Aménagement du territoire
Développement éolien et protection de la biodiversité sont-ils compatibles ?
Cette question était traitée lors d’une matinale organisée par le Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE) de l’Aisne le jeudi 25 septembre 2025 à Latilly et Montgru-Saint-Hilaire.
Cette question était traitée lors d’une matinale organisée par le Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE) de l’Aisne le jeudi 25 septembre 2025 à Latilly et Montgru-Saint-Hilaire.

L’énergie éolienne est déjà très présente sur notre département et de nombreux projets de parcs éoliens sont en construction et en instruction. En effet, l’Aisne recense actuellement 535 éoliennes pour une puissance cumulée de 1 359 MW d’après l’Observatoire régional de l’éolien, sur un total régional de 2 419 mâts (22 %) et 6 091 MW (22 %). Il faut également ajouter 186 aérogénérateurs en construction et 200 à différents stades d’instruction administrative. Tous les projets ne se concrétisent pas puisque 375 ont été refusés par les services de l’État.
Avec cette dynamique, de nombreuses questions se posent : quels enjeux posent les aérogénérateurs en matière de biodiversité ? Dans quelle mesure les producteurs prennent en compte les impacts sur l’avifaune (faune volante) ? Comment prévenir les éventuels accidents ? Ce temps d’échange et de visite d’un parc éolien à Montgru-Saint-Hilaire (développé et exploité par la société Valeco) permet de présenter les innovations qui peuvent équiper les éoliennes, en particulier les dispositifs conçus pour détecter la présence d’oiseaux autour des parcs éoliens et prévenir les risques de collision.
Ainsi, le Système de détection de l’avifaune (SDA) représente une innovation majeure pour concilier la production d’énergie éolienne et la protection de la biodiversité en Région et en France.
Présentation du Système de détection de l’avifaune (SDA)
Le SDA est un dispositif technologique conçu pour détecter en temps réel la présence d’oiseaux à proximité des éoliennes, afin de réduire les risques de collision. En France, plus de 100 éoliennes sont déjà équipées de ces systèmes, qui utilisent des caméras, des radars et des algorithmes d’intelligence artificielle (IA) pour analyser les mouvements de l’avifaune. Lorsqu’un oiseau est détecté à proximité, le système peut déclencher l’arrêt temporaire ou le ralentissement des pales, limitant ainsi les risques pour les espèces protégées. Dans le cas du parc éolien de Montgru-Saint-Hilaire, la découverte de deux cadavres de Milan noir en avril 2022, quelques semaines seulement après la mise en service, avait provoqué la mise à l’arrêt total des quatre éoliennes (puissance totale de 12 MW, production annuelle de 24,8 GWh, soit l’équivalent de la consommation électrique de 11 500 habitants) par arrêté préfectoral avec l’obligation de mettre en place des mesures correctives nécessaires au redémarrage. La société Valéco a donc fait le choix d’installer un SDA sur pylône au centre des éoliennes. Cet équipement développé par IdentiBird (fournisseur américain) détecte les oiseaux dans un rayon de 1 200 mètres avec une analyse en instantané des images grâce à l’IA et à sa base de données, suit les trajectoires et prend les décisions qui s’imposent. Lorsque le risque de collision est avéré, l’ordinateur décide du ralentissement immédiat d’une ou plusieurs éoliennes en abaissant la vitesse de rotation à deux tours par minute en moins de 30 secondes.
Retours d’expérience et mesures environnementales
L’étude environnementale réalisée en 2015 n’avait pas relevé d’espèces d’oiseaux protégées dans le périmètre analysé. L’exploitant du parc explique qu’entre l’étude et la mise en service du parc, la situation avait évolué : développement du centre d’enfouissement de Grisolles géré par Valor’Aisne, à moins de 5 km de distance à vol d’oiseaux, et les conséquences du changement climatique qui impactent les espèces migratrices. Les conditions locales sont devenues plus favorables au Milan noir qui est désormais observé en nombre (80 couples) et toute l’année. Depuis l’installation du SDA, aucun nouveau cas de mortalité n’a été observé dans le rayon proche du parc de Montgru-Saint-Hilaire, ce qui démontre l’efficacité de cet équipement. Après un an de fonctionnement du SDA, il est constaté 50 000 détections qui ont entraîné 22 arrêts par jour et par éolienne en moyenne, ce qui représente 1,3 GWh d’électricité non injectée (15 % de pertes énergétiques pour le parc). Des conséquences économiques moins impactantes pour l’exploitant qu’un arrêt du parc entre le 15 mars et le 15 août du lever au coucher du soleil imposé par la décision préfectorale sans le dispositif d’arrêt automatisé.
Perspectives et enjeux futurs
Avec le doublement prévu du parc éolien français d’ici 2030, l’enjeu est de déployer ces systèmes quand c’est nécessaire pour limiter la mortalité aviaire, tout en assurant la transparence et l’efficacité des mesures. Des équipements équivalents existent aussi pour la protection des chiroptères. Les retours d’expérience des parcs offshore et terrestres montrent que l’intégration de technologies comme le SDA permet de concilier transition énergétique et préservation de la biodiversité.
En résumé, le SDA est une solution prometteuse pour réduire l’impact des éoliennes sur l’avifaune, avec des résultats concrets dans le département et en France. Son déploiement croissant et les retours positifs des exploitants et écologues en font un outil clé pour l’acceptabilité des projets éoliens.