Fertilisation des sols
Estimer le potentiel humique d’un compost grâce à l’Ismo
Une grande diversité de composts existe sur le marché : compost de déchets verts, compost de boues, compost d’effluents d’élevage… Tous apportent des matières organiques au sol et des éléments fertilisants, mais de manières très diverses. Comment décrypter leur intérêt agronomique ?
Une grande diversité de composts existe sur le marché : compost de déchets verts, compost de boues, compost d’effluents d’élevage… Tous apportent des matières organiques au sol et des éléments fertilisants, mais de manières très diverses. Comment décrypter leur intérêt agronomique ?

La matière organique joue un rôle fondamental sur les propriétés physiques, chimiques et biologiques du sol. Elle permet d’améliorer la structure du sol, favorable au bon enracinement et fonctionnement du système racinaire des plantes, ainsi qu’à une bonne infiltration de l’eau. Elle contribue ainsi à limiter l’érosion et à maintenir ou augmenter la fertilité des sols, en constituant un réservoir d’éléments nutritifs. Elle joue également un rôle important dans l’activité biologique des organismes vivants du sol.
Évaluer les besoins du sol en matière organique
Pour évaluer les besoins en matière organique (MO) d’un sol, on s’appuie sur le bilan humique. Celui-ci consiste à comparer les entrées et les pertes de carbone du sol, en mesurant d’un côté les facteurs qui influent sur le stock (résidus de culture, amendements organiques…) et de l’autre, les pertes dues à la minéralisation naturelle liée aux micro-organismes du sol. On estime ainsi qu’un sol limoneux, avec un taux de matière organique de 2 % et un stock d’environ 90 tonnes de MO par hectare, peut perdre en moyenne 1,5 tonne de matière organique par hectare et par an (selon le climat et les pratiques culturales). On peut ainsi déduire les besoins annuels de compensation, en fonction de la rotation en place et du taux de matière organique souhaité.
Notons cependant que, de la même façon que le taux de matière organique d’un sol se dégrade lentement, sa remontée prendra également des années.
L’intérêt des composts varie selon les produits
Un des moyens d'entretenir le stock de matière organique est de recourir, de façon plus ou moins régulière, à des apports de produits organiques, notamment sous forme de composts. Ces derniers sont en effet des amendements à teneur élevée en matière organique, mais tous ne fournissent pas la même quantité de matière organique stable (humus).
Pour estimer le potentiel humique d’un produit, on peut s’appuyer sur l’Ismo (indice de stabilité de la matière organique). L’Ismo se mesure au laboratoire (environ 120 € l’analyse) grâce à un fractionnement biochimique de la matière organique (en fractions soluble, hémicellulose, cellulose, lignine…) croisé à la cinétique de minéralisation du carbone à trois jours. Plus l’Ismo est élevé, plus la matière organique est potentiellement résistante à la minéralisation et plus le produit apportera de l’humus stable.
Par exemple, un compost de déchets verts avec un Ismo de 80 % et une teneur en matière organique totale de 25 % fournira 200 kg/t de matière organique stable. Épandu à 15 t/ha, il apportera environ 3 t/ha de matière organique stable, couvrant ainsi les pertes de deux années d’un sol limoneux.
Pour un fumier de bovin, l’Ismo moyen est estimé à 60 %. C’est-à-dire que 60 % de la matière organique du fumier fournira de l’humus stable (soit environ 120 kg d’humus stable par tonne pour un fumier à 20 % de MO ; ce qui représente un apport de 3,6 t de MO stable à 30 t/ha). Cela peut néanmoins varier selon sa composition et notamment le niveau de paillage.
Nos références sur les composts à base d’effluents de volaille provenant de Belgique et des Pays-Bas montrent des Ismo très variables, probablement liés aux caractéristiques des intrants (ex : mélange avec extraits sec de lisier de porcs) et au type de traitement. Nos analyses Satège ont ainsi mis en évidence, pour ces types de produits, des Ismo allant de 30 à 75 % (soit un apport de 85 à 220 kg de MO stable par tonne).
Les normes NFU 44051 ou 42001 imposent de la part du producteur la réalisation de l’Ismo ; il ne faut donc pas hésiter à demander ces résultats à votre distributeur.
De manière générale, une bonne stabilité de la matière organique s’accompagne d’une faible disponibilité de l’azote, qu’il faut néanmoins prendre en compte dans le plan de fumure : un apport à l’automne de 25 t/ha compost de fumier de bovin apportera environ 25 kg/ha d’azote efficace pour la culture de printemps. Les composts de fientes de volailles apportent un peu moins de MO stables, mais fourniront un peu plus d’azote pour les cultures, surtout s’ils sont apportés au printemps (coef d’équivalence N minéral de 35 %). En revanche, il est déconseillé d’apporter au printemps les composts riches en matières organiques stables, comme du compost de déchets verts mature, car ils minéralisent très lentement et peuvent même entraîner une légère faim d’azote.
Des apports en P, K non négligeables
Les composts présentent également un intérêt comme engrais de fond (P, K). Si le potassium est disponible en totalité, on considère que 70 % à 75 % du phosphore présent dans les composts est disponible pour la culture en place. Les caractéristiques du compost vont avant tout dépendre du type de matières premières utilisées. Les composts de volaille et de boues d’épuration sont particulièrement riches en phosphore. Les composts d’effluents d’élevage ont des teneurs intéressantes en potassium. Certains composts industriels peuvent également être complémentés pour apporter en un seul apport les besoins en P, K (ex : ajout de chlorure de potassium).
Selon les matières entrantes, les caractéristiques d’un compost vont donc être différentes. Le choix dépendra des besoins de l’agriculteur. Si c’est l’apport de matière organique stable qui est recherché, il est préférable de se tourner vers des composts de déchets verts ou des composts riches en matière organique et avec un Ismo élevé. Si c’est un compromis apport de matières organiques et éléments fertilisants qui est souhaité, les composts d’effluents d’élevage seront plus intéressants. Dans tous les cas, ne pas hésiter à demander les résultats d’analyse récentes avec la teneur en Ismo et le choix devra s’apprécier en comparant coûts et bénéfices.
