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Fraudes au travail détaché : des cas «préoccupants» en agriculture

Dans son rapport annuel, paru le 6 février, la Cour des comptes s’intéresse à la «lutte contre la fraude au travail détaché». Elle relève des «conditions indignes de travail» en agriculture.

Le travail détaché représenterait 21,9 % du total de l’emploi agricole.
Le travail détaché représenterait 21,9 % du total de l’emploi agricole.
© Jerome Chabanne

Régime de travail «mal connu» mais souvent mis en accusation pour le dumping social qu’il ferait peser sur les conditions de travail, le travail détaché est en augmentation. En 2017, 516 000 salariés détachés ont été déclarés en France contre 354 000 en 2016, constate la Cour des comptes dans son rapport annuel rendu public le 6 février. Instauré par la directive européenne du 16 décembre 1996, le travail détaché représenterait ainsi près de 2 % de l’emploi salarié total du pays (en prenant en compte le nombre de salariés et non le volume d’heures). Concentrée dans certaines zones géographiques (Paca, Grand Est, Île-de-France...), cette forme de travail l’est surtout dans certains secteurs économiques. L’agriculture est le premier concerné. Le travail détaché y équivaudrait à «21,9 % du total de l’emploi», loin devant le BTP (5,7 %) ou l’industrie (2,2 %).

«le statut en lui-même ne pose pas problème »
«Ce n’est pas le statut en lui-même de travailleur détaché qui pose problème [...] mais la fraude au travail détaché, sous toutes ses formes», expliquent les magistrats de la Cour dans leur rapport, jugeant que «si la politique de lutte contre la fraude produit des premiers effets, des progrès importants doivent être réalisés». Symbole de ce constat : les magistrats jugent «difficile» de dire si la hausse du travail détaché entre 2016 et 2017 est due à un recours accru ou à une meilleure application des règles déjà existantes, notamment le fait d’effectuer une déclaration préalable de détachement à la Direction général du travail (DGT).
Outre l’omission de cette formalité obligatoire, une autre forme de fraude récurrente est le non-respect du «noyau dur» de droit du travail national s’appliquant aux salariés détachés. Si un travailleur détaché peut rester affilié à la sécurité sociale et au droit du travail de son pays d’origine pendant vingt-quatre mois, un «noyau dur» de règles du pays de destination doit être respecté, concernant notamment le salaire minimum applicable, la durée maximale de travail, les durées minimales de repos et de congés ou la santé et l’hygiène au travail. Ce que de nombreux employeurs n’appliquent qu’en partie.

«Traite des êtres humains»
Le non-respect de ces obligations représente ainsi «une infraction pénale sur cinq» relevées par l’inspection du travail en matière de détachement, notamment concernant les durées de travail et les repos hebdomadaires. Mais «des cas très préoccupants de conditions indignes de travail et d’hébergement sont régulièrement relevés, en particulier, mais pas seulement, dans le secteur de l’agriculture», indique la Cour des comptes dans son rapport. «Certaines situations peuvent être qualifiées de traite des êtres humains et entraîner des conséquences extrêmement graves : décès de salariés, maladies dues au manque d’hygiène, malnutrition», ajoute-t-elle, pointant le fait que ce type de fraude se «concentre sur les métiers très peu qualifiés» de l’agriculture et «concerne essentiellement des ressortissants venant de pays à bas coûts de main-d’œuvre, parfois extérieurs à l’Union européenne».

Coquilles vides
Dernier cas d’usurpation : la «fraude complexe» par laquelle des salariés «qui auraient dû être juridiquement employés en France» sont employés via des «coquilles vides» installées dans des pays tiers afin d’utiliser un régime social plus favorable. Un type de cas qui, s’il peut profiter à des intermédiaires situés à l’étranger, «fait toujours intervenir un bénéficiaire final situé sur le territoire national», rappelle la Cour.
Pour mieux lutter contre ces fraudes, les magistrats préconisent notamment «un meilleur ciblage des contrôles» entre les différents services (inspection du travail, office central de lutte contre le travail illégal, DGT...) ou des pistes pour «faire aboutir les procédures en termes de sanctions». Surtout, ils encouragent une «politique de prévention» et d’information large, aussi bien auprès des salariés que des entreprises les employant. Une action d’autant plus importante, jugent-ils, que «pour des emplois au niveau du Smic, le recours au travail détaché n’est pas plus intéressant en termes économiques pour les entreprises [...] dès lors que les règles du détachement de travailleurs sont respectées».

Un «noyau dur» renforcé à partir du 30 juillet 2020

L’intérêt pour les entreprises à avoir recours au travail détaché pourrait être d’autant plus faible que le «noyau dur» de droit du travail applicable aux salariés détachés devrait s’étendre à partir du 30 juillet 2020. Une version révisée de la directive européenne de décembre 1996 encadrant le travail détaché a en effet été adoptée le 28 juin 2018 dernier par le Parlement et le Conseil Européen. Les États membres ont jusqu’au 30 juillet 2020 pour transposer cette dernière dans le droit national. Une loi votée le 5 septembre 2018 autorise ainsi le gouvernement français à le faire par ordonnance. La nouvelle directive, qui exclut de son application le transport routier, prévoit notamment d’appliquer «l’ensemble du droit du travail du pays d’accueil» au travailleur détaché au-delà d’une période de douze mois, renouvelable pour six mois sur «demande motivée» de l’employeur. Quant à la rémunération, ce ne sera plus seulement le salaire minimum auquel s’appliqueront les règles nationales, mais également les primes et les indemnités, rappelle la Cour des comptes. Les États membres seront également dotés de pouvoirs de suivis et de contrôles «renforcés».

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