Aller au contenu principal

Daniel Roguet : «Face aux problèmes électriques, les éleveurs ont besoin d’aide»

Une vache est dix fois plus sensible aux courants électriques qu’un Homme. De plus en plus nombreux, ils peuvent avoir de lourdes conséquences en élevage. Depuis mai 2021, Daniel Roguet, ancien éleveur bovin de la Somme, a pris la présidence du GPSE (Groupe permanent pour la sécurité électrique) avec une volonté : accompagner davantage les éleveurs.

D’où vient votre volonté de vous engager au sein du GPSE ? 

J’étais un éleveur bovin passionné, et aujourd’hui encore, je ne peux m’empêcher d’aller donner un coup de main à mon fils, qui a repris l’exploitation. Surtout, mon engagement pour les filières d’élevage date : pendant mes dix-huit années de présidence à la Chambre d’agriculture de la Somme, je les ai toujours défendues. J’ai notamment été président de la commission élevage de l’APCA (Assemblée permanente des Chambres d’agriculture). Le GPSE est une association qui a du sens, car elle répond à une demande essentielle des éleveurs qui font face à un problème électrique dans leur exploitation. On est les seuls à pouvoir mettre le doigt sur la source du problème, et à proposer des solutions. Or, l’électricité est de plus en plus présente dans les fermes, et les installations extérieures, comme les lignes à haute tension, les éoliennes, ou les antennes relais, sont de plus en plus nombreuses.

 

Quels sont les profils des éleveurs qui vous sollicitent ?

La plupart sont des éleveurs bovins lait, mais nous avons aussi quelques dossiers d’élevage de bovins allaitants ou porcins. 72 dossiers ont été traités entre 2014 et 2020, principalement en Normandie, en Bretagne, en Hauts-de-France et dans le Sud-Ouest. Les grandes régions d’élevage… et de production d’électricité. Les constats sont souvent les mêmes : une baisse de la production, des problèmes de qualité du lait, des comportements étranges des animaux, comme des regroupements dans certaines zones du bâtiment. Quand les éleveurs font appel à nous, bien souvent, la situation traîne depuis des années, voire s’est empirée. Le moral est au plus bas. Ils ont besoin d’aide. Sur les 72 dossiers, 5 sont restés sans solution. Partout ailleurs, on a pu apporter des réponses concrètes et un accompagnement à long terme. 

 

Comment intervenez-vous ?

La demande se fait via la chambre d’agriculture. Si ses techniciens l’estiment utile, ils solliciteront notre intervention. Plusieurs conditions sont à remplir : une source électrique extérieure à l’élevage est soupçonnée de causer du tort à l’élevage, aucune procédure judiciaire n’est engagée, et l’entreprise électrique concernée est favorable à l’intervention du GPSE et disposée à assumer le coût des expertises. Les trois quarts du temps, les entreprises électriques coopèrent. L’expertise se déroule alors en deux temps : un audit électrique, réalisé par des experts de l’Apave (groupe international spécialisé dans la maîtrise des risques, ndlr), puis un bilan sanitaire complet (avec si besoin des analyses bactériologiques, sérologiques, des bilans sanguins, des autopsies, etc.) réalisé par un vétérinaire du GPSE, en coopération avec le vétérinaire traitant de l’exploitation, et une expertise zootechnique (analyse des performances et de la gestion des ateliers de production). Les éleveurs veulent une réponse rapide, pour sortir au plus vite de l’impasse. Mais le protocole dure souvent un an. Nous devons pouvoir analyser les problèmes en été et en hiver, car le cycle de l’élevage change, et la production d’électricité également. 

 

Certains reprochent le manque d’indépendance du GPSE, puisque les entreprises productrices d’électricité font partie des membres du conseil d’administration, et que ce sont elles qui couvrent les frais d’expertise. Que répondez-vous ? 

Notre budget annuel est de 14 000 € de fonctionnement. Un protocole complet coûte entre 40 000 et 100 000 €. C’est rare, mais si l’entreprise concernée refuse de couvrir les frais, nous ne pouvons pas intervenir, effectivement. C’est notre limite. Pour autant, il est faux de dire que cela entache la neutralité des expertises. Tous les experts que nous sollicitons sont indépendants. Ils rendent des comptes au GPSE et non pas aux entreprises qui couvrent les frais de leur intervention. Les résultats sont échangés en toute transparence entre les signataires du protocole et avec les conseillers de l’éleveur. Nous nous battons cependant pour obtenir plus d’autonomie dans notre capacité d’intervention.

 

Pouvez-vous préciser vers quelle évolution vous voulez que le GPSE tende ?

