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Agriculture bio
De grands opérateurs encouragent les déconversions bio

Porc, lait, œuf ou volaille de chair : dans les filières biologiques en difficulté, de grands opérateurs encouragent les producteurs à se déconvertir pour réduire les volumes et redresser les marchés. Des incitations allant de simples levées de pénalités, jusqu’à des compensations financières, en passant par des demandes de soutien public auprès du gouvernement. 

Selon la coopération agricole, la production porcine bio représente 30 à 40 % de volume en trop.
Selon la coopération agricole, la production porcine bio représente 30 à 40 % de volume en trop.
© Pixabay

Lors des Assises de la bio, début décembre, Marc Fesneau s’en était ému au pupitre : «Mon principal sujet, ce sont les déconversions.» Pourtant, depuis plusieurs mois, des poids lourds des filières actuellement les plus en difficulté ont ouvert plus ou moins franchement la porte au retour de leurs producteurs vers le conventionnel. «Le signe qu’il y a une tension», résume Jérôme Caillé, président de la Commission bio de la Coopération agricole.  Alors que le chiffre d’affaires de la bio aurait reculé de 5 à 8 % au niveau national sur un an, «nous tentons de chercher des solutions pour soulager nos marchés», explique-t-il. Objectif : réduire les volumes qui ne trouvent plus preneurs, au risque de devoir être déclassés, avec de lourdes pertes financières à la clé. Pour l’heure, «les départs ne sont pas massifs», insiste Jérôme Caillé. Estimées à quelque 2 174 producteurs entre janvier et août 2022 selon l’Agence bio, les déconversions montrent cependant une tendance claire, avec une augmentation de 42 % en un an. 

Les grands opérateurs des filières en difficulté n’y seraient pas pour rien. Le Gouessant, Lactalis, Cavac, Bodin Volailles (Terrena) : depuis 2021, ces acteurs ont tous encouragé leurs producteurs bio à se déconvertir. La plupart d’entre eux s’en remettent désormais à l’aval, pour mieux répercuter les coûts de production, ainsi qu’au ministre, pour relancer la consommation. 

 

Volaille de chair : l’argent ne parvient pas à convaincre les producteurs 

Chez Bodin volailles (Terrena), qui fournit environ un tiers des volailles bio commercialisées en France, «nous avons proposé dès juillet 2022 aux producteurs qui le souhaitaient de repasser en label», confie Jérôme Caillé, également secrétaire de la commission des éleveurs de la SA. Objectif affiché : renvoyer vingt producteurs de la production biologique vers le label rouge. «Nous avons mis de l’argent de notre caisse de risque sur la table, en proposant une aide au mètre carré visant à compenser la baisse de marge sur dix-huit mois», détaille-t-il. Mais seuls trois producteurs auraient répondu positivement à cet appel. «Le retour en arrière est loin d’être facile. La société s’est donc plutôt tournée vers le stockage en congélateur, ou de nouvelles stratégies de transformation dans ses usines. Parmi ses rares avantages, l’influenza aviaire permettra peut-être d’éviter de prendre d’autres mesures, espère Jérôme Caillé. Certaines zones vont manquer de volaille, et globalement le marché est plutôt en déflation.» 

 

Lait : Lactalis ouvre la porte

Le signal a été largement commenté au printemps dernier : les courbes de prix du lait conventionnel et du lait bio se sont temporairement croisées. La faute au traditionnel pic de production, lié à la mise à l’herbe des vaches, mais également à un marché alourdi par une baisse d’enthousiasme côté consommateurs. «Nous restons dans une situation difficile, avec une consommation en baisse de 10 % pour l’ensemble des acteurs, alors que les conversions continuent à augmenter», analyse Fabien Choiseau, directeur approvisionnement lait chez Lactalis. Il y a à peine trois ans, misant encore sur une progression du marché à deux chiffres, Lactalis accordait encore une prime de 40 € les 1 000 l aux producteurs en conversion, ainsi que des aides à l’investissement. Mais en 2019, le géant du lait a arrêté d’accompagner les conversions. Un freinage d’urgence qui n’a pas empêché la collecte de grimper de 200 à 250 millions de litres annuels, dont 40 % seraient actuellement déclassés. Pour faire face à une nouvelle situation du marché, qui «pourrait durer deux à trois ans», selon Fabien Choiseau, Lactalis se tourne donc désormais vers de nouveaux leviers. 

