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Sève de bouleau : produit branché ou valeur économique sûre?

Gilles de Poncins a une exploitation de produits forestiers basée sur des bûches de chauffage à Méricourt-en-Vimeu. Dans son bois, sa fille Galiane s’occupe, elle, des bouleaux.

Au milieu des bois de Méricourt-en-Vimeu, récolte de la sève de bouleau.
Au milieu des bois de Méricourt-en-Vimeu, récolte de la sève de bouleau.
© AAP

 

Les cures detox sont très à la mode dans nos sociétés où le bien-être est érigé quasiment en religion, comme la nécessité de paraître toujours plus jeune. Au point que l’expression de Juvénal, poète de l’Antiquité romaine, qui faisait l’éloge d’«un esprit sain dans un corps sain», semble aujourd’hui avoir perdu sa dimension spiriturelle et intellectuelle qu’elle intégrait pour ne retenir que le maintien de la santé corporelle.
Loin de tout débat philosophique, ceux et celles qui se lancent dans la production de sève de bouleau y voient d’abord un intérêt économique non négligeable. La médecine naturelle, l’industrie cosmétique, comme la nouvelle génération de chefs de cuisine s’y intéressent de très près. Effet de mode évident, le côté «branché» des cures à base de sève de bouleau peut rapporter gros.
Chez les Poncins, cette production est entrée presque par effraction. Gilles, le père, lance en 2013, à Méricourt-en-Vimeu, Gica biomasse, une exploitation de produits forestiers basée sur les bûches de chauffage compensées à haut pouvoir calorifique. Un bois, cependant, ne rentre pas dans ces critères : le bouleau, présent partout dans sa parcelle.
«C'est un mauvais arbre, car il n'a pas de résistance mécanique», explique Gilles de Poncins. Ayant toujours réfléchi à la manière d'optimiser les ressources sans les abîmer, la question est donc la suivante : qu'en faire ? C'est là qu'entre en scène sa fille Galiane, avocate dans un cabinet parisien (cf. p.11). Elle propose de développer la production de sève de bouleau. Avec les quelque 500 bouleaux sauvages sur la parcelle familiale, une bonne récolte est possible, un arbre pouvant produire 5 litres par jour. «Créer une ressource sur un mauvais arbre, c'est très intelligent en termes de sylviculture, et sans abîmer les arbres», explique Gilles de Poncins. Père et fille se lancent en 2015.

Vicissitudes de la récolte
Cette année, la récolte a débuté le week-end de Pâques. Avec la douceur de l'hiver, une importante poussée de sève s'est produite fin janvier, plus tôt donc que prévu. «On a pensé pouvoir enchaîner rapidement, mais il a fallu attendre, car le temps s'en est encore mêlé. Quand la montée de sève a repris fin mars, certains bouleaux n'ont pas redémarré», dit-il. Outre les variations de température, entrent aussi en ligne de compte l'âge du bouleau et sa maturité. Autrement dit, il faut aller voir les bouleaux tous les matins pour savoir dans quelle condition ils sont. «L'objectif est d'en abîmer aucun», ajoute-t-il.
La récolte mobilise entre trois et six personnes par jour, mais les journées sont très variables. C'est la nature qui, dans tous les cas, donne le tempo. Le champ d'intervention de Gilles et sa fille est finalement circonscrit à la façon de récolter la sève de bouleau. Par rapport à l'année précédente, ils ont affiné leur méthode. Plutôt que d'utiliser des bidons dans lesquels ils réceptionnent le précieux élixir, ils utilisent désormais des poches opaques reliées à un système évitant tout contact avec l'air et la lumière. La sève fermente en effet quasiment instantanément au contact de l'air, comme elle ne souffre pas la lumière. Ces poches sont ensuite vidées de leur contenu dans un conteneur parfaitement étanche, d'une capacité de 20 000 litres, dans lequel la sève est congelée (ce qui n'altère en rien ses propriétés, ndlr).
La production part désormais dans un laboratoire alsacien qui assure l'industrialisation du produit (de la transformation à l'embouteillage). Mais quels que soient les changements apportés par rapport en 2015, la récolte reste artisanale de bout en bout, et la traçabilité du produit totale, ce qui lui a valu d'entrée la certification Bio.