Je pense que nous pourrions davantage aider les éleveurs. Si le producteur d’énergie met du temps à répondre à notre demande et à débloquer les fonds, la situation de l’élevage se dégrade. Nous souhaitons donc obtenir une enveloppe pour pouvoir déclencher un audit en urgence. Elle pourrait être obtenue grâce à une taxe sur les producteurs d’électricité, par exemple. Nous aimerions aussi élargir nos missions vers les exploitations qui n’ont pas d’installation électrique à proximité. Les courants parasites internes peuvent aussi conduire à des dégâts conséquents sur les animaux. La sécurité électrique est un enjeu pour n’importe quel élevage. 

 

Les avancées doivent aussi venir des pouvoirs publics, selon vous. Pourquoi ?

Nous pensons effectivement que nous manquons cruellement de connaissances scientifiques au sujet de l’impact des champs électromagnétiques sur la santé des animaux d’élevage. Le 18 février 2021, le sénateur Gérard Longuet et le député Philippe Bolo ont mis le sujet sur la table avec une audition publique au Sénat. Le GPSE y a participé, ainsi que des éleveurs concernés, des vétérinaires, des producteurs d’électricité… Mais depuis, les choses bougent peu. Nous voulons accélérer tout cela. Certains sujets sont cependant sensibles. C’est le cas de la géobiologie. Cette profession traite des relations de l’environnement avec le vivant, mais n’est pas reconnue au niveau national. C’est aussi le cas des normes imposées aux producteurs d’énergie. Les bovins sont dix fois plus sensibles que les humains. Le seuil de résistance est de 500 Ohm pour les vaches laitières, contre 5 000 pour les humains. Faut-il revoir les seuils à la baisse pour les animaux ? Cette question est délicate, mais mérite plus de connaissances. 

 

LE GPSE, en dates

1999 à 2003 : un Groupe permanent sur la sécurité électrique dans les élevages agricoles et aquacoles (GPSE) est créé à la suite d’un rapport public sur les effets des champs électriques et magnétiques sur les animaux d’élevage.
Février 2006 à 2009 : la volonté des pouvoirs publics de poursuivre dans cette voie est réaffirmée par un second protocole «relatif au plan d’action concerté entre l’État, EDF et RTE pour promouvoir la sécurité électrique en milieu agricole». 
2009 à 2014 : les activités du GPSE sont mises en sommeil. 
2014 : des représentants des Chambres d’agriculture et des industriels de l’électricité mettent en place une structure pour reprendre le flambeau de l’ancien GPSE. Ils créent une association loi de 1901, qui conserve l’acronyme GPSE mais qui devient le Groupe permanent pour la sécurité électrique en milieu agricole. Ses membres fondateurs sont l’APCA, RTE, ERDF, devenu Enedis. Les ministères en charge de l’Agriculture, de l’Environnement et de l’Énergie en sont également membres.
2015 : le Consuel rejoint l’association GPSE, puis en 2016, celle-ci s’étoffe avec l’arrivée de France énergie éolienne (FEE), le Syndicat des énergies renouvelables (SER) et la Confédération nationale de l’élevage (CNE).
Sous-titre
Vous êtes abonné(e)
Titre
IDENTIFIEZ-VOUS
Body
Connectez-vous à votre compte pour profiter de votre abonnement
Sous-titre
Vous n'êtes pas abonné(e)
Titre
Créez un compte
Body
Choisissez votre formule et créez votre compte pour accéder à tout {nom-site}.

Les plus lus

Chaque année, environ 10 % des fermes du département de la Somme font  l’objet d’un contrôle administratif, ce qui apparait relativement faible selon  l’administration départementale.
«Trop» de contrôles chez les agriculteurs ? La DDTM répond

Lors de la session de la Chambre départementale d’agriculture de la Somme du 19 mars dernier, l’administration départementale…

Présentation des Prim'holstein.
Les vaches Prim’holstein, les stars de la Foire agricole de Montdidier

Le lundi 1er avril avait lieu la traditionnelle Foire agricole de Montdidier, avec de nombreux exposants. Parmi les…

Gros rendement pour la campagne 2023-2024 de collecte des pneus

Au cours de l’hiver, pendant trente jours, 370 exploitations agricoles de la Somme ont participé à la collecte des pneus…

dégâts sanglier approche affût 1er avril
Le tir du sanglier ré-autorisé à partir du 1er avril

La préfecture de la Somme a décidé de prolonger la période de chasse du sanglier dans la Somme sous conditions en modifiant l’…

Quatre kilomètres de haies pour protéger un captage d’eau

En s’associant à un partenaire privé, Christophe Desmis, un agriculteur du Santerre, fait le pari de planter quatre kilomètres…

Le retard pris dans les semis inquiète la CGB comme l’Institut technique de la betterave (ITB) avec un risque «jaunisse»  fort cette année.
Des premiers semis de betteraves sous un ciel nuageux

C’est toujours dans l’attente d’un contingentement des volumes de sucre importé d’Ukraine et de l’autorisation de certaines…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 9.90€/mois
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site Action Agricole Picarde
Consultez les versions numériques de l'Action Agricole Picarde et du site, sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce aux newsletters de l'Action Agricole Picarde