«Depuis six mois, nous ouvrons la porte dans les OP à ceux qui se poseraient la question de retourner vers le conventionnel, en garantissant de continuer à les collecter», explique Fabien Choiseau. Pas d’incitation financière directe mais une double promesse : les pénalités prévues par les contrats de livraison ne seront pas appliquées, et les aides accordées par le passé n’auront pas à être remboursées. «Peu de producteurs veulent cependant revenir en arrière : moins de 10 personnes ont fait ce choix sur les 650 que nous collectons», note Fabien Choiseau. Lactalis travaille donc sur d’autres mesures, dont un nouveau type de contrat distinguant lait bio et lait déclassé. 

 

Œuf : du déclassement temporaire à la déconversion

En œuf bio, souligne Jean-Christophe Rodallec (Synalaf), la consommation aurait baissé de 3 à 4 % sur un an. «Le ralentissement des achats a de multiples facteurs, mais le principal reste la hausse du coût avec la nouvelle réglementation.» Depuis le 1er janvier 2022, rappelle-t-il, l’introduction de l’obligation d’acheter uniquement des poulettes certifiées, et de les nourrir exclusivement avec de l’aliment bio a fait gonfler la facture dans les fermes comme dans les rayons. Résultat : les consommateurs se sont tournés vers d’autres gammes, et près d’un million de poules bio auraient été déconverties au total depuis 2021. 

Au sein de la coopérative du Gouessant, deuxième plus gros acteur du marché de l’œuf bio, «20 à 25 % de la production bio a été rebasculée en plein air entre 2021 et 2022», illustre Patrice Sort, responsable du négoce œuf. Certains éleveurs bio ont été «accompagnés» complètement vers le plein air. Les départs, insiste Patrice Sort, ne sont qu’un levier «pour préserver au mieux l’existant». «Nous sommes dans le bio depuis trente ans, nous avons même créé une usine d’aliment dédiée : l’objectif n’est pas de mettre tout à terre.» Preuve de son engagement, souligne-t-il, la coopérative a même financé le déclassement d’une partie des œufs bio en plein air qui «représente beaucoup d’argent». Loin d’être une loi générale, les difficultés de la coopérative pourraient être aussi, selon lui, liée à la grippe aviaire et aux dépeuplements dans l’Ouest. «Nous n’avons pas pu honorer certains engagements, et les acheteurs se sont tournés vers d’autres régions, en Rhône-Alpes ou ailleurs, où la production bio s’est récemment développée grâce à des soutiens politiques.» 

 

Porc : les coopératives demandent des aides à la déconversion 

C’est en porc que la demande a été la plus claire. «Nous avons 30 à 40 % de volume en trop, et nous nous sommes donc joints fin octobre aux autres coopératives de Forébio pour demander au ministre des aides pour arrêter une partie de la production», confirme Jérôme Caillé. Mais la rue de Varenne resterait actuellement sourde aux arguments des coopératives. Selon les chiffres de l’Agence bio, la filière porcine certifiée comprendrait actuellement une cinquantaine d’éleveurs, représentant à peine 2 % de l’effectif national de truies. Avec une hausse de 40 % des effectifs entre 2020 et 2021, la plupart de ces ateliers sont cependant très récents, développés par des exploitants qui viennent de réaliser les investissements pour construire ou aménager leurs bâtiments. 

Pour la Cavac, l’état du marché semble donc justifier de passer outre les réticences ministérielles. Comme l’a confirmé, Jacques Bourgeais, le directeur de la coopérative vendéenne, le 15 décembre : «Aujourd’hui, nous accompagnons les agriculteurs impliqués dans la production porcine bio vers d’autres activités.». Selon le dirigeant, quelques adhérents auraient l’opportunité de développer un atelier de volaille bio, mais la plupart se réorientent vers des productions de porc sous label de qualité. La densité d’animaux n’étant pas la même entre ces modes de production, les éleveurs sont également confrontés à la réglementation ICPE et doivent déposer de nouveaux dossiers. 

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