ?

De l’orge de printemps se sème, comme son nom l’indique, au printemps. Mais un semis d’automne permettrait d’allonger le cycle, et donc, de favoriser le rendement… Attention toutefois aux risques !

Un semis d’orge de printemps le 10 novembre impliquerait une récolte autour du 25 juillet.
Un semis d’orge de printemps le 10 novembre impliquerait une récolte autour du 25 juillet.
© A. P.



Des excès d’eau lors des semis, puis des printemps régulièrement secs et chauds, impactant le bon développement des cultures semées à cette époque… «Avec les aléas climatiques de plus en plus fréquents, l’hypothèse suivante vaut le coup d’être abordée : ne serait-il pas intéressant de semer de l’orge de printemps à l’automne, et ainsi allonger le cycle ?», propose Mélanie Franche, ingénieure chez Arvalis - Institut du végétal.
Le but de cette méthode : sécuriser le nombre d’épis par m2, principale composante du rendement. «Comme la culture est implantée plus précocement, elle est dotée d’un système racinaire plus performant. Elle est donc plus robuste vis-à-vis des aléas climatiques, surtout en sol superficiel.» Précocifier le cycle permet aussi de sécuriser le remplissage des grains. Avec cette stratégie, la fin de cycle, en juin, est esquivée et l’exposition aux stress thermiques et hydriques est limitée. «En bref, on aurait une culture avec le potentiel de l’orge d’hiver, mais avec un prix de vente de l’orge de printemps (cf. encadré).»

Pour les sols superficiels surtout
Pour Arvalis, un semis au 10 novembre aboutirait à une précocification d’une vingtaine de jours, dès le stade épis à 1 cm. «La période de remplissage, plus précoce, débuterait en mai. Le nombre de jours échaudants en situation de stress hydrique serait donc limité.» Tablez sur une récolte aux alentours du 25 juillet.
Quels bénéfices côté rendements ? «Ils seraient déplafonnés de 10 à 15 % en moyenne, et sécurisés dans les contextes pédoclimatiques où les semis de printemps sont à risque, comme pour un sol argilocalcaire superficiel.» L’intérêt serait donc moins marqué en sol profond, puisque  les réserves hydriques sont disponibles. Côté protéines, un semis d’automne engendrerait un effet dilution modéré. «Cette technique offre même une meilleure valorisation des apports d’azote.»

Des risques certains
Le plus gros risque d’un semis d’automne : exposer l’orge de printemps au gel. «Il faut être certain d’avoir une culture au stade 2 ou 3 feuilles au moment des froids les plus marqués, en janvier et février.» Tout sera donc un calcul de risque. Pour notre région, Arvalis estime que sur une période de vingt ans, une ou deux années peuvent connaître des hivers lors desquels les températures passent sous - 10°C (contre trois à six années avant 2020), qui auraient de graves conséquences sur un orge de printemps semé l’automne. La roulette russe, donc…  
D’autres risques sont aussi à prendre en compte. «La pression maladie, notamment la rhynchosporiose, est beaucoup plus forte.» Celle-ci peut entraîner une perte de 10 à 15 qx/ha. Une intervention fongicide dès le stade épis 1 cm en situation de forte pression serait alors conseillée. Le choix de la variété est aussi délicat. «Le classement variétal (notes de résistance) est réalisé sur des semis de printemps. Le contexte est différent, avec une plus faible pression. On ne peut donc pas s’y fier.» Les variétés KWS Fantex et RGT Planet, bien notées en termes de résistance aux maladies, subissent en revanche une forte pression lors d’un semis d’automne. Fandanga, a contrario, s’en sortirait bien. Le document Choisir et décider «orge d’hiver» présente tout de même quelques focus sur les orges de printemps semés l’automne.
Le risque d’une attaque de ravageurs d’automne, comme les pucerons, est aussi à prendre en compte, «surtout si l’automne est clément et que l’hiver est tardif». Enfin, se priver d’un semis de printemps, c’est se priver de son effet agronomique, notamment en ce qui concerne la gestion des adventices.

 

La production en chiffres

500 000 ha d’orge de printemps sont cultivés en moyenne en France
800 000 ha l’ont été cette année : production boostée par les accidents climatiques sur d’autres espèces
11 Mt par an d’orge sont produits chaque année, dont 3 Mt d’orge de printemps, les deux tiers brassicoles
50 000 ha d’orge de printemps environ seraient semés l’automne
10 à 20 000 ha sont cultivés dans chacun des départements picards
68 qx/ha c’est le rendement moyen 2020 pour nos départements

Quelques références techniques

Que fait le rendement de l’orge de printemps ? Mélanie Franche, ingénieure chez Arvalis - Institut du végétal, fait le résumé. «C’est une culture sensible aux aléas climatiques en début de cycle. Le gel du coléoptile est particulièrement impactant.» L’espèce est également sensible à l’excès d’eau. Les conditions de semis doivent donc être prises au sérieux. La phase de tallage, elle, est plus précoce et plus rapide que celle d’une céréale d’hiver : il faut 75°C jour entre deux feuilles successives contre 100°C pour le blé tendre d’hiver. Entre le semis et l’épiaison, l’orge de printemps a aussi besoin d’au moins 120 mm d’eau. «Le pire scénario est donc un semis sans un sol superficiel, suivi d’une sécheresse et de températures élevées en début de montaison.»
Selon l’ingénieure, près de 40 % du rendement est expliqué par la densité épis (contre moins de 10 % en blé). «La fertilité des épis ne peut pas compenser un manque d’épis, car les épillets ne sont constitués que d’une seule fleur. La seule chose qui puisse temporiser un manque d’épis, c’est la longueur de l’épi lui-même.» Le remplissage des grains, ensuite, se fait grâce à la chaleur : il faut 580°C jour pour atteindre la maturité physiologique.



Quel intérêt économique ?

Les semis d’orge de printemps à l’automne sont pratiqués depuis plusieurs années dans une ferme de Champagne berrichonne. Les terres de l’exploitation sont un tiers de sol argile calcaire profond et deux tiers moyen. L’orge d’hiver y a été remplacé par de l’orge de printemps sur 25 % de la surface. Résultat : un rendement moyen similaire, voire un peu plus élevé que pour l’orge d’hiver, hors année de gel. Un re-semis a été nécessaire lors de deux années de gel (en dix ans), avec une baisse de rendement de 15 %. «En moyenne, cette technique a permis une marge supérieure de 115 €/ha par rapport à un orge d’hiver, analyse-t-on chez Arvalis. Les résultats peuvent varier de 65 à 150 €/ha selon le niveau de risque de gel, le montant de la prime orge de printemps par rapport à celle pour l’orge d’hiver brassicole, et le niveau de rendement.» Les ingénieurs préviennent cependant : ces éléments ne sont valables que pour la Champagne berrichonne et ses zones intermédiaires. Les références en Hauts-de-France manquent encore.

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