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Xavier Philippe : de l’aviron aux chèvres

Après avoir remporté des médailles en France et dans le monde dans le milieu de l’aviron, Xavier Philippe s’est lancé dans l’élevage de chèvres bio, à Prouville.

© AAP


Fini le temps des avions, des décalages horaires, des hôtels et des compétitions. Le sportif de haut niveau en aviron n’a plus qu’un rêve : vivre de son élevage de chèvres en exploitation bio. Loin d’une lubie venant à l’aube d’une fin de carrière, le champion a toujours voulu travailler dans le milieu agricole, qu’il a découvert dans l’enfance auprès de son grand-père, marchand de bestiaux. «Je passais tous mes week-ends chez lui, à Prouville. Je l’accompagnais partout, même quand il allait marchander les bovins et les porcins. Il m’a donné le goût des grands espaces, des bêtes et du matériel agricole», raconte Xavier Philippe.
Mais, à la mort de celui-ci, les week-ends à la campagne se font rares, la famille ne quitte quasiment plus Amiens, où sa mère enseigne les mathématiques et son père la cuisine. Pour occuper Xavier, ses parents l’inscrivent dans un club d’aviron, un sport de plein air et complet qui, pensent-ils, devrait plaire à leur enfant. Non seulement celui-ci y prend goût, mais développe des qualités sportives telles qu’elles le mèneront très vite sur les podiums, où il décroche la première place en 1998 en tant que champion de France et la troisième, la même année, au championnat du monde. Dès lors, son parcours est tout tracé.
Il part à Nancy pour intégrer le Pôle France au Creps, la voie royale. «Je ne pensais qu’à ramer», se souvient-il. Il n’oublie pas pour autant l’agriculture, aspirant, après son bac S, à un BTS agricole. Mais le Creps ne voulant pas aménager ses horaires d’entraînement avec ses heures de cours, Xavier craque au bout de quatre mois. Il abandonne le BTS. Le sport devient alors toute sa vie. Il enchaîne les diplômes (maîtrise de Staps, puis ses brevets d’Etat de moniteur d’aviron, de natation, des métiers de la forme, de l’activité pour tous) et les médailles. De ces années de compétition, il apprend à «ne rien lâcher, même quand on prend des revers».

De l’eau à la terre
Les années passant, Xavier sent qu’il a fait le tour de l’aviron. L’envie aussi de se poser et de constituer une famille le taraude, comme de revenir à Amiens. L’opportunité se présente quand, en 2008, le Pôle espoir aviron d’Amiens lui propose d’occuper le poste de responsable. S’il est heureux de regagner sa ville natale, il sent rapidement le besoin de sortir du milieu de l’aviron. Pour élargir son environnement, il fait en parallèle des entraînements personnels. Sa notoriété lui attire très vite de la clientèle, mais cela ne lui suffit pas.
Revient alors l’idée de se réaliser dans le milieu agricole. Il passe, pour ce faire, un BTS agricole en productions animales. Sa première idée est de se lancer dans une exploitation de vaches laitières en bio. Le bio, et pas autre chose, «car je voulais sauvegarder les prairies qui existent à Prouville», dit-il. Mais le prix de l’installation, soit près d’un million d’euros, est rédhibitoire. Il se souvient alors d’un stage sportif dans les Vosges, au cours duquel il était allé visiter une chèvrerie. «Tout était nickel. J’avais trouvé cela génial. Je me suis dit que les chèvres, c’était aussi bien que les vaches, en plus petits et en plus propres, et que, comme les vaches, je pourrais transformer moi-même ma production», explique-t-il. Les dés sont jetés. A côté de la maison familiale, il installe sa chèvrerie bio. Le parcours du combattant commence.
Sans terre, il fait le tour de la commune en vélo pour repérer celles qui pourraient être disponibles et prendre contact avec les propriétaires. Les retours sont divers. Qu’importe, il commence avec son père à construire les stabulations, puis un hangar où stocker les céréales, puis un autre… Il achète aussi trois chèvres pour «se faire la main». Les trois sont pleines. L’une des chèvres rejetant son chevreau, il devra le nourrir au biberon. Dans sa cuisine, il fait des tests pour transformer le lait en fromage. Il apprend sur le tas.

Une exploitation à taille humaine
Il se montrera tout aussi tenace quand il est éconduit par la Chambre d’agriculture pour son installation, cette dernière considérant que son projet n’est pas viable. Il frappe alors à la porte de la Région pour lancer son parcours d’installation. Celle-ci le suit. Avec les dix hectares qu’il a réunis et ses seize chèvres, Xavier s’installe en juin 2014. Outre la sauvegarde des prairies qui lui font choisir le bio, il souhaite que ces bêtes «mangent ce qu’elles veulent, comme si elles étaient en liberté, et qu’elles soient heureuses, saines et puissent tenir huit à dix ans avant que je ne les renouvelle», dit-il.
Heureuses, ses chèvres le sont. Nourries avec des céréales bio et sa tendresse, elles fournissent deux litres de lait par jour durant neuf à dix mois, lui permettant de fabriquer 600 fromages par mois. «Je ne veux pas que mes chèvres crachent. Je suis leur rythme naturel», ajoute-t-il. Ce souci de leur bien-être est tel qu’en période de chaleur, il les sépare le soir de ses deux boucs pour qu’elles ne se fassent pas mal.
Si son projet est de se développer, il ne souhaite pas cependant dépasser cinquante chèvres, «cela me suffira largement pour vivre. Je souhaite conserver une exploitation à taille humaine», commente-t-il.
Son autre projet est de faire une ferme pédagogique pour faire découvrir aux enfants et aux adultes ses chèvres. «C’est génial comme bête. On dirait qu’elles comprennent tout. Elles n’ont peur de rien et viennent chercher tout le temps les caresses», confie-Xavier. S’il atteint ses objectifs, il se consacrera exclusivement à elles. C’est son rêve. Gageons que l’esprit de champion qui sommeille toujours en lui se donnera les moyens d’y parvenir.

L'exploitation

- 10 ha

- 2016 : 26 chèvres et 2 boucs
- 600 fromages frais fabriqués par mois

- Vente directe à la ferme, dans les Amap d’Amiens, de Rue, d’Albert, d’Abbeville et de Saint-Riquier, dans des restaurants
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