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Tereos déverrouille les contrats d’approvisionnement de ses planteurs

L’Autorité de la concurrence a été saisie par Saint Louis Sucre au sujet du non-respect des règles de la concurrence par Tereos, en octobre dernier. Le 26 juillet, celle-ci a clôturé la procédure.

La zone d’Eppeville et de Roye représente 40 % de la production française de la betterave sucrière.
La zone d’Eppeville et de Roye représente 40 % de la production française de la betterave sucrière.
© Stéphane Leitenberger

La fin des quotas européens de production de sucre, qui sera effective au 1er octobre prochain, bouleverse le secteur. La date approchant, les producteurs de betteraves sucrières sont très courtisés. Et particulièrement dans la zone géographique d’Eppeville et de Roye, puisque celle-ci représente 40 % de la production française de la betterave sucrière et 15 % des achats de betteraves à l’échelle de l’Union européenne. C’est en ce lieu précisément que se concentre la bataille de trois industriels du secteur, soit les deux coopératives en tête du marché en France, Tereos (Béghin Say, La Perruche) et Cristal Union (Daddy), et Saint Louis Sucre, filiale de l’allemand Südzucker.
Par lettre du 19 octobre 2016, Saint Louis Sucre saisissait l’Autorité de la concurrence pour des pratiques mises en œuvre dans le secteur de l’approvisionnement en betteraves sucrières par Tereos. Ces pratiques ? La mise en place de systèmes d’exclusivité d’approvisionnement de très longue durée à l’égard de leurs planteurs de betteraves afin de garantir le maintien de leurs parts de marché. De quoi obtenir l’exclusivité des droits d’approvisionnement des betteraves, qui n’a plus lieu d’être pourtant avec la fin des quotas. Autres éléments : un allongement du délai de préavis de trois à douze mois pour quitter Tereos en fin d’engagement, et deux durées d’engagement distinctes pour la livraison de leurs «betteraves historiques» (contractées durant la période des quotas) et de leurs «betteraves complémentaires» (contractées pour la période post-quota) se chevauchant, et compliquant d’autant la sortie de la coopérative.
Par ailleurs, Tereos aurait renforcé ses exclusivités par une stratégie de dénigrement à l’égard de Saint Louis Sucre, tant dans ses offres commerciales que sur la pérennité de son outil industriel d’Eppeville. La saisine était accompagnée d’une demande de mesures conservatoires portant sur «la libéralisation d’au moins 20 % des betteraves contractées, la possibilité de résilier les contrats, la fin du chevauchement des contrats sur les «betteraves historiques» et les «betteraves complémentaires», l’exclusivité sur la livraison de toutes les betteraves, la clarification des conditions de sortie des planteurs de la coopérative, avec modification des statuts en ce sens», précise Isabelle de Lamotte, directrice juridique de Saint Louis Sucre.

