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Agro-écologie : de plus en plus d’agriculteurs s’y impliquent

Associer élevage et culture pour produire plus et mieux. Exemples en Champagne-Ardenne où l’agro-écologie se pratique depuis longtemps.

Le non labour permet d'améliorer la  structure du sol. Ici chez Bertrand Patenôtre dans l'Aube.
Le non labour permet d'améliorer la structure du sol. Ici chez Bertrand Patenôtre dans l'Aube.
© Réussir

«Nous devons passer du stade des pionniers à la généralisation», explique Benoît Collard, agriculteur à Somme Tourbe dans la Marne au nord de la Champagne crayeuse, à un groupe de journalistes de l’Association française des journalistes agricoles. C’est dans les années 80, dans la foulée de son installation, qu’il a commencé à s’interroger sur ses pratiques agricoles. Arrivé en 1953 sur cette ferme céréalière de 60 hectares à laquelle était associé un élevage laitier, son père a rapidement abandonné le lait jugé trop contraignant. L’exploitation a donné la priorité aux grandes cultures.
Benoît Collard ne cache pas que le système a bien fonctionné pendant de nombreuses années. Jusqu’à ce qu’il s’interroge sur l’effet négatif de ses pratiques agricoles sur l’environnement, qu’il s’agisse de la pollution des eaux par les nitrates ou de l’impact des produits phytosanitaires sur la biodiversité.

Allongement des rotations
Très tôt dans les années 1993-1994, il rejoint le réseau Farre pour réfléchir à l’évolution de ses pratiques. Premières décisions importantes, l’abandon du labour et l’allongement des rotations. Désormais plus d’une dizaine de cultures, luzerne déshydratée, colza, orge, triticale, blé, betteraves, pommes de terre, pois, plants de pommes de terre… tournent sur sa ferme qui compte aujourd’hui 155 hectares. Effet immédiat ses apports de phytosanitaires sont inférieurs de 35 à 40 % à la moyenne régionale.
Mais il ne compte pas en rester là et faire encore mieux en développant les traitements localisés et le binage mécanique. Ainsi vient-il de réaliser un gros investissement avec l’acquisition d’une bineuse munie d’une caméra. Et sur les insecticides, «mon objectif est de les supprimer à terme», projette-t-il. Les bandes enherbées sont progressivement remplacées par des alignements d’arbustes «pour favoriser le développement des insectes auxiliaires». Il va même plus loin, en redivisant ses champs en parcelles de 7 à 8 hectares plus propices aux insectes.

Plus d'engrais minéraux à terme
Et pour ce qui est des engrais, Benoît Collard envisage de supprimer, à terme, les apports d’engrais minéraux en les remplaçant par des engrais organiques. Ainsi, l’élevage de volailles fermières (poulets, dindes et pintades) déjà créé, il y a quelques années, est appelé à se développer. Les apports de matière organique seront dopés par un échange de fumier contre de la paille avec un éleveur voisin.

L'élevage de brebis réintroduit
Bertrand Patenôtre, exploitant agricole à Piney dans l’Aube et adhérent de la coopérative Vivescia, a abandonné le schéma classique : blé, orge, colza, pour se consacrer à l’agriculture de conservation. Lui aussi a renoncé au travail du sol. Il pratique semis direct, implante des couverts végétaux après la moisson et de nouvelles cultures pour allonger les rotations et briser le cycle des adventices. «Nous devons laisser travailler les vers de terre. Ce sont eux qui améliorent la structure du sol et favorisent l’implantation des racines» insiste-t-il.
Dans la foulée, il a réintroduit un élevage de brebis sur l’exploitation qui compte 175 hectares. Son troupeau de 500 têtes permet de valoriser le couvert végétal et d’enrichir en matière organique ses sols.

Instabilité réglementaire
Chez Vivescia, il n’est pas le seul à avoir changé de pratiques. Sur les 8 000 adhérents de la coopérative, 200 ont adopté de nouvelles méthodes de culture moins agressives vis-à-vis de l’environnement. Alors ces modèles sont-ils généralisables ? Oui, estime Benoît Collard. «Le principal problème à son développement réside dans les changements incessants de réglementation» qui empêche les agriculteurs d’avoir une vision de ce qu’ils peuvent faire dans la durée.
Dans l’agro-écologie, «les systèmes fonctionnent, les rendements et la qualité sont là», affirme Christian Rousseau, président délégué de la coopérative Vivescia, lui-même engagé de longue date dans des pratiques innovantes. «Si on améliore la santé de nos sols, nous aurons moins recours aux produits phytosanitaires», rappelle-t-il. Pour lui, la réintroduction de l’élevage dans cette zone céréalière est évidemment une bonne chose. «Mais il n’y a plus de filière, plus d’outil industriel dans la région», met-il comme bémol.
Florent Thiébaut, ingénieur recherche au Ceta de Romilly-sur-Seine, abonde : «Pour un céréalier qui a un revenu confortable, c’est dur de revenir à l’élevage. Mais il peut y avoir des regroupements d’agriculteurs, avec l’embauche de main d’oeuvre qualifiée. Il y a une grosse réflexion sur le sujet chez nos adhérents».

Modèle à bout de souffle
Christian Rousseau pointe les risques auxquels sont confrontés les agriculteurs qui changent de modèle, en cas d’échec et qui hésitent à franchir le pas. Tout en reconnaissant que les agriculteurs n’auront pas d’autres choix à l’avenir. «Notre modèle est à bout de souffle, nos rendements stagnent en matière de céréales, malgré les progrès génétiques et nous devons faire face à une acceptabilité de nos modes de production par l’opinion publique». Pas d’autres solutions que d’inventer un nouveau modèle à la fois productif et qui prenne mieux en compte la protection de l’environnement et les attentes sociétales.

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