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Ces éleveurs qui concilient biodiversité et productivité de leurs prairies

Pascal Coffinet et Guillaume Devoisin, tous deux éleveurs à Quend, ont chacun reçu un prix pour le maintien d’une biodiversité dans leurs prairies, lors du Forum de l’élevage en zones humides, ce 23 novembre, à Abbeville.



Les vaches de Pascal et Benjamin Coffinet, père et fils, installés à Quend, ont une assiette bien remplie en période estivale. Au menu : une prairie de 3,47 ha, entre les marais de Quend et de Villers-sur-Authie, riche d’une flore «à la fois diversifiée et équilibrée, composée d’un mélange de graminées productives, de graminées à feuilles fines et de légumineuses», ont estimé les membres du jury du concours des pratiques agroécologiques «Prairies et parcours», pour le secteur de la plaine maritime picarde. Ce constat leur a valu le premier prix de ce concours. Les éleveurs représenteront donc leur territoire au Sia 2019, pour le classement national.
La ferme des Mazures, une exploitation de polyculture de 150 ha (blé, orge, maïs fourrage, betteraves sucrières et pommes de terre), comporte 40 ha de prairies, toutes en zones humides. «Pour les valoriser au mieux, en plus de nos quarante-cinq vaches laitières, nous avons aussi vingt allaitantes, Blondes d’aquitaine et Charolaises», précise Pascal Coffinet. Ces dernières, «très robustes», sont mises à l’herbe dès le 20 avril si la pluie n’est pas trop abondante, et peuvent y rester jusque fin octobre.
La prairie humide, elle, nécessite une conduite particulière. «J’en fais en fait le moins possible, confie l’éleveur. Un seul passage d’engrais, à 50 unités d’azote et un chargement inférieur à 1,4. Je n’utilise aucun produit phytosanitaire.» Les adventices, surtout des chardons et des joncs, sont fauchés début juillet, «le plus tard possible, pour préserver la flore.»
Résultat : «La productivité et la valeur alimentaire de cette prairie sont tout à fait adaptées au troupeau de vaches allaitantes qui y pâture», note le jury. Et une cinquantaine d’espèces végétales différentes ont été observées, dont quelques-unes dont l’éleveur lui-même ignorait l’existence. Les experts ont relevé «la présence de plusieurs espèces patrimoniales, comme la Laîche à épis distants, et la Lychnis fleur de Coucou. Les fossés et le cours d’eau qui traversent la parcelle sont également des habitats intéressants pour la faune et abritent eux aussi des plantes rares, comme l’Hydrocharis ou la Samolle».
Cette biodiversité des prairies humides présente de sacrés avantages. «Comme tous types de plantes y poussent, il y en a toujours quelques-unes qui se plaisent bien en cas de fortes pluies, et d’autres en cas de sécheresse. Elles sont donc toujours riches, quelle que soit la météo», se réjouit Pascal Coffinet. Mais les inconvénients sont aussi à soulever. Classée en Maec (Mesures agro-environnementales et climatiques), ces parcelles sont soumises à une conduite spécifique. «Nous devons, par exemple, entretenir les fossés qui font le tour de la parcelle et qui la traversent, qui servent d’écoulement. Nous avons dû investir dans une mini-grue et nous y consacrons une semaine par an.» L’éleveur souhaiterait un soutien financier pour chaque heure passée à cela.

Habitats écologiques remarquables
Quelques kilomètres plus loin, à Fort-Mahon, en bordure de la Baie d’Autre, la prairie qu’utilise Guillaume Devoisin a aussi retenu l’attention du jury. «Plus de soixante espèces de plantes différentes ont été relevées», s’étonne encore l’éleveur de Charolaises de Quend, installé en EARL avec son père. Lui a reçu le prix spécial «Biodiversité» du concours des pratiques agroécologiques «Prairies et parcours». Cette prairie abrite des habitats écologiques remarquables, dont deux grandes mares, et la vaste zone de prés salés (l’eau de mer remontant dans les fossés lors des grandes marées) accueille de nombreuses espèces végétales rares. Seule l’absence d’arbres l’a privé du premier prix.
La ferme Duchâteau, du nom du lieu-dit, exploite cette parcelle de 17 ha, appartenant au Conservatoire du littoral, depuis une dizaine d’années, avec toutes les contraintes liées aux Maec et à la convention qui lie les deux parties. Chargement limité en fonction de la quantité de fourrage, aucun intrant, donc pousse de l’herbe liée aux conditions climatiques… «J’effectue une fauche tardive, début juillet, qui permet d’assurer le renouvellement des plantes puisqu’elles sont montées à graines, et que les pollinisateurs ont eu le temps de faire leur travail.»
Cette diversité de plantes fait le bonheur du troupeau : «J’ai une deuxième prairie, conduite de la même manière, mais dans des terres plus sableuses, avec moins de variétés. Je remarque que mes vaches profitent mieux dans la prairie de Fort-Mahon ! Elles préfèrent aussi son foin.» Le chargement limité n’est plus un problème car, depuis quelques années, les Devoisin ont réduit leur cheptel de quatre-vingt dix mères à une trentaine. «Mon père a eu un accident grave avec une vache. Nous avons alors totalement revu nos pratiques. Un nombre trop élevé de bêtes nous avait poussés à plus de mécanisation et moins de présence humaine. Les vaches étaient plus sauvages. Désormais, on retrouve les bases de notre métier d’éleveur et la passion qui va avec.»
Les fleurs de toutes les couleurs présentes dans la prairie du Conservatoire du littoral ont aussi provoqué un déclic chez Guillaume, qui cultive 94 ha, principalement de céréales. «Je fais de plus en plus de couverts végétaux en intercultures. Derrière un escourgeon, par exemple, je sème un mélange de plusieurs espèces. Mes terres sont de plus en plus riches en vers de terre, et je remarque que beaucoup d’insectes auxiliaires sont attirés.» L’équilibre semble trouvé.

La plaine maritime reconnue au national

Appelé concours des prairies fleuries jusqu’à la précédente édition, le concours des pratiques agroécologiques «Prairies et parcours» récompense la prairie naturelle ayant le meilleur équilibre entre valeur agronomique et valeur écologique.
Concrètement, les candidats présentent une prairie naturelle diversifiée en plantes et s’inscrivant dans le système fourrager de l’exploitation. «Un jury composé d’experts en agronomie-fourrage, en botanique-écologie des prairies et en apiculture-faune sauvage visitent la parcelle au printemps avec l’éleveur, explique Matthieu Franquin, chargé de mission environnement au Syndicat mixte Baie de Somme. Ils notent la parcelle en appliquant une méthode nationale, définie dans le règlement officiel du Concours général agricole.» La méthode s’appuie sur six critères agroécologiques, qui permettent de mettre en avant le travail de l’éleveur et la cohérence de la gestion de celle-ci avec le territoire.
Le gagnant local, désigné par le jury, participe ensuite au concours national, lors du Salon international de l’agriculture, à Paris. Et, à ce jeu, les agriculteurs de la plaine maritime sont plutôt bons ! En 2015, Daniel Ménétrier, de Rue, a reçu le premier prix national, et l’année dernière, Alexandre Loye, de Quend, a reçu le deuxième prix national dans la catégorie «Prairies humides». «C’est une reconnaissance de l’engagement des éleveurs de la plaine maritime picarde dans la valorisation agroécologique des prairies», soutient Matthieu Franquin.

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