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Optimiser sa fertilisation azotée face à la flambée des prix

Le marché ultra-tendu des engrais azotés amène de nombreux agriculteurs à s’interroger sur leur fertilisation azotée pour cette campagne : seront-ils pourvus en engrais et quel en sera l’impact économique ? L’occasion de revoir tous les fondamentaux d’une bonne gestion de l’azote.

1. Bien utiliser les outils de calcul et de pilotage de la fertilisation azotée

Une fertilisation optimisée repose sur un calcul précis du bilan azoté à la parcelle, permettant de satisfaire les besoins des cultures. Bien paramétré, le bilan prévisionnel peut déjà permettre d’atteindre la meilleure combinaison technico-économique.

Ci-dessous, vous pouvez constater (cf. graphique blé tendre d’hiver), qu’en sols crayeux dans 2/3 des cas, la dose X, résultat de la soustraction entre les besoins de la plante en azote et les fournitures, permet d’atteindre l’optimum de rendement (= 97% du rendement maximum).

Chaque poste a son importance et mérite d’être estimé au plus juste : besoins en azote reliés à des objectifs de rendement réalistes, développement et azote absorbé par les cultures d’hiver, bonne caractérisation du sol et de sa minéralisation, effets directs des apports organiques… 

Parmi ces différents postes, le reliquat azoté revêt une importance particulière par sa variabilité entre années, précédents, régimes organiques... La mesure à la parcelle, ou par groupes de parcelles homogènes, reste préférable à l’utilisation de moyennes (la dispersion courante est de +/-30uN autour d’une moyenne !). Le reliquat est à réaliser sur la profondeur valorisable (de 0 à 90 cm, sauf pommes de terre et légumes de 0 à 45 cm) par les plantes et le plus tard possible avant tout apport d’azote minéral ou organique.

En céréale blé, le conseil prévisionnel peut être ajusté en fin de campagne grâce aux outils de pilotage. Ils reposent sur l’état de nutrition de la culture (Jubil, N-tester, Messatimages, N-sensor…). Ils permettent d’ajuster la dose prévisionnelle, en modulant le dernier apport. Leur bonne mise en œuvre suppose que l’apport précédent ait été valorisé : soit 15 mm de pluie sous quinze jours. Les outils de spatialisation (Messatimages) ou les capteurs embarqués (N-sensor), permettent d’aller plus loin, en proposant une modulation intra-parcellaire tenant compte des hétérogénéités au sein de la parcelle.

 

2. Optimiser les apports d’engrais minéraux

La bonne valorisation de l’engrais azoté minéral dépend de la consommation par les plantes, et de la limitation des pertes par volatilisation ammoniacale et/ou organisation microbienne. 

À titre d’exemple, sur blé, le coefficient d’utilisation de l’azote passe de 55 % au stade tallage à 85 % fin montaison. Pour cette culture, le fractionnement de la dose totale permet d’accompagner la croissance de la plante : avec un apport tallage modéré (40 à 70 uN maxi pas trop précoce), 20 à 40 uN au stade dernière feuille étalée, avec un solde en un apport à épi 1 cm, voire deux apports (1 cm et 1-2 nœuds). Les printemps de plus en plus secs militent également pour anticiper les apports à réaliser avant une pluie.

Sur les cultures de printemps, comme le maïs, la betterave ou la pomme de terre, les apports se font en général en une fois au moment des implantations. L’incorporation de l’engrais lors des préparations de sol (attention aux risques de brûlures du germe à doses élevées), ou la localisation lors des semis, sont à privilégier pour limiter la volatilisation. 

Ce risque concerne surtout les apports en sols calcaires, et les engrais à base d’urée ou de solution azotée, qui affichent des pertes pouvant atteindre 30 % en conditions très favorables à la volatilisation (pH du sol élevé, température, vent, absence de pluie après l’apport). 

En non-labour, il est aussi déconseillé d’apporter les engrais sur des résidus de couverts lignifiés et peu évolués, afin de ne pas favoriser l’organisation microbienne qui peut représenter 10 à 35 % de l’apport (sinon localiser l’azote).

 

3. Valoriser pleinement les apports organiques

De nombreux produits organiques sont épandus en région : fumiers, lisiers, fientes, boues, composts, digestats… Ce sont des amendements organiques et fertilisants plus ou moins complets : humus, effet potentiel sur le pH, azote, fumure de fond, oligo-éléments. Leur contribution à la nutrition azotée des cultures va dépendre de leur composition, de la dose et de la date d’épandage.

