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Après quotas lait : entre opportunité et acceptation de la volatilité

La volatilité des prix sera difficile à gérer pour les producteurs. Mais la demande internationale en pleine croissance est une opportunité à saisir à certaines conditions.

La France doit réussir le changement de paradigme entre l’encadrement institutionnel auquel les éleveurs ont été habitués et la soumission au prix du marché.
La France doit réussir le changement de paradigme entre l’encadrement institutionnel auquel les éleveurs ont été habitués et la soumission au prix du marché.
© Emeline Bignon

Le marché de la consommation de lait étant mature au sein de l’Union européenne, l’augmentation de la production qu’entraînera la fin des quotas laitiers le 31 mars prochain devra s’orienter vers les débouchés des pays tiers. La Chine pourrait par exemple voir exploser sa demande en produits laitiers de plus de 50 % d’ici 2022, estime Agritel. Ces perspectives sont de réelles opportunités pour les éleveurs européens, premiers producteurs de lait au niveau mondial.

L’Europe du nord plus optimiste que la France
D’autres facteurs jouent en leur faveur : la Nouvelle-Zélande a atteint sa capacité de production maximum, obligeant la Chine, son client historique, à s’approvisionner plus à l’ouest. Les producteurs européens et plus particulièrement français sont par ailleurs mieux positionnés sur les produits plus techniques, comme le fromage ou la poudre de lait infantile. Néanmoins, une importante disparité demeure en fonction des pays de l’UE. Certains comme l’Allemagne ou les Pays-Bas n’ont pas hésité à dépasser leurs quotas en contrepartie des superprélèvements. A l’horizon 2020-2022, l’Allemagne, premier exportateur européen, pourrait selon Agritel augmenter sa production de 20 % et les Pays-Bas, troisième exportateur, de 16 %. Quant à l'Irlande elle espère aller jusqu'à 50% d'augmentation.
La France, deuxième exportateur européen mais restée en dessous de son quota, pourrait produire 12 % de lait supplémentaires. Elle a de nombreux atouts (conditions pédoclimatiques, terroir favorable, logistique…), mais il lui faut réussir le changement de paradigme entre l’encadrement institutionnel auquel les éleveurs ont été habitués et la soumission au prix du marché.

Investissement et restructuration
L’arrêt des quotas lève en effet les filets de sécurité qui limitaient les effets de la volatilité des prix. D’autant que les producteurs doivent composer avec une réglementation différente selon les pays, comme des charges sociales plus élevées en France.
La France doit aussi travailler sur la valorisation : «les consommateurs sont habitués à payer le café au bar du coin au prix de trois litres de lait», déplore ainsi Michel Nalet, directeur des relations extérieures chez Lactalis, intervenant aux rencontres Saf Agr’iDay le 21 janvier. Ce dernier note tout de même que si les entreprises n’étaient pas confiantes en l’avenir de la filière, «il y a longtemps qu’elles auraient désinvesti, or ce n’est pas le cas».
Du côté de la production, une partie des éleveurs a également anticipé les investissements, dans les bâtiments et équipements, néanmoins «des producteurs ne pourront pas s’en sortir», prévient Jean-Marie Séronie, agro-économiste, intervenant à Saf Agr’iDay. On constate déjà en France les prémisses d’une fracture régionale, la production laitière se concentrant sur deux zones, la Bretagne et le Nord.
Pour les coopératives qui légalement doivent accepter tout le lait apporté par leurs coopérateurs, la fin des quotas donne également lieu à des stratégies d’anticipation. Sodiaal a par exemple mis en place depuis quelques années un système de triple prix : un prix A, avantageux, est versé jusqu’à un volume calculé sur une référence de production de l’éleveur. Au-delà, un prix B lié au marché est payé, là encore jusqu’à un certain seuil qui, dépassé, engendrera le versement d’un prix encore inférieur à but dissuasif.

Nouveaux outils et compétences
Alors que les outils de gestion de crise s’avèrent limités au niveau communautaire, les éleveurs laitiers doivent donc affiner leur stratégie pour amortir les effets des fluctuations. En Allemagne, les producteurs mettent ainsi en place des cultures spécifiques à la production de biogaz et peuvent ainsi compter sur un revenu complémentaire qui leur permet de supporter la vente de leurs autres productions à prix coûtant dans les périodes où les prix sont bas.
Pour Jean-Marie Séronie, la question est bien «d’apprendre à vivre avec la volatilité», en réunissant certaines conditions : être compétitif, profiter des bons coups et utiliser le cash-flow correctement, et avoir une trésorerie suffisante pour résister aux crises. La palette de compétences nécessaires pour y parvenir s’élargit nécessairement, mais les producteurs peuvent compter sur les progrès techniques, des solutions d’accompagnement individuel plus précises ou encore sur de nouveaux outils comme les marchés à terme (voir encadré).
Un besoin accru de compétence qui conduit aussi les éleveurs à chercher des alliances ou à se regrouper en forme sociétaire pour se répartir les taches sur l’exploitation en fonction de leur spécialité. Avec en filigrane un débat plus général dont témoigne Philippe Faucon, vice-président de la chambre d’agriculture de la Manche : «la restructuration doit être gérée avec l’acceptation sociale», difficile, de ces exploitations souvent plus grandes que les exploitations familiales traditionnelles.

Trois nouveaux contrats à terme pour la filière lait

Euronext, marché européen de référence sur les matières premières agricoles, lancera au printemps un «complexe» laitier de trois nouveaux contrats sur les marchés à terme : beurre, poudre de lait écrémé et poudre de lactosérum, pour créer un prix européen de référence sur le lait et permettre aux éleveurs de s’assurer contre la volatilité des prix. Déjà utilisés en Nouvelle-Zélande ou aux Etats-Unis, les marchés à terme pour le lait ne sont pas dans les habitudes européennes et nécessiteront un besoin de formation et de pédagogie, explique Nicholas Kennedy, d’Euronext, rappelant qu’il a fallu plusieurs années pour que ce type de contrat se développe dans les grandes cultures.

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