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Réglementation
Pac : Bruxelles abandonne l’obligation des jachères

Dans le cadre d’un nouveau paquet de mesures visant à répondre aux protestations agricoles des derniers mois, la Commission européenne a décidé de remettre largement en cause l’architecture verte de la Pac, dont l’obligation des jachères. 

En 2025, les agriculteurs pourraient disposer d’un cadre réglementaire totalement révisé et surtout être débarrassés des nombreuses réglementations environnementales que la Commission européenne actuelle avait tenté de mettre en place depuis cinq ans.
© Pixabay

L’obligation d’implanter des jachères sur 4 % des terres arables va faire les frais des protestations agricoles des derniers mois. Cette mesure emblématique de la nouvelle Pac, particulièrement ciblée par les organisations agricoles, n’aura jamais réellement été appliquée. Depuis deux ans, les États membres pouvaient y déroger. En 2024, des flexibilités ont été accordées après des semaines de discussions avec Bruxelles qui traînait des pieds. Mais pour 2025, la Commission européenne a décidé de purement et simplement supprimer cette obligation de la conditionnalité de la Pac. Il est proposé, dans un projet de règlement qui devait être dévoilé le 
15 mars dans le cadre d’un nouveau paquet de mesures en réponse aux manifestations d’agriculteurs, de rouvrir le règlement de la Pac entré en vigueur il y a seulement un peu plus d’un an, pour notamment revoir cette BCAE 8 (bonne condition agro-environnementale) qui n’imposera plus que le «maintien des éléments non productifs» en place «pour améliorer la biodiversité à la ferme». En contrepartie les États membres seraient tenus de proposer un éco-régime pour soutenir (au-delà du paiement de base) les agriculteurs qui maintiendraient une partie de leurs terres arables en jachère ou pour créer de nouveaux éléments paysagers non productifs. «Mieux vaut encourager les agriculteurs avec des mesures incitatives volontaires que les contraindre», avait estimé le commissaire européen à l’Agriculture Janusz Wojciechowski lors du Conseil de ministres du 26 février ouvrant la porte à cette mesure. Mais ce n’est pas le seul élément que la Commission souhaite réviser. Elle veut en réalité revenir sur la plupart des éléments de l’architecture verte qui avaient été âprement discutés lors des négociations sur la réforme : rotation des cultures, conditionnalité renforcée imposée à l’ensemble des exploitations de l’UE, lien entre Pac et stratégie De la ferme à la table. Selon le projet de texte, les États membres pourraient donc aussi assouplir la BCAE 7, exigeant la rotation des cultures, en permettant de répondre à cette exigence par une simple diversification des cultures. Les fermes de moins de 30 ha devront produire au moins deux cultures différentes dont la principale ne couvre pas plus de 75 % des terres. Au-delà de 30 ha, au moins trois cultures différentes sont imposées dont la principale ne couvre pas plus de 75 % des terres et les deux principales réunies pas plus de 95 %. Et comme pour les jachères, elle souligne que «par le biais d’éco-régimes, des formes plus ambitieuses de rotation et de diversification des cultures devraient continuer à être récompensées, notamment en incluant des protéagineux dans la rotation, de manière à améliorer la qualité des sols et la résilience des cultures». 

Exemption pour les exploitations de moins de 10 ha 

Autre flexibilité introduite : les détails de l’application de la BCAE 6, concernant la couverture des sols pendant les périodes sensibles, seraient laissés entre les mains des États membres pour les rendre «plus compatibles avec les réalités agricoles» et notamment la variabilité météorologique. L’application de cette norme a «entraîné des rigidités administratives et une incertitude considérable pour les agriculteurs», souligne la Commission européenne. Les États membres seront également autorisés à prévoir des dérogations spécifiques aux BCAE 5 (travail du sol), 6 et 7 dans les situations «où il existe un risque que les exigences iraient à l’encontre de leurs objectifs, par exemple en raison de situations agronomiques pour les cultures sur des types de sols et des conditions pédoclimatiques spécifiques». 
Les petites exploitations de moins 10 hectares seraient, elles, totalement exemptées des contrôles de la conditionnalité et des sanctions qui vont avec. «Étant donné que ces petits agriculteurs représentent 65 % des bénéficiaires de la Pac, mais ne représentent qu’environ 10 % de la superficie agricole totale, cela simplifierait le travail de nombreux agriculteurs sans entraver de manière significative les exigences de conditionnalité», veut croire Bruxelles. 
De plus, il est proposé de supprimer les mentions dans les articles 120 et 159 du règlement sur les plans stratégiques qui lient la Pac aux réglementations issues de la stratégie de la Ferme à la table, la Commission estimant que la proposition pour la «Pac post-2027 constitue un outil plus approprié» en la matière. La Commission européenne aurait normalement dû réexaminer la liste des actes législatifs concernant l’environnement et le climat d’ici le 31 décembre 2025 pour s’assurer que la Pac était toujours compatible avec ces nouvelles exigences. Ces articles faisaient partie des grandes revendications du Parlement européen – en particulier de sa commission de l’Environnement. Au final, très peu des règlements issus du Green deal ont, de toute façon, été adoptés, soit parce qu’ils ont été abandonnés (règlement pesticides en premier lieu) soit parce qu’ils ont été reportés sine die (révision de la réglementation sur le bien-être animal). Les autres textes (directive Émissions industrielles, loi sur la restauration de la nature) n’entreront en vigueur qu’après 2027. 

