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Alexis Ducousso, lauréat en 2016 du Challenge du sylviculteur

Chercheur à l’Inra, Alexis Ducousso a développé une approche innovante dans la gestion de sa forêt. Explications.

Docteur en biologie et génétique des populations végétales, il gère la propriété forestière familiale de 68 ha à Hébécourt.
Docteur en biologie et génétique des populations végétales, il gère la propriété forestière familiale de 68 ha à Hébécourt.
© AAP


On pourrait croire en se promenant à ses côtés dans la propriété forestière familiale de 67,5 ha, située à Hébécourt, que ce généticien des populations au département Environnement, forêts, prairies naturelles et milieux aquatiques de l’Inra, a une certaine parenté avec le professeur Tournesol. Mais son air rêveur et son regard émerveillé sur les arbres ne diminuent en rien son sens de l’observation. Rien n’échappe à cet œil aiguisé. Ainsi était-il déjà adolescent quand il arpentait la propriété de long en large, selon sa famille.
Un sens de l’observation et des connaissances qui vont le conduire à trouver une gestion innovante de la propriété forestière face aux changements climatiques, remettant en cause jusqu’à son existence si rien n’est anticipé en ce sens. Sa démarche, à la fois écologique, économique et sociale, lui a valu d’être lauréat au concours du Challenge du sylviculteur de l’année 2016, dans la catégorie Innovation.
Petit retour en arrière. Cette forêt, propriété de la famille depuis 1792, a été ravagée en 1940 lors de la bataille d’Amiens. Pas mal d’espèces ont été décimées. En 1978, Alexis Ducousso, en parallèle de sa vie professionnelle, décide alors de gérer la propriété forestière pour assurer la restauration des peuplements forestiers. Il met en place un premier plan de gestion, avec les techniques les plus classiques, faute de moyens économiques suffisants. Pour aller plus loin et réduire les coûts de cette conversion, il imagine de coupler à ces techniques des mécanismes écologiques. Ce qui l’oriente dans des choix d’espèces, essentiellement autochtones, et des coupes sur des petites surfaces et non des grandes pour régénérer la forêt tout entière.

Dynamiser au mieux la sylviculture
«L’idée, outre la restauration de peuplements forestiers, c’était aussi d’assurer l’adaptation au changement climatique en dynamisant la sylviculture, en diversifiant les peuplements et en pratiquant la migration assistée au niveau des espèces», précise Alexis Ducousso. Pas moins de vingt-cinq espèces sont représentées, les principales étant le tilleul, le bouleau, le charme, le chêne sessile, le hêtre, etc. Volontairement, les peuplements sont mélangés. Par la pratique du martelage, les arbres dits «d’avenir» sont préservés. «Quand une espèce n’est pas commune dans un endroit, on cherche à la maintenir, en enlevant tout autour les arbres qui pourraient gêner leur croissance», indique-t-il. Et pour que les arbres gagnent en stabilité afin de mieux résister aux changements climatiques, la surface terrière est passée de plus de 20 m2 à 14 m2 et le nombre de tiges à l’hectare réduit.
Pour ce qui est de la migration des espèces, pratiquée sur la propriété depuis 2003-2004, des espèces nouvelles ont été plantées. «Ce sont des espèces qui ne sont pas d’ici, mais qui arriveront ici avec les changements climatiques. Si le poirier était cependant déjà présent, le cormier, lui, ne l’était pas. Nous avons aussi planté des cerisiers de Sainte Lucie et des chênes pubescents», détaille-t-il.
Dix ans après, l’expérimentation présente des résultats probants. Il n’empêche. Si les changements climatiques ne manqueront pas d’arriver, et arrivent déjà d’ailleurs, la difficulté de définir ce que seront la pluviométrie, les températures et les émissions de gaz à effet de serre, pour ne citer que ces trois paramètres, font qu’il est difficile d’établir un scénario «gagnant». «C’est un pari sur l’avenir», reconnaît Alexis Ducousso. Mais entre rien faire et agir, lui a choisi.