Commercialisation du produit
L'idée étant de cibler une clientèle préoccupée de son bien-être et sensible aux valeurs écologiques, Galiane a travaillé avec des amis designers un packaging épuré, tendance et naturel. Recyclable forcément. Les 3 500 litres récoltés l'an dernier sont partis comme une bouchée de pain. Les Poncins sont en rupture de produits depuis plus d'un mois. Pour écouler la production, Galiane a démarché auprès des magasins bio de Picardie, ainsi que dans des salles de yoga et quelques bars branchés de la capitale.
Compte tenu de la rupture de stock, la jeune femme a décidé de revoir sa stratégie commerciale pour se concentrer uniquement sur les magasins bio, les hôtels avec spa et les thalassos de la région Hauts-de-France. «Mon idée est de capitaliser sur la région. Je pense qu'il est plus important d'avoir un poids régional que national pour ce produit», note-t-elle. Pour les curieux et les convaincus, il faudra désormais attendre le mois de mai pour trouver la récolte 2016 en bouteille. De 3 500 bouteilles, les Poncins espèrent en produire plus de 10 000. C'est la nature qui en décidera.

 

Une sève aux vertus multiples
Depuis des millénaires, le bouleau, de la famille des bétulacées, est considéré pour ses nombreuses vertus thérapeutiques. Il y a 3000 ans, des écrits relatent ses vertus chez les populations nordiques, lapones, slaves et scandinaves. On retrouve son emploi traditionnel dans les Highlands en Ecosse et chez tous les peuples d’Europe du Nord. Les cures printanières de sève de bouleau y sont pratiquées depuis le XIIe siècle.
Riche en oligo-éléments, la sève de bouleau est appréciée en naturopathie pour ses vertus dépuratives et revitalisantes, prisée pour libérer l’organisme de ses toxines au printemps. Elle donne aussi de très bons résultats sur les douleurs articulaires et est un fortifiant du système osseux. La sève de bouleau aurait aussi des vertus anti-âge, en stimulant la croissance des cellules du derme et de l’épiderme. Plus simplement, elle permet au moins d’éclaircir le teint.
Le précieux liquide commence également à être prisé par la nouvelle génération de chefs de cuisine. Il est particulièrement recommandé pour pocher un poisson, préparer des sauces et des sirops.

Comment récolter la sève de bouleau ?
La sève brute, très recherchée, se récolte au printemps quand elle monte dans l’arbre, juste avant l’apparition des premières feuilles du bouleau. Attention, si la sève devient blanchâtre et qu’elle perd en transparence, c’est que les feuilles de l’arbre commencent à sortir. Traduction : la sève est déjà trop avancée. Il est alors trop tard pour la consommer.
La récolte est principalement artisanale. Le matériel nécessaire pour la récolte de cette sève se compose d’une bouteille d’eau en plastique vide de cinq litres, d’un tube en plastique de 6 mm, d’une foreuse, de deux mèches. Percer le bouchon de la bouteille d’eau avec une des mèches et y insérer le tube en plastique. Ensuite, faire un trou dans l’arbre à environ un mètre du sol, et percer sur trois centimètres de profondeur environ. Puis, insérer l’autre extrémité du tube en plastique dans le tronc et l’eau de bouleau va commencer à s’écouler dans la bouteille. On peut obtenir jusqu’à cinq litres par jour pour un bon arbre. Surtout, envelopper votre bouteille d’un tissu pour protéger l’eau de bouleau de la chaleur et de la lumière. Si vous récoltez en milieu sauvage, n’hésitez pas à recouvrir la bouteille de branche ou de feuillage, puis attendre 12 à 24 heures pour venir chercher la bouteille.
Une fois la récolte de la saison terminée, il faut reboucher le tronc d’arbre avec une cheville en bois afin de permettre à l’arbre de refaire son écorce. La période de récolte durant trois à quatre semaines, soyez attentifs aux signaux de la nature.
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