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Légumes de plein champ bio : quelle charge de travail ?

Les temps de travaux sur les parcelles et au bureau sont très importants en légumes de plein champ biologique pour
les producteurs. Quels sont les leviers possibles pour alléger cette charge ?

L’activité légumes de plein champ est un moteur pour la conversion à l’agriculture biologique et pour la pérennisation des exploitations biologiques existantes. Cependant, ces cultures à forte valeur ajoutée sont très chronophages, les pics de travail étant en mai - juin pour le désherbage, et en septembre - octobre pour les récoltes et le stockage éventuel. En plus de cela, vient s’ajouter du temps de travail administratif et, notamment, la gestion de la main-d’œuvre saisonnière. 

Agro-Transfert et ses partenaires dans le cadre du projet VivLéBio2(1) ont analysé le temps passé par les producteurs de légumes plein champ dans sept exploitations biologiques des Hauts-de-France aux profils variés : exploitations individuelles ou en association, avec ou sans salariés, de 39 à 266 ha, mixtes ou 100 % biologiques. À l’échelle de la rotation, le temps moyen passé sur les parcelles par la main-d’œuvre permanente (exploitants et salariés permanents) va de 8 à 35 h/ha/an selon les exploitations. Ces différences s’expliquent surtout par la taille des exploitations et par la proportion de légumes dans l’assolement : les exploitations avec de grandes surfaces ont des outils aux débits de chantier élevés et les assolements plus chargés en légumes plein champ sont plus chronophages. Cependant, cette étude a aussi révélé les stratégies mises en place par les producteurs pour réduire leur temps de travail technique et administratif.

 

Longue gestion de l’enherbement 

Le poste le plus chronophage pour la main-d’œuvre permanente dans toutes les exploitations enquêtées est le désherbage, qui représente entre un quart et la moitié du temps passé sur les parcelles chaque année. En particulier, et même s’il est réalisé par la main-d’œuvre occasionnelle, le désherbage manuel représente en moyenne 12 h/ha/an
sur les cultures légumières pour la main-d’œuvre permanente. Le désherbage mécanique, lui, représente 2,4 h/ha/an en moyenne à l’échelle de la rotation.

Le niveau de tolérance du salissement en légumes biologiques est très faible, car les cahiers des charges sont stricts, notamment pour le marché de frais et pour les légumes industrie. Les exploitants enquêtés prolongent parfois les chantiers de désherbage manuel au-delà du seuil de rentabilité pour ne pas salir durablement la parcelle. Aucune solution de rattrapage n’étant efficace à 100 %, le meilleur moyen de gérer l’enherbement sur le long terme est, en effet, d’éviter d’alimenter le stock semencier de la parcelle. Une parcelle sale est donc particulièrement stressante pour le producteur, et nombreux sont ceux qui ne savent pas à partir de combien d’heures de désherbage manuel il vaut mieux retourner la parcelle plutôt que continuer à creuser un déficit. Pour aider les producteurs à prendre cette décision, des grilles établissant les seuils de rentabilité du désherbage manuel ont été établies pour trois cultures légumières biologiques, à partir des données recueillies dans les exploitations enquêtées.

 

Les chantiers de récolte

Les chantiers de récolte et de travaux post-récolte (tri et conditionnement) est le deuxième poste de travail le plus chronophage dans ces rotations, de 14 à 61 % du temps total passé par la main-d’œuvre permanente sur les parcelles chaque année, soit 1,2 à 22 h/ha/an en moyenne à l’échelle de la rotation. 

Les chantiers de récolte, de tri et de conditionnement des légumes sont particulièrement chronophages et techniques. Les débits de chantier d’arrachage des légumes racines sont faibles : de 4 à 5 h/ha pour les cultures en buttes à 2 à 3 h/ha pour les cultures en planches. L’arrachage et le tri sont des moments délicats, puisque les légumes coupés sont déclassés. Les agriculteurs sont nombreux à mutualiser les outils de récolte, de tri et de conditionnement pour profiter d’outils performants. Par ailleurs, la mutualisation permet aux producteurs d’échanger sur les moments forts de la campagne, sur leurs techniques de production et contribue ainsi à l’acquisition de compétences techniques.