Un volet social et économique
Dynamiser la sylviculture et anticiper les changements qui ne manqueront pas de se produire passent aussi par un volet social. «Afin de réduire le problème de l’équilibre sylvocynégétique, qui permet une régénération naturelle de la forêt, un dialogue a été noué avec les représentants des chasseurs et des propriétaires forestiers», explique le chercheur. Des échanges avec les élus de la commune (une visite de la forêt était organisée le 30 avril dernier pour eux, ndlr), des associations environnementales, des écoles, des particuliers de la commune ou encore des forestiers ont été mis en place. «Une partie des bois est exploitée en bois de chauffage par les habitants, par le biais d’une relation contractuelle que nous avons établie», dit-il.
Cette dimension, pour le coup économique, se retrouve aussi dans l’intégration de la propriété dans une coopérative, la CF2A (Coopérative forestière d’Amiens et d’Arras), avec laquelle il met aussi en œuvre son plan de gestion.

Le concours
Le concours a été initié en 2016 par le Forum Forêt, mise en place lors de la Cop 21, et dont l’objectif est de promouvoir des initiatives innovantes et des bonnes pratiques dans le domaine forestier en tenant compte des changements climatiques annoncés. Ce concours se compose de quatre catégories : innovation, jeunesse, mobilisation du bois et social. Les prix ont été remis le 15 avril dernier à la Maison de la Chimie, à Paris.


Une forêt pilote pour le CRPF

Expérimentation


A la demande du Centre régional de la propriété forestière Nord-Picardie, cette propriété va devenir une forêt pilote.

Parmi les critères constitutifs d’une ferme pilote pour le Centre régionale de la propriété forestière Nord-Picardie (CRPF), l’investissement du propriétaire dans la gestion de sa forêt, son ouverture à essayer de nouveaux outils testés à l’échelle nationale, comme sa capacité à vulgariser sa gestion forestière à d’autres propriétaires sont des éléments clés. Alexis Ducousso les réunit sans conteste.
Parmi les nouveaux outils qu’il a testés, il y a notamment l’indice de la biodiversité potentielle permettant de calculer, au travers du peuplement forestier, la richesse et la suffisance de la biodiversité. Ou encore l’indice sur les changements climatiques, l’une des priorités du CRPF Nord-Picardie.
C’est pour cela que celui-ci a expérimenté dans ce bois le marteloscope (marquage des arbres à abattre), la placette (plantation de chênes où est mesurée la santé des arbres), ou encore l’intégration de nouvelles essences tel que le cormier.

En savoir plus : www.crpfnorpic.fr

Une région relativement peu boisée, des essences spécifiques
La surface forestière de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie représente 428 000 hectares, soit 2,5 % de la surface boisée nationale. Les trois quarts de cette surface se situent en Picardie. Le taux de boisement est de 8,3 % en Nord-Pas-de-Calais et de 16,8 % en Picardie alors qu’il atteint 30 % à l’échelle nationale.Les principales essences composant cette forêt sont des feuillus (chêne, hêtre, frêne, peuplier, etc.) et représentent 92 % des surfaces boisées. La croissance de la forêt est 30 % plus élevée en région qu’en moyenne nationale, avec 7,5 m3 par hectare et par an contre 5,8 m3. L’IGN estime le taux de prélèvement de cette production à 51 %, ratio équivalent à la moyenne nationale. Néanmoins, si cette ressource est renouvelable, elle est par contre limitée et fragile. Elle doit donc faire l’objet d’une gestion rigoureuse et économe afin d’en permettre le développement durable. C’est pourquoi, un second contrat de filière a été signé le 7 juillet 2015 par les deux conseils régionaux du Nord-Pas-de-Calais et de Picardie, par Nord Picardie Bois, par les partenaires du Pôle d’excellence régional bois et par l’ensemble des acteurs de la filière.



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