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Intempéries
Dans l’Aisne, la météo ne laisse aucun répit aux cultures  

Gel en avril, pluies incessantes en juin, et inondations ces derniers jours… Les agriculteurs de l’Aisne subissent pour la troisième fois en quelques mois, des intempéries d’une rare violence.

Selon les premières estimations, 50 000 ha seraient touchés, pour plus de 100 M€ de pertes.
© L'Agriculteur de l'Aisne

Après les dégâts considérables du gel au printemps, puis des orages dans le sud de l’Aisne, c’est maintenant les inondations qui font parler d’elles. Sous plus d’un mètre d’eau par endroit, les maïs, les tournesols, les betteraves, les céréales, les prairies sont recouvertes. Les récoltes semblent compromises. Selon les premières estimations de l’USAA et de la Chambre d’Agriculture, 50 000 ha sont touchés par les inondations, soit environ 10 % de la SAU du département. Et la décrue n’est pas prévue pour le moment, car au-delà des pluies qui ont gonflé les rivières, la montée des eaux se poursuit avec l’arrivée des eaux venues d’Allemagne et de Belgique, notamment pour les vallées de l’Aisne et de l’Oise.

Ces inondations à caractère estival, on n’en avait pas vu depuis 1917

Jean-Yves Bricout, président de l’USAA, accompagné de Charlotte Vassant, secrétaire générale de l’USAA, Airy Darbon, directeur général de la Chambre d’agriculture de l’Aisne, Thomas Papon, président de l’arrondissement de Chauny, et des élus locaux, a invité Thomas Campeaux, préfet de l’Aisne, et Grégory Courbatieu, directeur adjoint de la DDT, à se rendre sur le terrain mardi 20 juillet pour constater l’ampleur des dégâts. Ils se sont rendus dans un premier temps, chez Jean-François Denorme, à Bichancourt. «Nous sommes habitués aux crues annuelles, décennales et même hivernales qui ont lieu entre décembre et mars. On sait gérer. Mais ces inondations à caractère estival, on n’en avait pas vu depuis 1917», se désole l’exploitant. «On parle de crue centennale». Même chose du côté de Mayot, chez Bruno Niay, éleveur de vaches allaitantes.

 

Des graves conséquences

Ces inondations ont des conséquences directes pour les éleveurs d’abord. «La montée très rapide des eaux a surpris les éleveurs et les a obligés à rentrer les animaux à la hâte dans les bâtiments. Certains ont même dû faire appel aux pompiers qui ont sorti plus de sept-cents animaux de l’eau», explique Jean-Yves Bricout, qui a remercié le SDIS (Service départemental d’incendie et de secours) pour son travail, tout comme la gendarmerie. Des stocks de foin déjà limites à cause de la sécheresse de l’été 2020, les pulpes de betteraves peu disponibles suite aux mauvais rendements l’an passé avec la jaunisse, le problème d’alimentation commence déjà à se faire ressentir. Ce qui inquiète les éleveurs, prêts à baisser les bras si rien n’est fait. «C’est une vraie problématique», annonce Jean-Yves Bricout au préfet. «Nous n’avons pas récolté de foin, c’était pourtant une bonne année qui se préparait. Toute cette eau met à mal nos pâtures et par ailleurs, la biodiversité». «Cet épisode arrive dans un contexte de trésoreries dégradées depuis 2016. La récolte qui s’annonçait bonne est gâchée. Cela rend les agriculteurs encore plus amers»,décrit Charlotte Vassant.

 

100 M€ de pertes

Les cultures seront également extrêmement impactées et les récoltes très compromises. Dans le meilleur des cas, la qualité sera très dégradée. L’eau asphyxie les betteraves et elle apporte mildiou pour les pommes de terre, ainsi que du pythium, un champignon qui cause une pourriture humide et griseau stockage. «On estime les pertes financières à plus de 100 millions d’euros»,prévient Jean-Yves Bricout. Thomas Campeaux, impressionné par l’ampleur des dégâts, s’est dit profondément touché par la situation que vivent les agriculteurs. «Nous mettrons tout en œuvre pour accélérer les délais afin de déterminer le dossier des calamités agricoles et/ou celui de cas de force majeure, de voir ce qui relève ou pas de ces mécanismes ou des systèmes assurantiels»,annonce-t-il, garantissant les exploitants d’un soutien de la part des services de l’État.

