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Agriculteurs d’ailleurs, ils ont choisi de s’installer en Picardie

© AAP

Pierre Michels : agriculteur à Bray-sur-Somme et en Belgique

SOMME Arrivé au lieu-dit de Bronfay dans les années 1980, Pierre Michels cultive 88 ha et fait de l’élevage.

Presque trente ans qu’il est en France, mais Pierre Michels n’a pas perdu pour autant son accent d’origine. Qu’importe s’il est «toujours considéré comme un Belge», car «c’est une force commerciale», considère l’agriculteur du haut de ses 57 printemps. Puis, ce sont ses racines, celles qui lui font encore parler flamand avec son épouse et ses fils, celles aussi qui lui font écrire dans cette même langue dans le journal agricole belge Boer&Tuinder, auquel il n’a jamais cessé d’être abonné. «Venir d’ailleurs, c’est une richesse pour le territoire d’accueil», ajoute-t-il.
Une richesse, en effet, mais qui n’est pas toujours perçue de prime abord par les autres. Pierre et son épouse le savent bien. Or, l’ironie de l’histoire est que celui qui est toujours considéré comme un Belge est né à Comines, dans la partie française de cette ville. Son père et son grand-père ont maintes fois franchi la frontière, qui coupe cette ville en deux, pour développer leurs activités agricoles. Attiré par la terre picarde, le grand-père avait même fini par acheter dans les années 1930 une exploitation à Bray-sur-Somme, avant de repartir dans son pays. Ce sera finalement Pierre qui accomplira le projet du retour du grand-père.

«L’avenir, c’était la France»
Pierre n’avait pas prévu, au début de sa carrière, de quitter la Belgique. C’est le changement de destination des terres agricoles de son village en terrains à bâtir qui sonne le glas de tout projet de développement. Pierre aime son métier d’agriculteur, mais il ne peut réaliser tous les projets qu’il a en tête dans un périmètre contraint. «Il était préférable de partir. Comme j’étais né en France, je pouvais reprendre l’exploitation de mon grand-père. L’avenir, c’était la France, même si la ferme était en ruines. Il a fallu tout retaper. On avait peu d’argent alors», se souvient-il.
Les débuts sont durs. «On ne connaissait pas la terre. Ma femme ne parlait pas français. C’était vraiment difficile de s’intégrer dans un endroit aussi isolé. A cause de l’orthographe de mon nom, on nous prenait pour des Allemands. Conséquence : quand il y avait des réunions, on n’était jamais au courant», se souvient-il.
Mais l’homme n’est pas du style à baisser les bras. Pour être intégré, il «copie» les méthodes de travail des agriculteurs alentours. Il franchit une nouvelle étape, quelques années plus tard, en invitant tout le voisinage lors d’une fête chez lui. «C’est comme cela que j’ai commencé à me faire des copains. Aujourd’hui, je connais pas mal de monde. Alors, que l’on me considère toujours comme un Belge, cela ne me dérange pas», commente-t-il. D’autant qu’il a toujours gardé une activité agricole en Belgique.
Ici, sur les 88 ha de son exploitation, Pierre fait aujourd’hui de l’élevage de poulets et de poules pondeuses, ainsi que des cultures (blé, colza, luzerne, orge de printemps, pois de conserve, haricots, betteraves, pomme de terre, paille).

«Si c’était à refaire, je referais»
Reste qu’il est encore difficile d’acheter des terres en France quand on est considéré comme étranger. «Du coup, on s’est développé autrement, en faisant du commerce de paille avec la Belgique et les Pays-Bas», dit-il. Il a d’autres idées en tête. Pierre n’est pas près de s’arrêter, d’autant dans ce pays qu’il aime pour «sa liberté d’entreprendre, ce qui n’est pas le cas en Belgique», dit-il.
Pourtant, quand l’heure de la retraite sonnera, Pierre rêve de revenir en Belgique pour «la vie sociale de ce pays et son esprit communautaire. Mais Madame ne veut pas rentrer. Puis, les enfants sont ici. Il faut aussi reconnaître que c’est un beau coin», confie-t-il. Regretterait-il d’être venu ? «Si c’était à refaire, je referais. Je quitterai de nouveau la Belgique, et je viendrais m’installer ici.»
Florence Guilhem

Florian Strube : agriculteur à Estrées-Saint-Denis

Oise De nationalité allemande, Florian Strube a une exploitation de 260 ha en grandes cultures.

