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«Zéro phyto» ou l’insoutenable contradiction sociétale

L’opinion publique veut une agriculture sans produits phytosanitaires. Et pourtant, il ne suffit pas de le vouloir…

Une réduction brutale des phytos augmenterait le coût de production, soit une augmentation des prix à la consommation.
Une réduction brutale des phytos augmenterait le coût de production, soit une augmentation des prix à la consommation.
© D. R.


Depuis 1999, les agriculteurs ont réduit de près de 50 %, en volume, l’utilisation des produits phytosanitaires. Les substances les plus dangereuses ont été interdites et les procédures d’homologation exigent un haut niveau d’innocuité sur la santé et l’environnement. Malgré tout, l’opinion publique souhaite une agriculture exempte de produits phytosanitaires. Mais est-ce possible ?
A court terme, assurément non !
L’impact serait majeur sur la qualité des produits, le volume de production et la survie économique des exploitations, ainsi que des entreprises de transformation. Les bénéfices seraient très nettement inférieurs aux risques sanitaires, alimentaires, sociaux et économiques.
Contrairement à une idée véhiculée, il faut reconnaître que les solutions alternatives en grandes cultures ne sont pas suffisamment développées pour remplacer les techniques actuelles. A ce jour, au regard des 80 bioagresseurs identifiés en céréales, seules 9 substances de biocontrôle sont autorisées. Elles sont donc loin de couvrir tous les risques, et souvent avec un coût supérieur aux produits classiques pour une efficacité plus variable. La recherche doit donc se poursuivre et s’amplifier !
Une réduction brutale de l’usage des phytosanitaires augmenterait le coût de production, qui ne peut être compensé que par une augmentation des prix à la consommation, comme cela se produit aujourd’hui en agriculture biologique. Les consommateurs accepteraient-ils de payer plus cher l’alimentation issue du mode de production qu’ils souhaitent ?
Il faudra du temps pour réaliser l’objectif d’une réduction substantielle des pesticides et encore plus pour concevoir le «zéro phyto». L’obtention de variétés tolérantes aux bioagresseurs est la pierre angulaire de ce nouveau mode de production. Même si la sélection de variétés toujours plus résistantes est une réalité, il faudrait des décennies avec les méthodes actuelles pour arriver à des variétés exemptes de maladies fongiques. Les nouvelles technologies de sélection utilisant des ciseaux moléculaires pourraient permettre d’accélérer la sélection de variétés multirésistantes. La société acceptera-t-elle l’utilisation de ces outils ?

Donner du temps à l’innovation
La conception d’un autre mode de protection des cultures est en marche. Certaines innovations en matière de protection des plantes, encore en phase de recherche, pourraient permettre dans quelques années de réduire l’utilisation des produits phytopharmaceutiques. Citons à titre d’exemples : les stimulateurs de défense des plantes. Ils renforcent le processus d’autodéfense des plantes contre les bioagresseurs. Les produits autorisés et reconnus sur la liste biocontrôle en grandes cultures sont rares (un seul à l’efficacité variable), mais des travaux prometteurs existent dans la lutte contre le mildiou de la pomme de terre. Puis, l’écologie chimique. L’étude des composés volatils émis par les cultures laisse entrevoir de nouvelles techniques de lutte contre certains ravageurs, comme la bruche de la féverole, la pyrale du maïs ou encore les taupins. Mais pour l’instant, il s’agit de recherches dont les applications ne sont pas encore opérationnelles. Enfin, l’évolution des équipements agricoles et la robotique. Elles offrent de nouvelles perspectives pour lutter contre les adventices. Mais ces innovations se heurtent encore à des contraintes de base comme l’efficacité, le débit de chantier, la rentabilité.
Concrètement, le chemin vers la protection intégrée des cultures devrait connaître trois grandes étapes : à court terme, optimiser la protection des cultures en valorisant les résistances génétiques et les OAD disponibles ; à moyen terme, développer des innovations de rupture en cours de R&D, porteuses de solutions pour lutter contre les bioagresseurs avec moins de phytos et, à long terme, lever de nombreux freins techniques, économiques et sociétaux pour atteindre l’objectif «zéro phyto».
Le progrès génétique reste la pierre angulaire de ce scénario. Il faudra cependant, en tout état de cause, maintenir une phytopharmacopée minimale pour faire face aux crises, aux besoins de protection pour préserver la qualité sanitaire des aliments (ex. mycotoxines), aux développements parasitaires de type épidémique, qui peuvent en outre se développer plus rapidement suite au changement climatique. Le territoire français est déjà confronté à plusieurs bioagresseurs préoccupants : pyrale du buis, charançon du palmier, ambroisie, renouée du Japon, chrysomèle du maïs, nématodes du genre Méloidogyne, populations de taupins en évolution…

L’avenir est à la protection intégrée

Pour réduire l’utilisation des produits phytosanitaires, la solution passe par la combinaison de différentes techniques, dont l’emploi en dernier recours de pesticides. Différents leviers combinés entre eux peuvent offrir des perspectives de lutte d’une certaine efficacité : les variétés résistantes aux maladies, virus et/ou insectes ou à croissance compétitive par rapport au développement des adventices. C’est sans doute la pierre angulaire de la protection intégrée. L’allongement des rotations de cultures. Il permet de rompre le cycle de certains ravageurs, maladies et adventices.

Les auxiliaires de cultures. Leur présence peut être favorisée par l’agencement des éléments dans l’environnement de la parcelle et par les techniques de culture. Les pratiques culturales comme des dates de semis retardées, le travail du sol en interculture ou l’utilisation de couverts végétaux… Elles diminuent la pression de certains bioagresseurs (maladies fongiques telluriques, ravageurs du sol, viroses,…). Les outils d’aide à la décision. Ils donnent la possibilité de prévoir le risque lié aux maladies et aux ravageurs. Leur usage, associé à des variétés peu sensibles, permet d’éviter des traitements systématiques et donc d’économiser 15 à 30 % des traitements fongicides selon les cultures. Enfin, la lutte mécanique. Elle est possible pour détruire les adventices dans certaines cultures : binage ou hersage, couplé ou non avec le désherbage chimique sur le rang.

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