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Des samariens récompensés au concours des pratiques agro-écologiques ?

L’EARL Plaine de vie à Bayonvillers, Jérémy Malot à Cayeux-sur-Mer, et l’EARL Loucheron Farcy à Bray-les-Mareuil font partie des trente-deux finalistes du concours des pratiques agro-écologiques. Verdict mi-mai. 

En Plaine maritime picarde, le concours était spécialement dédié aux prés salés pâturés par les moutons. La gestion de Jérémy Mallot offre un «résultat spectaculaire». 
En Plaine maritime picarde, le concours était spécialement dédié aux prés salés pâturés par les moutons. La gestion de Jérémy Mallot offre un «résultat spectaculaire». 
© Matthieu Franquin

Qu’ont en commun Sylvain Deraeve, agriculteur bio à Bayonvillers, Jérémy Mallot, éleveur d’agneaux AOP à Cayeux-sur-Mer, et Tanguy Loucheron, éleveur bovin à Bray-les-Mareuil ?
Leurs pratiques agricoles leur permettent de tirer profit de leur activité de production tout en apportant une contribution active à la préservation écologique des territoires. C’est en tout cas ce qu’ont estimés les jurés locaux, qui les ont qualifié pour la finale nationale du concours des pratiques agro-écologiques. Celle-ci aura lieu mi-mai 2021 à Paris, à l’occasion de la Semaine de l’Agriculture Française, faute de Sia cette année.

Le concours «Prairies et parcours» récompense depuis 2014 des prairies naturelles (non semées), riches et diversifiées en espèces végétales qui sont fauchées ou pâturées pour nourrir le bétail, et qui présentent le meilleur équilibre entre valeur agricole et valeur écologique. Elles peuvent prendre une grande diversité de formes selon les territoires, en tant que prairies, landes ou pelouses plus ou moins sèches ou humides, embroussaillées ou boisées. L’objectif est de valoriser le savoir-faire des agriculteurs et leur engagement dans le maintien de prairies permanentes à forte diversité floristique, des prairies qui ont une vocation agronomique de production et qui, en même temps, favorisent l’accueil et la préservation de la biodiversité. Cette année, plus de quatre-vingt agriculteurs et éleveurs (vingt et un territoires), ont candidaté.

 

Des prés-salés spectaculaires 

Les Samariens ont toutes leurs chances. Les prés-salés dans lesquels pâturent les six-cents brebis de Jérémy Malot s’avèrent incroyablement préservés. «Le résultat observé est très spectaculaire», a même noté le jury. Plaintain maritime et Statice commune (Plantagini maritimae-Limonietum vulgaris) de très forte valeur patrimoniale en parfait état de conservation, «parmi les plus belles de la Baie de Somme», ont été relevés. «La diversité floristique est aussi la plus importante des parcelles visitées, avec plus de vingt espèces, ce qui est très important dans un milieu aux conditions halophiles très particulières.» Cette parcelle, par l’abondance du Statice (Lilas de mer) qui est très mellifère, est la seule à présenter un réel intérêt apicole. La prolifération du chiendent maritime, qui entraîne de plus en plus la fermeture des prés-salés et des pertes de biodiversité, est contrôlée. Et qui dit grande diversité, dit sites de nourrissage très importants pour les oiseaux. Tadorne de Belon, Spatule blanche, Avocette élégante, Échasse blanche, ou encore Huîtrier pie y trouvent leur bonheur.

La raison de cette riche diversité ?
Sans aucun doute, la gestion des parcelles. «Les pratiques de pâturage de l’éleveur démontrent qu’il est possible de développer une activité économique viable grâce à une production en AOP bien valorisée en s’appuyant sur des végétations naturelles sans mécanisation, ni aucun intrant dans des milieux très contraints.» En outre, Jérémy Malot alterne les parcs tournants et le pâturage gardé. Le temps de rotation très court (moins d’une journée) et de retour assez long (au moins deux mois) permet d’éviter une banalisation de la flore. «Cette gestion du pâturage permet également de maintenir une bonne proportion des deux espèces de graminées les plus appétantes et intéressantes d’un point de vue fourrager dans ce type de milieu (Puccinelle et Fétuque maritime qui représente environ 50 % du recouvrement sur la zone parcourue) associés aux espèces emblématiques des prés salés (Obione faux pourpier Aster maritime, Plantain maritime, triglochin maritime, Salicorne, Statice maritime) riche en sel et oligo-éléments contribuant au goût très spécifique de la viande d’agneau reconnu par une AOP.»

