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Viande bovine : marché français et opportunités à l’export

Interview de Philippe Chotteau, chef du département économie à l’Institut de l’élevage, après son intervention, «Où va le bœuf ?» à la journée bovine organisée, le 19 janvier, par la Chambre d’agriculture de la Somme, à Barly.

Philippe Chotteau : «Il est important, aujourd’hui, de produire pour des marchés pré-identifiés […] et de ré-enchanter la consommation de bœuf.»
Philippe Chotteau : «Il est important, aujourd’hui, de produire pour des marchés pré-identifiés […] et de ré-enchanter la consommation de bœuf.»
© AAP


Quels sont les fondamentaux du marché français pour la viande bovine ?

Nous sommes un grand pays de production de viande bovine. Nous avons même le premier cheptel en Europe. Mais, le nombre d’abattages (qui concerne surtout les vaches) est inférieur à celui de la consommation depuis les années 2000, même si celui-ci repart à la hausse depuis deux ans en raison de l’abattage massif des vaches de réforme laitières, consécutif à la crise laitière. L’effet pervers de cette tendance est la baisse des prix sur le marché.
Pour ce qui est des exportations de viande, on est autour de 236 000 téc. Ce sont surtout des JB (jeunes bovins) exportés en carcasse, soit 19 % de la production. Quant aux exportations, elles sont de l’ordre de 3 150 000 téc hors veau. Cela concerne essentiellement de la vache laitière, qui alimente surtout la restauration hors domicile et la transformation.

Quelles sont les disponibilités françaises de viande bovine ?
Selon l’étude que nous avions réalisée en 2014, l’offre française se situait autour de 66 % de race à viande ou croisés et 34 % de races laitières. Ce pourcentage a forcément évolué, avec l’augmentation de la réforme des vaches laitières. Dans tous les cas, la France est et reste le premier marché européen de la vache laitière. En viande importée, la proportion était de 80 % de races laitières et 20 % de races à viande ou croisés.

Quels sont les débouchés ?
Le plus important est celui des grandes et moyennes surfaces (GMS), particulièrement sur les achats de viande transformée. Cette part était de 54 % contre
48 % pour la viande brute selon notre étude de 2014. Suit la restauration hors domicile avec 19 % des parts, puis l’export à 15 % et la boucherie à 12 %.
Ce qui est vendu aux GMS, ce sont un tiers de vaches à viande, un quart de vaches laitières, un peu de bœufs et de génisses à viande. Toutes viandes bovines confondues, les GMS s’approvisionnent à 52 % de viande transformée et à 48 % de viande brute. Leurs parts de marchés sont particulièrement importantes sur la viande hachée. La diversité des steaks hachés et des burgers proposés est désormais telle que le marché se segmente sur, par exemple, le taux de ma­tières gras­ses, ou la basse pression, ou sur le bœuf protéine, les mar­ques nationales, le grammage, l’origine, etc. En revanche, il y a peu de segmen­tation du marché sur la race des bêtes. Ce n’est pas le premier critère. Cette hausse de la part du marché sur la viande hachée est aussi constatée chez les bouchers et la restauration hors domicile. Cette part explose même chez cette dernière, soit désormais plus de 40 %.

Et les débouchés en restauration hors domicile en viande bovine, quels sont-ils ?
La répartition se fait entre la restauration rapide, qui représente 33 % de la restauration hors domicile, les autres restaurations commerciales (46%) et la restauration collective (21%). Soit un total de 301 000 téc.
66 % de la viande bovine en restauration hors domicile sont issus de l’importation, plus précisément les trois-quarts en restauration commerciale, plus de la moitié en restauration rapide et les deux tiers en restauration collective.

Qu’en est-il en boucherie ?
La viande bovine représente 12 % du débouché global et 15 %, si on enlève les exportations.

Poursuivons sur les débouchés, par type d’animal. Quelles sont les demandes pour les vaches allaitantes ? Puis, pour les va­ches laitères ?
Il y a un marché de carcasses (boucheries et certains rayons traditionnels), ainsi qu’un marché de compensé avec des démarches filières pour les rayons libre-service. La demande est à hauteur de 46 % pour les grandes et moyen­nes surfaces, à 20 % pour les boucheries traditionnelles, et à 32 % pour la découpe et le haché. Par ailleurs, 16 % des génisses à race à viande vont à la transformation.
Pour les vaches de réforme laitières, quasiment tout va directement au hachoir.

Quelles sont les demandes à présent pour les jeunes bovins finis ?
La moitié vient de France, l’autre moitié de l’export. Là encore, il y a pas mal de transformation. A noter cependant que pour l’export, avec la crise en Europe, les de­mandes sont en baisse, notamment celles provenant de la Grèce et de de l’Italie. Sur les dix derniers mois de l’année 2016, les parts de marché ont continué à s’éroder, soit de - 3 %. En revanche, les de­mandes émanant de l’Allemagne augmentent. Il n’empêche, le marché présente des fragilités puisqu’il se concentre essentiellement sur ces trois pays.
Et une fragilité d’autant plus dangereuse que la France doit faire face à une baisse de la consommation, mais aussi à la concurrence de la Pologne. Non seulement ce pays est un gros pays lai­tier, mais il commence aussi à pratiquer l’engraissement. Conséquence : les taurillons polonais sont moins chers, et donc plus attractifs pour les Italiens, frappés eux aussi par la crise économique.
Une fois ce constat tiré, la bonne nouvelle concerne le développement des marchés tiers, notamment en Asie et au Moyen Orient mais, pour les capter, il faudra se démarquer de l’Inde et du Brésil qui proposent des prix plus compétitifs. Une fois cela dit, des marchés de niche existent. Ainsi l’Egyp­te, Israël, l’Algérie et la Turquie sont des gros importateurs d’animaux vivants.

Qu’en est-il avec les broutards ?
L’Italie connaît une véritable res­tructuration de ce secteur dans la plaine de Pô, suite notamment à la baisse des aides Pac aux engraisseurs, aux problèmes d’environnement suscités par la con­cen­tration dans cette région de cette activité, à la baisse de con­som­mation (- 18 % depuis 2010) et à la concurrence polonaise. Il n’empêche, l’Italie continue en exporter, mais à des prix plus bas.
En ce qui nous concerne, hors Union européenne, des marchés tiers sont intéressants pour nous tels que le Liban, l’Algérie, la Turquie, etc.

Malgré un contexte frappé par la crise et la baisse de consommation, que peut-on espérer ?
L’ouverture de marchés tiers, notamment dans le bassin méditerranéen, représente une véritable opportunité pour les producteurs de viande bovine.
Deux marchés sont actuellement croissants dans la zone d’influence de l’Union européenne en matière d’exportations de vifs, soit en Israël (plutôt pour des jeunes bovins semi-finis ou des broutards) et en Egypte (le marché est ouvert de­puis quelques semaines suite à l’agrément sanitaire).
Par ailleurs, les GMS sont en pleine remise en question du fait de la chute dans leurs rayons boucherie. Il est donc important, aujourd’hui, de produire pour des marchés pré-identifiés, mais avec des systèmes résilients et de relever le défi collectif qui se présente aux agriculteurs : soit ré-enchanter la consommation de bœuf.


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