Le préfet a prévenu dans l’instant Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture, qui s’est rendu le soir même à Mayot pour, lui aussi, constater l’étendue des dégâts (cf. encadré), preuve du soutien de l’État. De son côté, Marie-Sophie Lesne, vice-présidente du Conseil régional en charge de l’agriculture, a assuré les agriculteurs du soutien de la Région. «Nous avons sorti une aide sécheresse l’an passé et l’année d’avant. On ne vous laissera pas sans rien», assure-t-elle, sans pouvoir préciser de montant de l’enveloppe. Le préfet de l’Aisne espère également, après les inondations en Allemagne et en Belgique, que l’Union européenne modifiera la forme de la jurisprudence sur les calamités et les cas de force majeure.

Reste cependant à réaliser un état des lieux précis qui ne pourra, semble-t-il, ne commencer que mi-août.

 

Varenne de l’eau : objectif prévention

Alerté le 20 juillet, Julien Denormandie a décidé de se rendre le jour même à Mayot, chez Bruno Niay, pour discuter avec les agriculteurs sinistrés et leur apporter son soutien.
Le ministre de l’Agriculture en est conscient : au vu de la catastrophe, il est urgent de poursuivre le travail pour trouver des solutions à court, moyen et long termes. C’est d’ailleurs l’objectif du Varenne agricole de l’eau et du changement climatique mis en place en avril dernier pour engager une réflexion collective et construire des politiques durables pour la résilience du modèle agricole face aux aléas climatiques. Ce Varenne s’articule autour de trois axes : le premier thème du Varenne de l’eau aborde la dotation d’outils d’anticipation et de protection de l’agriculture dans le cadre de la politique globale de gestion des aléas climatiques, autrement dit la refonte du dispositif assurantiel agricole. La succession d’inondations et de sécheresses de plus en plus graves impose de repenser le système d’assurance-récolte, qui suscite peu d’adhésion des agriculteurs.
La deuxième thématique porte sur le renforcement de la résilience de l’agriculture dans une approche globale. Plus clairement, il s’agit de réfléchir à la manière dont l’agriculture peut concrètement s’adapter au changement climatique. «La résilience de l'agriculture passe par une transformation des pratiques agricoles, parfois des types de cultures... J’ai déjà annoncé que je débloquais une enveloppe de 100 M€ pour financer cela, et dernièrement cette enveloppe a été doublé pour passer à 200 M€».Enfin, le troisième groupe du Varenne de l’eau travaille au partage d’une vision raisonnée des besoins et de l’accès aux ressources en eau.
C’est en tout cas ce que pensent les agriculteurs et la profession. Tant dans les périodes de sécheresse que d’excès d’eau, les dégâts pour le secteur agricole sont considérables. «Je crois énormément au volet du curage»,annonce le ministre de l’Agriculture. Mais il faut un portage politique local des projets.»Reste le sujet épineux des boues à gérer.

Vigicrues : incompréhension
Pour Charlotte Vassant, le problème des inondations vient en partie des barrages en amont. «Avec la reprise de végétation en été, les capteurs à hélices ne fonctionnent pas et les valeurs de débit indiquées sur Vigicrues, un système d’alerte en ligne, ne sont pas bonnes. Il faudrait réétalonner ces valeurs ou changer les capteurs.» Ce dispositif Vigicrue est d’ailleurs largement critiqué. «Vigicrues a été créé pour protéger les populations mais pas les animaux d’élevage», prévient Charlotte Vassant.  Le préfet de l’Aisne a décidé de revoir très prochainement le système d’informations de Vigicrues en concertation avec la profession agricole et les divers représentants de la gestion de l’eau.

 

 

 

 

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