D’autres solutions sont mises en œuvre pour réduire la charge de travail à la récolte et, notamment, la prestation des ETA :  cinq des sept exploitations enquêtées font appel à elles pour réaliser les moissons.  Par ailleurs, la récolte des légumes industrie comme le pois de conserve et le haricot vert sont pris en charge par le client, et représentent donc une faible charge de travail pour le producteur. 

À noter que certains producteurs font le choix de stocker leur production, pour étaler les revenus et améliorer la valeur ajoutée. La charge de travail et le niveau de technicité requis pour le stockage sont souvent sous-estimés par ceux qui investissent dans un bâtiment de stockage. C’est pourquoi la plupart font appel à leur coopérative ou à des entrepreneurs spécialisés pour stocker leur production.

 

Gérer les saisonniers : un nouveau métier

La réussite de la production de légumes biologiques de plein champ est conditionnée par l’embauche et la gestion de la main-d’œuvre occasionnelle. Elles nécessitent de nouvelles compétences et représentent une charge de travail et une charge mentale non négligeables. Par exemple, l’un des producteurs enquêtés estime que la gestion des saisonniers représente 6h de travail par semaine de mai à juillet.

Beaucoup de producteurs témoignent de la difficulté à trouver de la main-d’œuvre pour quelques semaines seulement. Certains font alors appel à des groupements d’employeurs ou forment des collectifs d’embauche, pour assurer une charge de travail régulière aux saisonniers sur une période longue. Les producteurs isolés des bassins de production de légumes adaptent leur rotation, leur itinéraires techniques ou leurs débouchés pour allonger les chantiers (étalement des dates de semis et/ou développement des travaux de tri et conditionnement). 

La gestion de l’équipe de travailleurs est aussi une difficulté mise en avant par les agriculteurs en-quêtés : absentéisme, faible débit de chantier, mauvaise qualité du travail… L’exploitant se trouve parfois démuni pour constituer, former et motiver son équipe. C’est pourquoi certains d’entre eux désignent des chefs d’équipe, qui reviennent chaque année, en échange d’une rémunération plus élevée.

Une dernière solution consiste à faire appel à de la main-d’œuvre étrangère, disponible pour des chantiers courts et réputée plus efficace et plus autonome. En contrepartie, le producteur a l’obligation de fournir un logement à l’équipe et doit choisir les dates de chantier plusieurs mois à l’avance. Enfin, l’embauche de main-d’œuvre étrangère est interdite par certains cahiers des charges (ex : Bio Cohérence).

Les études préalables à la création ou au développement d’une activité de légumes de plein champ portent surtout sur les aspects économiques. Cette étude révèle que ces cultures sont aussi très éprouvantes pour le producteur :
au-delà des compétences techniques à acquérir sur leur conduite, il faut vérifier que les pics de travail qu’ils provoquent sont gérables avec la main-d’œuvre disponible et développer des compétences managériales pour embaucher et gérer les saisonniers. Agro-Transfert ressources et territoires et ses partenaires ont mis en ligne les informations et les témoignages recueillis lors de l’enquête sur la gestion de la charge de travail de ces sept producteurs, disponibles ici : http://www.agro-transfert-rt.org/projets/vivlebio/agriculture-biologiqu…

 

(1) Projet piloté par Agro-Transfert ressources et territoires, en partenariat avec Bio en Hauts-de-France, les Chambres d’agriculture des Hauts-de-France, le marché de Phalempin, Norabio, l’Inrae et UniLasalle et financé par la région Hauts-de-France et les agences de l’eau Artois-Picardie et Seine-Normandie.

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