Deuxième round : peut mieux faire !
A la suite cette saisine, les services d’instruction de l’Autorité de concurrence, après enquête et audience de Tereos, le 8 mars 2017, ont relevé que la coopérative a instauré à l’égard de ses associés coopérateurs «des liens contractuels dont les conditions de sortie apparaissent particulièrement opaques, et de mise en œuvre complexe». Et de pointer les exclusivités d’approvisionnement de longue durée mises en place par Tereos, le chevauchement des contrats «susceptible de prolonger indéfiniment la durée d’exclusivité des associés coopérateurs à l’égard de Tereos», l’opacité des conditions de sortie des planteurs de la coopérative, le prolongement du préavis de trois à douze mois pour quitter Tereos, «de nature à faire obstacle à la sortie de la coopérative des associés coopérateurs». Conclusion des services : «Les pratiques identifiées sont susceptibles de contrevenir aux règles de la concurrence dans la mesure où elles sont de nature à rendre une grande partie de la production de betteraves sucrières peu ou pas contestable sur le marché local d’Eppeville et de Roye, Tereos étant le principal acheteur de cette zone avec environ deux tiers des achats de betteraves».
Tereos revoit donc sa copie et propose de nouveaux engagements le 5 avril 2017. Le premier engagement porte sur l’obligation de livraison exclusive des betteraves. L’obligation incombant à chaque associé coopérateur se limitera désormais aux volumes de betteraves qu’il aura contractés auprès de Tereos. Et la coopérative s’engage, par ailleurs, à modifier son règlement intérieur pour ajouter que «l’engagement d’apport est non exclusif». Le second engagement porte, lui, sur la diffusion d’une information claire sur la durée des engagements que les associés coopérateurs ont souscrits avant 2017 et, d’autre part, sur les volumes et la durée des engagements additionnels qu’ils ont souscrits à partir de 2017.
Quant au troisième engagement, il concerne la durée de préavis. Tereos propose de réduire la durée du préavis de douze à trois mois, avant la date d’expiration du dernier exercice (soit le 30 juin). Le quatrième engagement est sur les modalités de remboursement des parts sociales d’activité en cas de sortie du planteur de la coopérative. Ce remboursement, assure la coopérative, interviendra automatiquement dans un délai maximum de cinq mois à l’issue de la fin de la période d’engagement. Enfin, le cinquième engagement porte sur la formation des responsables de secteur de Tereos au droit à la concurrence et aux nouveaux dispositifs de contractualisation.
A la suite de ces engagements, il est procédé à un test de marché par l’Autorité de la concurrence. Commissaire du gouvernement, Saint Louis Sucre, le Haut conseil à la coopération agricole, le Syndicat national des fabricants de sucre, la Coordination rurale et vingt-huit planteurs sont mis à contribution. «De manière générale, rapporte l’Autorité de la concurrence, les contributeurs considèrent que les engagements proposés par Tereos sont très insuffisants et doivent être améliorés sur divers points». Au nombre de ces points : une durée d’engagement de dix ans disproportionnée dans la mesure où Tereos ne garantit à ses associés coopérateurs qu’un prix minimum d’achat pour une durée de deux ans, point de possibilité de résiliation unilatérale de l’engagement pour l’associé coopérateur à partir d’une certaine date, un délai trop long de remboursement des parts sociales, la mise en place d’un système d’échanges de betteraves, tel qu’il existait durant les quotas, pour tous les planteurs mixtes, etc.

Derniers rounds et épilogue
Tereos se trouve contraint de faire de nouvelles propositions le 9 juin. Il s’engage au remboursement des parts sociales d’activité dans un délai de cinq mois à l’issue de la fin de l’engagement d’activité, «nonobstant la possibilité d’un délai maximal de remboursement de cinq ans prévu par les statuts». Et prend aussi de nouveaux engagements sur la formation de ses responsables de secteur. Mais, lors de la séance du 13 juin, l’Autorité émet des doutes sur l’effectivité des engagements de Tereos au sujet du mécanisme de double durée d’engagements permettant aux associés coopérateurs de devenir mixtes à l’expiration de leur engagement historique. En cause  le système d’échanges des betteraves que Tereos réfute.
Faute d’accord, Tereos transmet le 6 juillet une nouvelle version de ses engagements dans laquelle il propose de supprimer la double période d’engagements de ses associés coopérateurs. Cette nouvelle version est débattue et améliorée lors de la séance de l’Autorité du 11 juillet. Au final, Tereos s’engage à modifier ses statuts afin que l’obligation de livraison incombant à chaque associé coopérateur se limite aux volumes de betteraves contractés ; à supprimer la double période d’engagements ; à réduire le préavis de fin d’engagement de douze à trois mois ; à rembourser les parts sociales d’activité de l’associé coopérateur dans un délai de cinq mois maximum ; et à former ses responsables de secteur au droit de la concurrence.
Suite à ces derniers engagements, l’Autorité de la concurrence a décidé d’arrêter sa procédure, le 26 juillet dernier. Des engagements que l’Autorité suivra au travers du rapport intermédiaire que doit lui envoyer Tereos en septembre prochain, mais aussi du rapport final en mars 2018, et du rapport annuel du suivi des engagements. Affaire à suivre…

 

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