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Filière lait
Climalait : en route vers l’adaptation au changement climatique

Des températures moyennes plus élevées, des vaches en stress thermique, une quantité de fourrage moins régulière… Les conséquences du changement climatique sont bien réelles pour les élevages. Le Criel déploie son programme Climalait pour y répondre.

En région, une des conséquences du changement climatique sera la pousse de l’herbe stimulée au printemps et à l’automne, mais ralentie l’été. Le programme Climalait doit donner les clés aux éleveurs pour en tirer meilleur profit.
En région, une des conséquences du changement climatique sera la pousse de l’herbe stimulée au printemps et à l’automne, mais ralentie l’été. Le programme Climalait doit donner les clés aux éleveurs pour en tirer meilleur profit.
© Pixabay

Il fait globalement plus chaud, et donc la végétation connaît un développement de plus en plus précoce. Les étés secs devraient être de plus en plus nombreux, et donc le pâturage du mois d’août sera de moins en moins évident. Ok, alors comment perdurer l’élevage laitier dans notre région ?
C’est tout l’enjeu du programme Climalait, «pour l’adaptation des élevages laitiers au changement climatique», initiative du Cniel que le Criel Nord-Picardie-Ardennes déploie en région. Sa présentation avait lieu en visioconférence ce
9 mars. «Climalait, c’est une continuité logique du programme de la ferme laitière bas-carbone que nous menons. Nous devons comprendre les changements inscrits, analyser leurs conséquences, et définir les leviers qui nous permettent de pérenniser notre activité», résume Frédéric Hennart, président du Criel. 

Les études ont d’abord été menées dans le territoire pilote du boulonnais (62). «Nous pouvons constater que dans ce secteur, les températures moyennes grimpent, et que les phénomènes de stress des plantes s’amplifient», note Didier Halleux, élu du Criel. Cette augmentation des températures n’aura pas que des effets négatifs : l’une de ses conséquences sera la pousse de l’herbe plus précoce, et donc la possibilité d’une mise à l’herbe plus tôt. «Aujourd’hui, la date à laquelle on atteint une somme de températures de 300 °C se situe aux alentours du 25 mars. Elle pourrait passer aux alentours du 10 mars à l’avenir.» La pluviométrie, néanmoins, devrait être plus élevée. «cette herbe de printemps pourrait donc être utilisée dans de bonnes conditions certaines années seulement.» Dès la fin du printemps et tout l’été, les simulations montrent une croissance de l’herbe ralentie. Mais les conditions automnales, elles, permettraient une reprise de la croissance de l’herbe à l’automne. «Au total, la quantité d’herbe produite sur l’année serait en augmentation. À nous de savoir en tirer profit.» 

Les autres cultures fourragères réagiront aussi à ces changements. Les rendements de la luzerne, par exemple, devraient être à la hausse. «Mais la variabilité interannuelle est toujours aussi marquée», remarque Didier Halleux. «En moyenne, dans la période 2010-2039, la première coupe interviendrait environ dix jours plus tôt que par le passé. On gagnerait presque une semaine de plus dans la période 2040-2069, et encore quinze jours supplémentaires dans la période 2070-2099», précise le rapport du Criel. Quant aux rendements du maïs, leur variabilité devrait être encore plus grande, avec une floraison et une récolte toujours plus précoce. «La constitution de stocks fourragers sera indispensable.»

 

Alimentation, bien-être et sols

Concrètement, le déploiement de Climalait dans nos départements se fera en trois axes : l’alimentation, le bien-être animal et les sols. «Le bien-être concernera la conception des bâtiments pour qu’ils puissent mieux encaisser les variations de température, et l’agroforesterie, puisque les arbres permettent de diminuer l’impact thermique au paturage. Concernant les sols, nous voulons aborder les techniques qui offrent plus de résilience face aux aléas climatiques», précise Julien Lenne, du Criel. Formations des conseillers et des éleveurs, réunions d’information, documentation ou encore groupes d’échange doivent être animés dès les semaines à venir. 

 

Quelles pratiques en élevage ? 

Pour concrétiser son plan, le Criel Nord-Picardie-Ardenne présentait l’étude d’un cas concret. 