 

Élevage extensif… mais rentable

À 35 km plus à l’intérieur des terres, à Bray-les-Mareuil, dans la vallée de la Somme, la végétation est bien différente, mais toute aussi intéressante dans les prairies de Tanguy Loucheron. Parmi ces 40 ha de surfaces fourragères, la plupart des prairies sont situées dans des zones de marais,  milieu où la biodiversité est riche mais sensible. L’éleveur a choisi de s’orienter vers un élevage bovin extensif, avec de faibles charges, depuis plus de dix ans. «Une cinquantaine d’espèces sont présentes dans cette prairie humide, dont beaucoup d’espèces rares ou menacées», note le jury. 

Ce constat est rendu possible grâce aux pratiques agricoles extensives, comme la fauche tardive et l’absence de fertilisation. «Je gère mes pâtures comme dans le temps, sourit l’éleveur. Un coup de herse étrille ni trop tôt, ni trop tard, pour laisser la prairie aérée et le temps aux espèces importantes de percer.» Malgré un rendement peu élevé, du fait de l’absence de fertilisation, l’éleveur parvient à valoriser son fourrage. «L’hiver, nous pressons à nouveau les balles de foin en petits ballots que nous vendons aux propriétaires de chevaux. Le foin est sans intrant, peu poussiéreux et très équilibré. Un atout pour les animaux sensibles à la fourbure», explique-t-il. La repousse de l’herbe lui permet de valoriser la prairie grâce au pâturage de ses chevaux (une petite vingtaine) et les vaches allaitantes consomment ensuite les refus. «L’éleveur a optimisé au maximum les capacités de sa prairie sans endommager la biodiversité. La gestion est innovante», conclut le jury. 

Cerise sur le gâteau : «Il a fait le choix de laisser une haie séparant la parcelle en deux, mais laissant un passage suffisant pour les engins agricoles. Cette haie représente un corridor écologique», ajoute Marion Bellery, ingénieure à la Chambre d’agriculture de la Somme, membre du jury.

 

L’agroforesterie, toute jeune catégorie 

L’Agroforesterie est entrée dans le concours des pratiques agro-écologiques l’année dernière. Cinquante-huit agriculteurs (dix territoires) ont présenté leur candidature pour cette deuxième édition, dont Sylvain Deraeve, polyculteur et éleveur ovin bio à Bayonvillers. 
«Nous voulions retrouver de la biodiversité dans nos terres», explique Sylvain Deraeve. L’agriculteur est installé depuis 2015 avec sa sœur, Inès, elle même installée dix ans plus tôt. L’exploitation de 42 ha, avec un élevage d’une trentaine de brebis, a été convertie en bio en 2007. Aujourd’hui, 10 km de linéaires d’arbres jalonnent les parcelles de blé, seigle, orge, sarrazin, lentilles vertes ou colza, selon la rotation. Les essences, toutes locales, sont variées, avec un arbre d’avenir tous les 6 m, comme des chênes, des noyers et des alisiers. Une cinquantaine de fruitiers poussent également dans un pré-verger. 
Un des points forts relevés par le jury est le système économique viable. Les bénéfices, sont difficilement chiffrables, mais bien là. «Pour les animaux d’élevage, c’est flagrant. Les arbres apportent de l’ombre et de la fraîcheur l’été. Ils ont un effet coupe-vent et drainant en période pluvieuse», note l’éleveur. Pour les cultures, Sylvain estime une petite perte de rendement en bordure de plantation, mais un gain de rendement au milieu du rang. Surtout, une biodiversité beaucoup plus grande et diverse a retrouvé sa place, presque autant grâce aux arbres que grâce à la large bande enherbée qui est préservée le long de la ligne. L’agroforesterie a aussi permis l’amélioration de la teneur en matière organique et de la fertilité des sols, de stocker du carbone, de limiter le phénomène d’érosion…
Le jury a enfin été séduit par la valorisation originale des tailles annuelles. «Nous avons investi dans un broyeur, qui transforme la moindre brindille en copeaux de bois. Ceux-ci sont mis en silo pour sécher, puis ils alimentent une chaudière, qui permet de chauffer la maison d’habitation, les bureaux de la ferme et la boulangerie, dans laquelle Inès transforme les céréales.»
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