Amendements et force majeure 

Enfin, les États membres seront autorisés à modifier deux fois par an (contre une fois actuellement) leurs plans stratégiques nationaux. «Cela est nécessaire pour faire face plus rapidement aux situations changeantes des agriculteurs, y compris celles causées par des événements météorologiques défavorables», précise le projet de règlement. La Commission européenne est également en train de clarifier les conditions dans lesquelles elle autorise ces amendements car les États membres lui reprochent un manque de réactivité. 
L’ensemble de ce projet de révision devra être examiné par le Conseil de l’UE et le Parlement européen selon une procédure d’examen classique qui fera ensuite l’objet de négociations en trilogue en vue de conclure un accord entre les deux institutions pour entrée en vigueur espérée début 2025. 
Par ailleurs, la Commission européenne a déjà adopté, le 12 mars, un acte délégué (qui doit encore être validé par les colégislateurs) afin d’assouplir les exigences de la conditionnalité en ce qui concerne le maintien des prairies permanentes (BCAE 1). Ce texte offre la possibilité aux États membres d’ajuster, une fois au cours de la période de 2023-2027, le ratio de référence de 2018 concernant les prairies permanentes et de déroger à l’obligation d’imposer la reconversion de surfaces en prairies permanentes à des exploitations dans les cas où la diminution du ratio en deçà du seuil de 5 % n’est pas le résultat de la conversion de surfaces en terres arables ou cultures permanentes. Il s’appliquera rétroactivement à partir du 1er janvier 2024. 
Et la Commission européenne est aussi en train de finaliser une clarification juridique de la notion de «force majeure» et de «circonstances exceptionnelles» qui permet aux agriculteurs ne pouvant pas remplir toutes les exigences de la Pac, en raison d’événements exceptionnels échappant à leur contrôle, de ne pas se voir imposer de sanctions. 

Les prémices d’un «Egalim européen» 

Mais le nouveau paquet de mesures attendu le 15 mars comporte un deuxième volet portant sur les pratiques commerciales. Un document officieux sur «la position des agriculteurs au sein de la chaîne d’approvisionnement alimentaire : les prochaines étapes» détaillent la feuille de route que prévoit Bruxelles en la matière. Il est proposé de mettre sur pied un observatoire européen des coûts, des marges et des pratiques commerciales. Un appel à candidatures d’experts sera lancé en avril pour une première réunion en juin (la deuxième étant prévue en octobre). Cette instance se réunirait ensuite au moins deux fois par an, plus si nécessaire. Bruxelles prévoit également pour le mois d’avril une proposition d’amendement au règlement OCM de la Pac visant à renforcer l’encadrement des contrats signés entre les agriculteurs et leurs acheteurs (obligation de contrats écrits, mécanisme de conciliation...) ainsi que les organisations de producteurs. 
De plus, une proposition législative sur le renforcement des règles encadrant les pratiques commerciales déloyales transfrontalières serait présentée fin 2024 ou début 2025 afin d’agir sur les centrales d’achat agissant dans plusieurs États membres qui en profitent pour exploiter des failles légales et imposer des pratiques déloyales aux agriculteurs. C’est une demande du président Emmanuel Macron pour un «Egalim européen». La Commission européenne envisagera, suite à la publication d’un rapport d’évaluation complet de la directive d’application depuis quatre ans, de renforcer le pouvoir des autorités nationales, de même que la coopération entre États membres. «En moyenne, 20 % des produits consommés dans un État membre de l’UE viennent d’un autre État membre», souligne la Commission, mais ce chiffre est plus élevé pour les fruits et légumes, souligne Bruxelles. 
Si tout se passe comme prévu, en 2025, les agriculteurs pourraient disposer d’un cadre réglementaire totalement révisé et surtout débarrasser des nombreuses réglementations environnementales que la Commission européenne actuelle avait tenté de mettre en place depuis cinq ans.

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