L’apport azoté pour la culture qui suit est très faible avec les composts de déchets verts, moyenne avec les fumiers bovins, et forte avec les produits de type lisiers, effluents de volailles, boues, digestats liquides… 

Les apports organiques sont très bien valorisés par les cultures de printemps telles que les pommes de terre, les maïs ou les betteraves. Les meilleures efficacités sont obtenues avec des produits «rapides» épandus à partir de la sortie d’hiver. Les apports avant colza peuvent également présenter une efficacité intéressante. Les épandages sur blé, du tallage au redressement, restent des apports de second choix (conditionnés par la portance du sol et d’efficacité aléatoire en absence d’incorporation). 

Travailler avec de l’engrais organique représente une véritable économie d’engrais qui permet de réduire les apports minéraux. La bonne prise en compte des apports organiques passe par la connaissance des teneurs en azote (Ntotal, Norganique, NH4) et de la dose épandue. Leur bonne valorisation passe également par l’incorporation rapide ou l’injection, tout particulièrement pour les produits riches en azote ammoniacal comme les effluents de volailles, les lisiers ou les digestats liquides (pertes possibles de 80 % par volatilisation en 24h).

 

4. Des pistes pour réduire la dépendance à l’engrais minéral

Les légumineuses sont bien connues pour fixer l’azote de l’air. Cette espèce peut être placée dans la rotation, en interculture, sous couvert ou encore en culture associée, avec des effets différents selon les situations agronomiques. L’insertion de pois ou de féveroles dans une rotation permet déjà un gain économique lié à la non-fertilisation azotée mais aussi, de bénéficier d’une restitution sur la culture suivante, de l’ordre de 30 à 50uN/ha.

Placée en interculture entre une céréale et une culture de printemps, une légumineuse mélangée avec d’autres espèces apporte en moyenne 30 uN de gains sur la fertilisation.

Booster les fournitures du sol passe également par l’augmentation du stock de matières organiques, via des restitutions accrues de résidus de culture, d’effluents organiques plutôt stables (fumier, compost…) ou de couverts d’interculture.

 

5. Adapter ses pratiques face à la montée du prix de l’azote

Les apports d’azote raisonnés et bien positionnés restent un facteur important sur le plan technique. 

Une sous-fertilisation de 40 uN par rapport à la dose bilan engendre ainsi une perte moyenne de 4q/ha (en limons) à 6 q/ha (en craie) en blé, 3,6 t/ha en betterave et 1,7 q/ha en colza.

La réduction des fumures par rapport aux doses conseillées induira donc une baisse des rendements, avec un impact économique qui dépendra du prix des engrais et des récoltes.

Au-delà de l’aspect potentiel, l’impact d’une réduction de la fertilisation n’est pas non plus sans répercussion sur les critères qualitatifs, à l’exemple du taux de protéine pour le blé ou l’orge de brasserie, et la teneur en azote du maïs fourrage. 

Avec de l’azote proche de 2 €/kg, la fumure pourra par exemple être réduite de 15-20 uN avec du blé à 230-260 €/t, alors que l’optimum était proche de la dose bilan dans le contexte économique moyen des cinq dernières années. 

 

Comité technique céréales à paille 80

Les membres du Comité technique céréales à paille 80 se sont réunis le 28 janvier 2022 pour échanger sur les stratégies de fertilisation azotée à adoptées au regard du contexte actuel. 
Synthèse des préconisations retenues :

- Toute unité d’azote apportée au sol doit être valorisée (méthode des bilans, reliquats, fractionnement, forme engrais, OAD, réaliser les apports suivant les conditions climatiques) ;
- Selon le stade végétatif des céréales en sortie d’hiver, un apport trop précoce (pas avant le 15/02) peut être défavorable au rendement final (biomasse trop importante moins résiliente au stress hydrique, et talles secondaires très rarement valorisées) ;
- En sols filtrants (cranette, sables), pas de suppression du premier apport, mais une réduction possible de la dose de l’ordre de 10 à 20uN/ha ;
- Possibilité de décaler le premier apport ou de réduire la dose avec des apports de l’ordre de 30 à 40uN/ha en terres profondes, et 50 à 70uN/ha en sols superficiels. Réaliser des reliquats azotés !
- Attention au risque de commercialisation avec l’enjeu protéine pour le blé – réfaction si les critères qualité ne sont pas atteints ou non engagement du contrat : ne pas supprimer le dernier apport à dernière feuille étalée qui est l’apport le plus important pour la protéine, voire le rendement. Possibilité d’ajuster ce dernier apport avec un OAD ;
- À l’inverse, les critères qualité sont moindres sur l’orge d’hiver, il est donc possible de diminuer la dose bilan de 20 à 30uN/ha ;
- La meilleure assimilation de l’azote est effectuée par les racines (rendement, protéines).
Pour les exploitations non couvertes à 100 % (environ 1/3 des situations), la réduction est donc envisageable sur les premiers apports azotés en début montaison.

Contact : Mathilde Lheureux - 06 10 59 43 91

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