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Pêcheurs de coques, vénette en main, sourire aux lèvres

Oubliée, l’affreuse saison précédente, où les coques étaient malades. Cette année est bonne, et les pêcheurs à pied ont retrouvé le moral. Immersion au cœur d’une activité particulière.

9h30, ce matin d’août, au centre conchylicole du Crotoy. Trois-cents pêcheurs à pied sont prêts à embarquer dans les remorques des tracteurs, équipés de cuissardes, vénettes, seaux et râteaux à dix dents. De belles coques bien dodues les attendent au gisement situé près de Saint-Quentin-en-Tourmont, à trente minutes de tracteur d’ici. Les coques ? Ici, les professionnels parlent de «hénon». Ce mollusque protège, à l’intérieur de deux coquilles renflées en forme de cœur et couvertes de nervures, une noisette de chair blanche et un corail orangé minuscule. Il lui faut trois ans pour atteindre la taille adulte.
Comme chaque jour depuis l’ouverture des gisements de la Somme, Yohan Derosière, pêcheur en mer professionnel et aussi pêcheur à pied, emmène une vingtaine de gars dans sa remorque.  Tous sont munis de trois sacs - rouges, noirs ou jaunes en fonction du mareyeur qu’ils livreront - qu’ils rempliront jusqu’à atteindre leur quota de 96 kg par jour. «Mon bateau est en réparation en ce moment. Alors heureusement que j’ai la pêche aux coques pour tirer un revenu pendant cette période», confie-t-il.
Dans l’équipe, les sourires sur les lèvres en disent long. «Cette année, la qualité est formidable, avec 27 % de chaire et une taille de 4 cm, précise Samuel Gamain, président de l’Association de défense des pêcheurs à pied. Et à 5 le kg, on n’a jamais connu de tels prix.» Mais cette année est bien exceptionnelle. «Il y a des années où on trime pour trois fois rien», assurent certains. 2018, par exemple, était bien triste. Les prix restaient très bas, et il fallait creuser pendant des heures pour ramasser quelques coques un peu chétives. Le mollusque était victime du vibrio, une bactérie qui s’attaque traditionnellement aux huîtres et aux moules. Huit coques sur dix étaient mortes.
Mais cette année, le moral est au plus haut. 10h, heure d’ouverture du gisement. Les tracteurs enclenchent la vitesse rapide et se rendent en file indienne jusqu’au lieu de pêche. Stationnement en épis le long de la mer, descente expéditive des hénonniers et du matériel. En quelques minutes, les pêcheurs, le dos courbé, ont envahi l’espace de quelques centaines de mètres carrés, et se mettent à ratisser, creuser, secouer. Un étonnant branle-bas de combat, où se mêlent le crissement du sable au claquement des coquilles les unes sur les autres. «Ce sont des fous», plaisante l’un d’entre-eux.
Les vénettes sont versées dans des seaux, qui eux-mêmes sont basculés dans les sacs. En quelques dizaines de minutes, les premiers filets sont pleins et sont chargés sur les vélos dépourvus de selle, qui servent à soulager le dos des pêcheurs jusqu’à la remorque. Pas le temps pour le bavardage, chacun est attelé à sa tâche. Certains pratiquent cependant l’activité en famille. «Nous venons aider mon beau-frère avec les enfants pendant les vacances, avance un gratteur. Cela lui permet de remplir son quota plus vite, et nous apprécions ce moment». Rappelé à l’ordre, l’altruiste se remet à ratisser.

Direction l’Espagne
Au bout d’une heure et demi, tous les sacs sont chargés et les vélos sont rattachés. L’équipe de Yohan Derosière prend deux minutes pour faire le point et griller une cigarette bien méritée. «La pêche était plutôt bonne. Pas besoin de creuser trop profond pour trouver les coques !» On s’entasse ensuite dans les bennes déjà bien pleines. Retour au parking du Crotoy, où les camions frigorifiques attendent leur précieuse cargaison. Car les petits coquillages, qui se dégustent grillés, cuits à la marinière, bien apprêtés à la crème, ou encore dans un beurre d’escargot, ne raviront pas les papilles des locaux. «Tout, ou presque, part en Espagne», affirme Samuel Gamain. En cause : la purification est obligatoire avant la vente. «Le centre conchylicole du Crotoy sert en priorité à purifier les moules. Celle des coques, plus longue, abîmerait les moules. Nous avons donc pour projet la construction d’un centre spécifique pour les coques.» Un outil qui permettrait une rémunération moins fluctuante des pêcheurs à pied, et qui apporterait le produit sur nos tables.

Treize ans d’attente pour une licence

Ils sont 450 pêcheurs à pied, dont 339 pour les coques, à détenir la précieuse licence délivrée par les Affaires maritimes de Boulogne-sur-Mer. Le passeport indispensable pour accéder aux gisements des côtes de la Manche, de la pointe extrême du Pas-de-Calais, jusqu’à Mers-les-Bains. Précieuse ? Le terme est approprié. «Il y a treize ans d’attente avant de pouvoir décrocher une licence», prévient Samuel Gamain.Il faut dire que si la Baie de Somme reste le principal lieu de production de coques en France, l’ensablement de la baie provoque l’assèchement des estrans, ce qui nuit à la reproduction des mollusques. La production, passée de 2 500 tonnes dans les années 1980 à 500 tonnes de nos jours, ne cesse de baisser, au désespoir des hénonniers. Les Affaires maritimes voudraient donc faire passer le nombre de pêcheurs à coques à 250. «Il faut cinq abandons de licences pour en délivrer une.» Et autant dire que les licenciés s’accrochent à leur autorisation comme une moule à son rocher !

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