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Gonzague Proot : la quête de l’harmonie avec la nature

Gonzague Proot est éleveur bio en plein Santerre.

© AAP


Il y a ceux qui sont à la recherche du temps perdu, et ceux à la recherche de l’équilibre toujours fragile entre l’homme et la nature. Gonzague Proot appartient à cette seconde catégorie de personnes. Pure folie, me direz-vous, comme de faire de l’élevage allaitant bio dans les plaines céréalières du Santerre. Lui, a osé, ignorant les qu’en-dira-t-on et les réticences alentours. Sans idéologie derrière, mais simplement animé de l’intime conviction qu’il lui fallait chercher son harmonie avec cette nature, qui ne triche pas si on la respecte.
L’agriculture, c’est une histoire de famille chez les Proot. Son grand-père a quitté sa Belgique natale pour venir s’installer à Herleville et travailler la terre. Son père et sa mère en ont fait autant à Rosières. Rien de plus naturel donc pour son frère et lui de suivre leurs pas, parce que la terre, c’est le bien le plus précieux qui puisse exister pour eux. Parce qu’aussi, pour lui, cette relation entre la nature et l’homme est des plus fascinantes.
Pourtant, mais sans jamais vraiment quitter le milieu agricole, Gonzague a exercé d’autres métiers, s’est même expatrié, mais l’appel de la terre samarienne a été le plus fort. Il est revenu, et s’est installé avec son frère en 1997, à Rosières, pour cultiver des céréales. Quelques années plus tard, ayant l’impression d’avoir fait le tour de l’agriculture conventionnelle, il propose à son frère de passer en bio. Celui-ci n’en voit pas l’intérêt. Lui y croit, mais il lui faudra encore quelques années avant de se lancer… en solo.
Au cœur de sa réflexion : faire le lien entre ses préoccupations environnementales, la viabilité économique de l’exploitation et le social. Il commencera par le social, en créant, en 2005, des logements sociaux dans l’ancienne écurie de l’exploitation familiale. Ne lui reste plus qu’à lier environnement et viabilité économique de l’exploitation. Quelques années s’écoulent. Le déclic vient d’une façon inattendue, voire déroutante, comme souvent quand notre vie est à l’aune de grands changements.
C’est en épluchant des pommes de terre pour le repas de ses enfants qu’il éprouve un malaise en voyant tout ce qu’il jette. Ce gaspillage ne peut pas durer. Autre déclic : trois semaines d’hospitalisation après avoir traité ses champs. Enfin, les longs échanges avec son épouse, Hélène, professeur de lettres classiques, finissent de le convaincre. Il décide d’abandonner l’agriculture conventionnelle pour passer au bio sur les terres de son grand-père, à Herleville.

Une vision globale
«Quand tu passes au bio, tu casses un moule. Ce faisant, tu t’exposes à des réactions très vives autour de toi, et auxquelles tu ne t’attendais pas forcément. Tu perds également certaines libertés, mais tu en gagnes d’autres. Suivre le rythme des saisons et des cultures, c’est génial. Je m’éclate vraiment. Je ne regrette rien, d’autant qu’en bio, tu ne trompes pas la nature, et celle-ci ne te trompe pas», dit posément Gonzague.
Sur ses terres, il décide de cultiver des céréales pour assurer l’alimentation de ses bêtes, mais aussi des légumes. Il conserve, par ailleurs, des surfaces en herbe pour son élevage allaitant. «La colonne vertébrale de l’assolement est la prairie. Ensuite, celle-ci repasse en culture quelques années plus tard. Le bio n’est qu’un des paramètres de la vision globale que j’ai, et qui associe environnement, économie et social», précise Gonzague.
Pour atteindre l’équilibre qu’il recherche, il se met également à l’élevage allaitant. «J’ai décidé de me lancer, car l’élevage donnait un équilibre avec les cultures. Nous sommes donc partis avec Hélène dans le Cantal pour acheter des bêtes. Nous n’y connaissions rien à l’époque. Je me souviens encore de la première naissance que nous avons eue. Cela s’est mal passé, le veau n’arrivait pas à sortir. Nous nous sommes précipités sur Internet pour savoir comment nous pouvions faire. Une fois les informations recueillies, nous avons réussi à le faire sortir. Depuis, nous avons vu de nombreux veaux naître, et c’est toujours le même émerveillement», confie-t-il.
Avant d’ajouter : «L’élevage, c’est un rapport particulier. Son rythme est passionnant. Tu pars pour des années.» Toujours à la recherche de l’équilibre parfait, il a calculé le nombre de vaches qu’il lui fallait par rapport à ses 140 ha cultivés pour être autonome et avoir un assolement qui tienne la route sur des années.

Partage d’expérience
En homme de partage et de conviction, quand plusieurs coopératives se mettent autour de la table en 2011 pour réfléchir à ce qu’elles peuvent proposer à leurs adhérents qui sont ou passent en bio, il participe aux échanges, puis devient le président de la structure qui est créée : l’Union des coopératives bio céréales. Son rôle ? Commercialiser les céréales bio collectées.
La coopérative dans laquelle il est vient aussi le chercher pour siéger à son conseil d’administration comme administrateur censeur. Sa mission ? Faire avancer la réflexion sur le bio. Point de volonté de sa part, dans l’une comme l’autre structure, de faire du prosélytisme sur le bio, mais d’avoir une tribune pour exposer ce qu’est le bio, sa réalité, partager son expérience et combattre les idées reçues sur le sujet.
Certes, il a la dégaine du cultivateur bio avec sa barbe et ses longs cheveux en bataille, mais «l’habit ne fait pas le moine», rappelle-t-il. Non, il n’est pas écolo bobo. Non, il ne vote pas EELV. D’ailleurs, il ne vote pas. Et d’en surprendre plus d’un quand il déclare, toujours avec ce même ton posé, que «moi, je suis bio et je veux produire et utiliser les nouvelles techniques». Son axe de réflexion, aujourd’hui, est le suivant : être plus intensif pour pouvoir nourrir ses bêtes et produire également des légumes afin de tenir cet équilibre qu’il a trouvé entre lui et la nature, aussi fragile soit-il.

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