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Apiculture
Contre le frelon asiatique, la lutte doit être «tous azimuts»

Selon les mots de l’enseignant-chercheur Éric Darrouzet, spécialiste français du frelon asiatique, «si l’on ne fait rien, c’est bientôt toute l’Europe qui sera envahi» par l’insecte aux pattes jaunes.

  

Le frelon asiatique, c’est un peu comme les Pokémons… Il faut «tous les attraper», mais devant l’éventail de solutions lues ou entendues, il n’est pas forcément facile de s’y retrouver. Quant à certaines de ces méthodes, elles ont le don de faire rire «jaune» – comme la couleur des pattes du frelon asiatique – l’un de ses spécialistes français, Éric Darrouzet. Enseignant-chercheur à l’université de Tours, il animait samedi dernier une conférence suivie par plus de 250 personnes sur le frelon asiatique à Lille, à l’invitation du Groupement sanitaire apicole du Nord (GSAN). «La conquête de territoire du frelon asiatique semble marquer le pas aujourd’hui, a-t-il souligné en introduction, mais il faut garder à l’esprit que c’est une espèce invasive et qu’elle est opportuniste».

 

Ce qui ne fonctionne pas

Dans son exposé d’environ deux heures, le spécialiste de tout ce qui vole est revenu sur un certain nombre de «solutions» avancées pour lutter contre le frelon asiatique dont l’efficacité comme la mise en place sont hasardeuses. En veillant à rester «politiquement correct», Éric Darrouzet bannit par exemple la destruction des nids de frelon en leur tirant dessus avec un fusil de chasse – dit en passant, il n’aime pas la chasse et les chasseurs –, ou l’utilisation d’un pistolet de type paint-ball chargé de capsules d’insecticide. Pour chacun de ces moyens, il considère que «l’efficacité est à démontrer…» Le recours à un drone n’a pas plus les faveurs de l’enseignant-chercheur, d’abord parce «qu’il faut une autorisation de vol» et, secundo, parce que les nids de frelons ne sont pas toujours à portée. Dernier argument en défaveur du drone : «Pulvériser un insecticide sur le nid ne sert à rien puisque les frelons sont à l’intérieur…» Parmi les techniques «interdites» (par le législateur), on note celle du cheval de Troie qui consiste à poser un appât empoisonné devant la ruche sur laquelle un frelon va se poser avant de repartir vers son nid et empoisonner ses congénères. «Au-delà du fait que ce soit interdit, on balance des pesticides dans la nature», regrette M. Darrouzet. Objet de test dans la nature pendant trois ans, les molécules répulsives n’ont démontré qu’une efficacité relative comme une autre solution pourtant vantée dans la littérature : la poule. Pour cette dernière, «il n’y pas d’étude scientifique qui montre que cela fonctionne. Personnellement, j’ai plutôt tendance à penser que cela ne fonctionne pas».

 

Ce qui fonctionne 

Heureusement, certaines méthodes semblent plus efficaces que d’autres, mais une fois encore, toutes n’ont pas les faveurs du spécialiste. Parmi ce qui fonctionne, on note l’installation de filets ou muselières autour des ruches à protéger. Pour Éric Darrouzet, l’efficacité de ces dispositifs est «de 50 %». Harpe électrique ou raquette électrique promettent de meilleurs résultats à condition de savoir les utiliser… d’autant «qu’on tire une certaine satisfaction au fait d’en avoir tapé un (un frelon, ndlr)», poursuit M. Darrouzet. Objet d’une étude qui aura duré deux ans, l’utilisation de plantes carnivores démontre une certaine efficacité… à condition de fermer les yeux sur la nature des captures. «La plante carnivore du genre Sarracenia avec sa tige en tube capture tout, mais pas forcément le frelon asiatique», constate le chercheur. Utiliser des pièges pourrait être parmi les solutions les plus efficaces si seulement ces pièges sont sélectifs. En définitive, la seule solution «vraiment» efficace à l’heure qu’il est semble être le repérage des nids, puis leur destruction. Mais là encore, difficile de garantir à 100 % une efficacité : «Quand on sait que l’aire de prédation d’un frelon asiatique est comprise entre 800 et 1 000 m, il faut chercher, rapporte Éric Darrouzet. Dès qu’on l’a trouvé, le mieux reste de faire appel à un professionnel qui va l’éliminer.» L’élimination pourra alors se faire au moyen d’un insecticide – la méthode la plus classique –, ou d’une source de chaleur. Le pire, selon le chercheur qui travaille pour l’Institut de recherche sur la biologie de l’insecte (IRBI), serait de ne rien faire. «Le frelon asiatique est un animal intéressant sur le plan scientifique pour le chercheur que je suis, mais il faut quand même lutter contre lui.» 

Sans lutte, les conséquences de sa prolifération peuvent être dramatiques : sur l’économie avec des pertes pour le secteur apicole, l’environnement et la biodiversité – chaque année, une colonie de frelons asiatiques mange par exemple 11,23 kilos d’insectes – et, bien sûr, la santé humaine avec un risque de mortalité qu’il est encore difficile d’évaluer, même si l’on sait qu’il a été responsable d’au moins trois décès dans la Manche et un dans le sud du département du Nord l’an dernier. 

Une proposition de loi pour lutter contre le frelon asiatique

Une trentaine de députés les Républicains ont déposé le 22 février une proposition de loi «relative à la lutte contre le frelon asiatique». Alors que le sujet faisait partie du «plan pollinisateurs» publié en 2020, «force est de constater que la propagation du frelon asiatique est aujourd’hui plus rapide que la montée en puissance et l’efficacité d’un plan de lutte qui demeure désordonné», regrettent les auteurs dans leur préambule. Sur le plan financier, la proposition de loi «met les frais engendrés par cette lutte contre le frelon asiatique à la charge de l’État», et «notamment les mesures de destruction». En classant le frelon en nuisible de première catégorie, les députés veulent également permettre aux préfets de déclencher des plans de lutte collective dès l’atteinte de 500 nids dans un département, et des plans de lutte obligatoires dès 1 000 nids. Le texte obligerait également à déclarer tout nid auprès de la préfecture. Pour prouver l’intérêt des pouvoirs publics sur le sujet, les parlementaires proposent enfin de créer un délégué interministériel dédié au sujet, et de déclarer la lutte contre le frelon comme «grande cause nationale» en 2024.
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