Aller au contenu principal

Ce qu’il faut retenir de l’examen de la loi Egalim 2 au Sénat

Portée par le député Grégory Besson-Moreau, la proposition de loi visant à protéger le revenu des agriculteurs, dite Egalim 2, a été examinée par le Sénat les 21 et 22 septembre, qui a procédé à de sensibles modifications. Une commission mixte paritaire (CMP) se tiendra le 4 octobre afin de trouver un compromis rapide entre les deux chambres en vue d’une application du texte dès les prochaines négociations commerciales annuelles. 

Le député (LREM) de l’Aube, Grégory Besson-Moreau (à gauche), est allé sur le terrain pour élaborer son projet de loi.  Ici, à Bonnelles (Yvelines), le 23 mars, en visite à l’exploitation de Nicolas Trébouta.
Le député (LREM) de l’Aube, Grégory Besson-Moreau (à gauche), est allé sur le terrain pour élaborer son projet de loi. Ici, à Bonnelles (Yvelines), le 23 mars, en visite à l’exploitation de Nicolas Trébouta.
© Marine Guillaume/Horizon

Les sénateurs ont adopté la proposition de loi visant à protéger le revenu des agriculteurs, dite Egalim 2, lors de la séance publique du 22 septembre. Seul le groupe communiste s’est abstenu. Pour rappel, la version initiale de la proposition de la loi Egalim 2 instaurait les grands principes suivants : faire de la contractualisation pluriannuelle la norme entre le producteur et son premier acheteur en se basant sur les coûts de production. Ensuite, la part agricole du produit alimentaire est «soclée» et devient non-négociable dans les négociations commerciales annuelles entre la grande distribution et ses fournisseurs. Un comité de règlement des différends commerciaux agricoles vient également s’ajouter à la médiation, en amont de la saisie d’un juge. 

La transparence, un «point très délicat» 

Par rapport à la version de l’Assemblée Nationale, les sénateurs ont intégré l’encadrement des marques de distributeur, augmenté le volume de matières premières agricoles pouvant bénéficier du principe de non-négociabilité en supprimant le seuil minimal de matières agricoles. Ils ont aussi instauré une clause de renégociation en fonction de l’évolution du prix de l’énergie, du transport, ou des emballages. Les élus ont également allégé le principe de transparence des matières agricoles afin «d’éviter que les fournisseurs ne soient contraints de dévoiler leurs marges aux distributeurs». 

En vue de la commission mixte paritaire (CMP) qui se tiendra le 4 octobre, la présidente de la commission des affaires économiques, Sophie Primas, a «assuré être prête à faire un pas vers l’Assemblée Nationale». Elle a toutefois prévenu que «la transparence totale» quant à la façon dont le prix payé en amont pour les matières premières agricoles est pris en compte dans les conditions générales de vente (indication de prix unitaires, de prix agrégés pour toute la matière alimentaire ou encore recours à un tiers indépendant) et demeure «un point très délicat pour nous car elle a pour effet de tirer les prix vers le bas et de fragiliser les industriels». 

Pour le ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, il y a certes des «points de désaccord», mais «il faut arriver à faire converger tout cela». Le ministère relève «l’ambition partagée de tous d’aboutir à une CMP conclusive début octobre en vue d’une publication du texte fin octobre». L’objectif : le rendre applicable pour les prochaines négociations commerciales annuelles. 

Conforter la place des industriels 

Les sénateurs ont adopté une série d’amendements visant à renforcer la place des industriels dans les filières alimentaires. Les élus ont adopté des amendements créant une clause de renégociation des contrats entre la grande distribution et leurs fournisseurs «en fonction de l’évolution du prix d’intrants, comme le transport, l’énergie et les emballages. Il y a un risque que la négociation commerciale se reporte sur d’autres sources de coût dès lors qu’elle ne pourra plus porter sur les matières premières agricoles», ont-ils argumenté. 

Sur le volet marques de distributeur (MDD), la Chambre haute a souhaité également protéger davantage le fournisseur. Les sénateurs ont adopté un amendement obligeant le distributeur à prévenir «dès lors qu’il a connaissance» le fabricant de MDD «de tout écart à venir entre le volume prévisionnel mentionné dans le contrat qui les lie et le volume qu’il entend effectivement acquérir». Les élus ont également instauré un régime de sanction en cas de non-respect des nouvelles dispositions liées MDD (durée minimale, clause de révision automatique des prix, volume prévisionnel, clause de répartition des coûts, etc.) 

De plus, un amendement prévoit que les distributeurs devront payer plus rapidement leurs fournisseurs. «Les délais de paiement indiqués sur les factures émises par les distributeurs ne peuvent être inférieurs aux délais de paiement indiqués sur les factures émises par les fournisseurs», précise le nouvel alinéa de la PPL. Les distributeurs devront enfin «prendre en compte, dans la détermination du prix, les efforts d’innovation du fournisseur». 

Rétropédaler sur l’arbitrage du médiateur 

Après un long débat, les sénateurs ont décidé de revenir sur la décision de la commission des affaires économiques de donner un rôle d’arbitre au médiateur des relations commerciales agricoles. Malgré les appels répétés du gouvernement («Je vais retenter ma chance pour vous convaincre», insistait Julien Denormandie) et du groupe socialiste, ils ne sont toutefois pas revenus à la version initiale de l’article 3 qui met en place le comité de règlement des différends commerciaux agricoles votée à l’unanimité par l’Assemblée Nationale. Dans la version sortie du Sénat, seules les parties au litige peuvent saisir ce comité. Or, le gouvernement souhaite que le médiateur puisse également être saisi en cas de médiation non conclusive. Selon toute vraisemblance, cet article sera réécrit lors de la CMP. 