Le système étudié est celui d’un des éleveurs du groupe du territoire pilote du Boulonnais. «Il s’agit d’une ferme de 105 ha de SAU, dont 64 ha de SFP (42 ha de prairies et 22 ha de maïs ensilage). On trouve également des cultures de vente (céréales, colza, féverole)», présente Benoît François, du Criel. Le troupeau est constitué de 80 VL à 7 500 kg de lait. Trente génisses sont élevées chaque année. La ration des VL est composée pour moitié de maïs toute l’année, complétée en hiver par de l’ensilage d’herbe, des pulpes de betterave surpressées et de la paille, et en été par de l’herbe pâturée et des pulpes de betterave. La ration des génisses est constituée d’ensilage d’herbe, de pulpes de betterave et de paille en hiver, et d’herbe pâturée en été. Ce système nécessite 95 t/MS de pulpes de betterave surpressées, 60 t de tourteaux de soja, 20 t de céréales et 190 t de paille. Le chargement corrigé s’élève à
1,8 UGB/ha SFP. 

Entre 2030 et 2050, selon les prévisions, le rendement du maïs devrait augmenter (+ 27 t/MS au total, soit + 1,2 tMS/ha), tandis que les rendements des ensilages d’herbe restent constants, mais plus précoces. L’herbe disponible pour le pâturage augmente au printemps et au début de l’été, mais un léger déficit apparaît en fin d’été. «Des modifications pourraient être envisagées, comme diminuer les surfaces en maïs de 2 ha et pratiquer des reports d’herbe sur pied en fin de printemps-début d’été, mais l’éleveur préfère réorienter le système pour allonger les rotations et augmenter la productivité par vache.» Les surfaces en maïs ont été réduites de 22 à 10 ha, et des prairies temporaires ont été introduites. Les surfaces destinées au pâturage des VL ont été augmentées pour limiter la complémentation au printemps. Des betteraves fourragères sont également introduites pour remplacer une partie des pulpes surpressées. Les rations ont ensuite été ajustées : une partie de l’ensilage de maïs distribué aux vaches est remplacée par de l’ensilage d’herbe, et les betteraves sont distribuées en hiver, après leur récolte. La ration des génisses reste inchangée. Les effectifs sont réduits à 70 VL à 9000 l, et 24 génisses de renouvellement. La consommation globale de tourteaux de soja diminue de 15 % tandis que la consommation de céréales double pour remplacer l’énergie apportée par le maïs. Le chargement corrigé diminue légèrement, à 1,7 UGB/ha SFP. «Ce système, plus herbager, risque de demander plus de travail car il implique de récolter régulièrement l’herbe des prairies. L’équilibre des rations pourrait être plus difficile à atteindre, car les ensilages réalisés à différentes périodes et sur différents types de prairies n’ont pas la même valeur alimentaire», prévient Benoît François. 

Quelles conséquences en cas d’année avec aléas, avec un printemps précoce mais pluvieux qui retarde la mise à l’herbe, les premières récoltes d’herbe et les semis du maïs, suivi d’un été particulièrement chaud ? Sans adaptation, il manquerait 31 t/MS d’ensilage d’herbe, 13 t/MS de maïs, et de l’herbe pour le pâturage en été (l’équivalent de
12 t/MS). La qualité des premières coupes serait médiocre. La betterave, elle, serait peu affectée car elle peut être semée tardivement sans impact fort sur le rendement. «En pratiquant des reports sur pied et en modifiant la complémentation pour compenser la perte de qualité de l’herbe liée au report sur pied, on peut passer la période estivale sans réduire la production laitière. Cependant, les stocks de fourrages n’ont pas été entièrement reconstitués», ajoute le rapport du Criel. 

Nécessaires stocks

Encore une fois, la constitution de stock devrait être la clé pour surmonter de tels aléas. «Des achats supplémentaires de pulpes surpressées et une modification des rations peuvent permettre de maintenir la production de lait.» À plus long terme, l’implantation de dérobées (entre une orge et un maïs par exemple) permet de reconstituer son stock fourrager sans empiéter sur les autres cultures. Les méteils apportent une certaine quantité de fourrage. Le choix des espèces dans les prairies temporaires et le sursemis des prairies permanentes avec des espèces adaptées sont aussi un levier pour assurer une production d’herbe quel que soit le contexte climatique. «Une variable d’ajustement pourrait être d’engraisser les vaches de réforme : elles valoriseraient ainsi les prairies à l’automne sans augmenter l’effectif en hiver. Les mauvaises années, elles pourraient être réformées sans être engraissées.»

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