La production de semences est une affaire de famille : les Strube forment une très ancienne famille de Bavière, où ils gèrent plusieurs exploitations agricoles et travaillent depuis 110 ans dans la sélection de semences de céréales. «Mon grand-père était francophile et a travaillé pour son activité semencière avec la France après la Seconde Guerre mondiale», explique Florian, qui est arrivé en France en 2003. Il a aujourd’hui 38 ans.
Son installation en France est la conséquence indirecte de cette démarche de son grand-père, puis de son père, qui avait continué à travailler en tant que sélectionneur avec la France, un pays qu’il apprécie toujours pour son art de vivre et sa culture. Il a cherché, à partir de 1985, à acheter en France une exploitation agricole, qu’il a été difficile et très long à trouver. C’est finalement un courtier français qui lui a proposé plusieurs exploitations, dont celle située à Estrées-Saint-Denis. La vente fut conclue fin 1990.
«Dès mon plus jeune âge, j’ai préféré la France», explique Florian. Logiquement, dès qu’il a pu apprendre une langue étrangère, l’option du français a été prise. Il a complété sa formation d’ingénieur agricole par la formation continue. Arrivé en France en 2003, il a d’abord travaillé chez Deleplanque dans le domaine des semences de betteraves. Puis, de 2004 à 2012, il a été co-gérant de Saaten Union Recherche. Entre-temps, en 2007, son père lui a transmis l’exploitation agricole. L’essentiel des travaux à la ferme est réalisé par un chef de culture, avec lequel Florian Strube fait le point tous les matins pour organiser les travaux.

Une intégration réussie
L’agriculteur participe aussi à des chantiers en plaine avec des agriculteurs voisins. Ensemble, ils ont d’ailleurs acheté du matériel en copropriété. «En 2008, un de mes voisins, qui avait créé un groupe technique au niveau de la Plaine d’Estrées, m’a proposé de les rejoindre. Cela m’a apporté de nombreux contacts, et même des amitiés. Ce groupe d’échanges n’existe plus, mais les contacts sont restés», dit Florian. Ces contacts permettent aussi des échanges réguliers de terres, par exemple pour la production chez lui de pommes de terre par un voisin, ou pour la multiplication des semences par lui chez d’autres. Ces accords gagnant-gagnant permettent des rotations longues et une meilleure gestion des risques sanitaires.
De ces échanges, Florian a compris tout l’intérêt de l’esprit coopérateur. «Quand je suis arrivé en France, je n’étais pas du tout coopérateur. Mais, aujourd’hui, je suis 100 % avec la coopérative Agora pour l’achat des intrants et la vente des céréales. Et, au sein de cette coopérative, suite à une formation «atout jeune» qu’elle a initiée, j’ai pu prendre des fonctions dans des commissions», raconte-t-il.

Diversification
La gestion de sa ferme, et les «coups de main» qu’il donne dès qu’il y a besoin, ne donnent pas une activité suffisante à ce bouillant chef d’entreprise. Dans sa ferme, il a donc également développé des activités immobilières (location de bureaux gîtes et chambres d’hôtes) et de la production d’électricité, grâce à l’installation de panneaux photovoltaïques. Daniéla, son épouse, qui est également de nationalité allemande, est venue ajouter encore sur cette ferme un centre équestre, composé de 35 à 40 poneys et chevaux en permanence. La dernière activité créée est celle du compostage, fait avec le fumier du centre équestre et de celui de Compiègne.
Les mêmes possibilités de diversification d’activités n’auraient pas être possibles dans l’ex-Allemagne de l’Est, selon lui. S’installer en France, il n’y avait donc pas meilleur choix.
Bernard Leduc

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