Le palais du Luxembourg est également revenu à la version de l’Assemblée Nationale pour l’article 3 bis interdisant l’utilisation d’un symbole représentatif de la France sur un produit alimentaire dont les ingrédients primaires n’ont pas une origine française. Ils y ont toutefois ajouté une subtilité : ne seront pas concernés «les ingrédients primaires dont l’origine France est difficile, voire impossible à garantir, car issus de filières non productrices en France ou dont la production est manifestement insuffisante sur le territoire». 

De plus, afin de laisser la possibilité aux industriels de «valoriser la transformation réalisée en France», les élus ont introduit dans le texte la mention «Savoir-faire français» qui pourra être apposée sur des produits «dont la fabrication est effectuée en France sans que le ou les ingrédients soient obligatoirement produits en France» à condition que la «transformation et la fabrication attestent d’une qualité et d’un savoir-faire français». 

Sortir les fruits et légumes frais du SRP

Enfin, les sénateurs ont adopté, après un avis de sagesse de la rapporteure et défavorable du ministre de l’Agriculture, des amendements visant à sortir les fruits et légumes frais du dispositif de relèvement de 10 % du seuil de revente à perte (SRP) tel que le prévoyait la loi Egalim et dont l’expérimentation a été prolongée par la loi Asap. «La revalorisation de 10 % du SRP s’est traduite pour les agriculteurs producteurs de fraises, de tomates, de concombres et autres par une baisse directe de ce même montant de leur rémunération», a défendu le sénateur Les Républicains Laurent Duplomb. Les coûts se chiffrent de 16 à 20 millions d’euros pour la filière pomme et à plus de 8 millions d’euros pour la tomate grappes, selon l’élu breton. 

«L’approche sectorielle me chagrine», lui a rétorqué le ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, assurant qu’une telle exemption «renforcera la guerre des prix».

 

FNSEA et JA saluent les «évolutions» de la loi Egalim 2 

Adoptée par les sénateurs, la proposition de loi relative à la rémunération des agriculteurs (Egalim 2) doit maintenant être examinée par la Commission mixte paritaire (CMP), composé de sept députés et de sept sénateurs. La FNSEA et JA ont salué le 24 septembre, «les points d’évolution majeurs portés par les deux Chambres». Les deux organisations «comptent maintenant sur la sagesse des parlementaires pour conserver toute l’ambition du texte lors de la commission mixte paritaire, en particulier au sujet de la transparence dans les négociations commerciales dont l’ambition initiale est affaiblie». FNSEA et JA espèrent que la CMP conservera la disposition législative permettant que les produits vendus sous marques de distributeurs, qui représentent une part importante de la production agricole, soient mieux encadrés contractuellement et rentrent enfin dans le champ de la loi Egalim. Les deux syndicats espèrent surtout que le texte sera amendé pour qu’il puisse faire apparaître dans les conditions générales de vente, le prix de chaque matière première agricole, autrement dit «fixer le prix en marche avant» comme FNSEA et JA le réclament depuis de nombreux mois. «C’est le seul moyen de rendre le dispositif pleinement efficace et de mettre fin à ce jeu de dupes des négociations commerciales.» Ces dernières doivent s’ouvrir dans les prochains jours. Christiane Lambert n’a pas manqué de souligner, en clôture du 75e congrès de la FNSEA, «les fortes tensions» qui commencent à monter dans ce domaine.
Sous-titre
Vous êtes abonné(e)
Titre
IDENTIFIEZ-VOUS
Body
Connectez-vous à votre compte pour profiter de votre abonnement
Sous-titre
Vous n'êtes pas abonné(e)
Titre
Créez un compte
Body
Choisissez votre formule et créez votre compte pour accéder à tout {nom-site}.

Les plus lus

Qualipom événement pommes de terre
Qualipom’ 2025 : la filière pomme de terre se donne rendez-vous le 26 juin à Villers-au-Flos

Le salon régional dédié à la pomme de terre revient pour une 10ᵉ édition très attendue, le 26 juin 2025 à …

plaine en fête Saint-Valery-sur-Somme baie de somme
Plaine en fête à Saint-Valery : cap sur 15 000 visiteurs fin août

Les Jeunes Agriculteurs de la Somme préparent activement le grand rendez-vous agricole de l’été, les 30 et 31 août 2025, face…

moratoires gibier d'eau Pannier-Runacher chasse Willy Schraen CNCFS
Les chasseurs de gibier d’eau très remontés contre leur ministre de tutelle

Alors que les scientifiques européens recommandent la prudence sur seulement trois espèces d’oiseaux migrateurs, le ministère…

taureau accident prévention Corrèze insémination
Une stagiaire de 19 ans tuée par un taureau sur une exploitation

Jeudi 26 juin à Masseret (Corrèze), une jeune femme en formation avec un inséminateur a perdu la vie après avoir été…

Le vote des planteurs de betteraves livrant à Saint louis Sucre pour la désignation des membres de la commission interprofessionnelle de Roye (80) est ouvert  en ligne jusqu’au 11 juillet.
Commission Interpro de la sucrerie de Roye : la CGB bat le rappel pour ses candidats

Les planteurs qui ont signé un contrat de livraison de betteraves avec Saint Louis Sucre pour la campagne 2025 ont jusqu’au 11…

Lors du repas champêtre, l’association a vendu une quarantaine de kilos de pommes de terre.
Récoltée à la main, cette pomme de terre ne se déguste qu’en baie de Somme

L’association des paysans du sud de la baie de Somme a marqué le lancement de la campagne de sa pomme de terre primeur en…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 9.90€/mois
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site Action Agricole Picarde
Consultez les versions numériques de l'Action Agricole Picarde et du site, sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce aux newsletters de l'Action Agricole Picarde