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Jacqueline Cottier : "Les femmes de plus en plus visibles en agriculture"

Jacqueline Cottier, présidente de la commission des agricultrices à la FNSEA, se dit enthousiaste de l’évolution de la femme dans le milieu agricole. Même si quelques défis restent à relever…

© D. R.





Quelle est aujourd’hui la place des femmes en agriculture ?

On peut tirer un bilan plutôt positif, car le métier se féminise un peu plus chaque année. Depuis 2005, la part des femmes exploitantes a augmenté de 25 %. Un autre chiffre intéressant : sur quatorze mille installations, en France, en 2017, 40 % étaient des femmes. La part des filles dans les formations agricoles est aussi importante, puisqu’elle s’élevait à 52 % en 2010, et doit être sensiblement la même aujourd’hui. C’est une donnée intéressante, car ces jeunes sont notre vivier. Toutes les formées ne deviennent pas exploitantes, mais elles peuvent s’orienter vers des statuts de salariées, de techniciennes, ou vers le para-agricole. En règle générale, on parle de plus en plus du métier, et les femmes sont de plus en plus visibles. Les progrès technologiques contribuent à réduire la pénibilité du travail, avec de la robotisation dans les élevages, par exemple, et une mécanisation qui rend les tâches accessibles à tous les gabarits.

Des agricultrices restent-elles encore dans des situations compliquées ?
Oui, malheureusement. Des femmes travaillent encore dans des exploitations alors qu’elles n’ont pas de statut. Nous ne pouvons pas donner de chiffres, puisqu’elles ne sont pas déclarées, mais on sait qu’elles existent. Elles n’ont aucune reconnaissance économique, alors qu’elles créent de la valeur ajoutée dans leur ferme, et elles n’ouvrent pas de droits à la retraite. Elles s’exposent à de gros risques, en cas de divorce, d’accident de travail, de décès du conjoint… Notre voie d’espoir est un projet de loi, qui imposerait un statut de salarié à toute personne travaillant dans l’exploitation. De même, nous aimerions que le statut de conjoint-collaborateur soit limité dans le temps, car il n’est pas valorisant pour une personne en début de carrière.

Les agricultrices sont aussi moins souvent propriétaires de foncier. Comment expliquer cela ?
La culture de la transmission des terres de père en fils est bien installée. Les femmes ont pourtant les mêmes droits. Elles sont souvent investies dans les projets atypiques, comme du maraîchage, ou de la transformation, de la commercialisation… Des sujets qui peuvent faire peur aux propriétaires fonciers. Les choses sont en train de changer, mais cela prend du temps.

Que peut-on dire de la représentativité des femmes dans les OPA ?
Il y a du travail ! Les récentes élections aux chambres d’agriculture le prouvent. 30 % de femmes doivent être présentes dans le conseil d’administration, mais on ne retrouve pas cette représentativité dans le bureau. Il faudrait pourtant que les OPA soient en phase avec le terrain. Il y a de plus en plus d’agricultrices, donc il devrait y avoir de plus en plus d’élues. Même dans notre syndicalisme, nous devons progresser. Cela permet en plus de sortir de son exploitation, d’échanger, de se former… C’est un véritable enrichissement personnel. Mais être élue est un engagement à prendre. Le temps qu’on doit accorder à cette responsabilité est souvent un frein. Il existe pourtant un remplacement professionnel. Nous aimerions aussi qu’un remplacement familial soit instauré, pour permettre aux femmes de concilier vie d’élue et vie de famille. Un projet avait été présenté au Sénat en 2017. Il faudra qu’on refasse le point.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) 2019 intègre des nouveautés pour le congé de maternité des agricultrices. Comment le percevez-vous ?
C’est une belle évolution, qu’on ne peut que saluer. La durée minimale d’arrêt est désormais à huit semaines pour les exploitantes agricoles, comme pour les salariées. Mais surtout, le remplacement est désormais pris en charge à 100 %. Jusque-là, elles étaient redevables de la CSG et de la CRDS sur le montant de leur allocation, soit 10 à 15 € de reste à charge. Un frein économique pour beaucoup. De plus, comme 60 % des agricultrices bénéficient d’une allocation de remplacement maternité, le PLFSS 2019 a mis en place des indemnités journalières maternité pour celles qui ne peuvent pas se faire remplacer. En parallèle, un travail de suivi de la MSA va être mis en place, avec un système d’alerte pour les femmes qui n’ont pas effectué les démarches alors qu’elles sont enceintes. En bref, cette mesure va permettre à plus de femmes de vivre leur maternité sereinement.

Quels efforts restent à faire pour favoriser l’accès aux femmes dans l’agriculture ?
Les jeunes femmes sont à la recherche d’un certain confort de vie, comme les jeunes hommes d’ailleurs ! Pouvoir se dégager un week-end de temps en temps, et quelques vacances fait désormais partie des critères. De plus en plus d’agriculteurs y parviennent en choisissant des statuts d’associés. Mais surtout, on aura plus d’agricultrices si les revenus agricoles sont corrects. Cela est encore plus valable pour les femmes que pour les hommes car, lorsqu’une exploitation est à la peine financièrement, c’est souvent la femme qui va chercher un travail à l’extérieur. Les prix sont à la base de tout, d’où l’enjeu de la loi Egalim.

Repères

- Jacqueline Cottier, fille d’agriculteurs, a débuté sa carrière professionnelle dans le commerce
- Elle s’est installée vers 1990 en Gaec, avec son mari, à Champteussé-sur-Baconne (49). Il s’agit aujourd’hui d’une EARL de polyculture-élevage (volailles, vaches laitières et allaitantes)
- Depuis 2014, elle préside la Commission nationale des agricultrices (CNA) au sein de la FNSEA

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