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Jacques Legros : «Parler vrai, même si c’est risqué»

Natif du Pas-de-Calais, fuyant les grandes villes, Jacques Legros a une vie professionnelle plutôt bien remplie grâce à plusieurs casquettes et des interventions dans différents médias, dont le journal télévisé de 13h sur TF1 où il remplace ponctuellement Jean-Pierre Pernaut.

Lors de sa participation à l’assemblée générale de Noriap, Jacques Legros a échangé avec les agriculteurs adhérents 
de la coopérative et l’Action agricole picarde sur ses origines, son parcours professionnel et ses passions.
Lors de sa participation à l’assemblée générale de Noriap, Jacques Legros a échangé avec les agriculteurs adhérents
de la coopérative et l’Action agricole picarde sur ses origines, son parcours professionnel et ses passions.
© V. F.



Le 13 décembre, vous étiez invité de l’assemblée générale de la coopérative Noriap à Amiens pour présenter un JT «spécial». Comment se bâtit un journal télévisé comme le 13h de TF1 ?
Sauf s’il y a une actualité exceptionnelle qui mérite que l’on consacre beaucoup de temps, un JT se divise en trois temps : l’actualité brûlante du jour, celle qui mérite un décryptage plus profond et, enfin, une partie magazine pendant laquelle on aborde l’artisanat, le voyage, la gastronomie, les paysages, les métiers...

Quelle place occupent l’agriculture et la ruralité dans votre journal ?
Il y a différentes manières d’aborder ces sujets et il n’est pas rare que nous les abordions plusieurs fois par semaine. J’y tiens particulièrement parce que je suis un rural qui est devenu urbain,  et pas l’inverse. J’aime beaucoup la campagne et j’ai beaucoup de respect pour ceux qui y vivent et y travaillent. Je considère que les agriculteurs font l’un des plus beaux métiers du monde. Mais il faut aussi vivre avec son temps. Il y a dix ans, on proposait un sujet sur l’environnement une fois par semaine. Aujourd’hui, c’est trois fois par jour.

Comment fait-on pour parler d’agriculture au grand public sans tomber dans la caricature et en évitant les clichés ?
C’est très compliqué parce qu’on a vite fait de se faire piéger. Il faut aller chercher l’authenticité là où elle se trouve. Le problème quand on met une caméra sous le nez de quelqu’un, c’est qu’il a tendance à perdre de son naturel. Il faut parler vrai, même si on prend le risque de ne pas plaire à tout le monde. Les circuits courts, par exemple, sont un bon moyen d’expliquer directement ce que l’on fait.

Le fait d’avoir été proche de la production agricole - vous étiez viticulteur pendant quelques années - change-t-il quelque chose à votre manière d’aborder l’agriculture dans le journal télévisé ?
On parle mieux de ce que l’on connait, c’est évident. Mais c’est aussi par conviction que je défends les agriculteurs et leur métier. Quand on est agriculteur, on est à la croisée des chemins : on nous demande un prix, un produit sain et en plus de cela, on subit pas mal de pressions, que ce soit sur le respect de l’environnement, sur le bien-être animal... La combinaison de tout cela fait que ce n’est pas facile.

Certains de vos confrères, sur des chaînes concurrentes, ne sont pas tendres avec le monde agricole ? Quel regard portez-vous sur cette manière de traiter l’information et les angles choisis ?
Je n’aime pas les médias quand ils sont à charge. On a un devoir, notamment quand on fait de la télévision, de mettre en avant des exemples de choses qui marchent bien, reproductibles et porteurs de solutions. J’ose le parallèle avec ce qui se passe dans certaines banlieues. D’accord, il y a des casseurs, des voyous, mais il y a aussi des gens qui se battent pour changer le quotidien, qui se retroussent les manches. C’est cela que je veux montrer, même si l’on préfère parler des trains qui sont en retard que de ceux qui arrivent à l’heure. Avant de balancer un sujet à 5 ou 6 millions de gens, on doit le réfléchir et le construire. Si l’angle ne convient pas, on le refait. Il faut être exigeant.  Je ne nie pas le fait qu’il y ait des sujets de controverse, mais il faut privilégier les sujets qui parlent des solutions.

Êtes-vous en train de reprocher au monde agricole de ne pas communiquer suffisamment ou de ne pas savoir le faire ?
Le monde agricole communique mal. Il ne faut pas se planquer ou être dans la négation. Quand on n’est pas clair, on donne l’impression d’être coupable. L’image se construit patiemment. Il faut valoriser le métier d’agriculteur. Mais les agriculteurs ne peuvent plus attendre que le client vienne à eux. Il faut aller à sa rencontre et le chercher. Faire du marketing ou se lancer dans le e-commerce ne veut pas dire que l’on produit de la mauvaise qualité. Heureusement, les jeunes sont plus curieux que leurs aînés et il faut les encourager à s’ouvrir à d’autres mondes.

Pensez-vous qu’il y ait aujourd’hui une fracture entre le monde rural et le monde urbain ? Est-ce un mythe ou une réalité ?
Malheureusement, c’est une réalité. Beaucoup de gens rêvent de la campagne pour y avoir leur résidence secondaire, sans tenir compte de ceux qui y vivent depuis toujours et qui y travaillent. La campagne, on l’aime ou on la quitte. Si on ne l’aime pas où que l’on n’aime pas ce qu’il s’y trouve, il ne faut pas y venir. Quand on veut s’installer quelque part, on y vient en regardant les gens, en s’intéressant à eux, sans gros sabots et avec humilité.

Quel avenir imaginez-vous pour les territoires ruraux ?
Cela dépend de nous tous, nous les citoyens. L’avenir des territoires ruraux dépendra de la valeur que nous voulons bien leur donner. Quand on a beaucoup voyagé, comme j’ai eu la chance de le faire, on mesure la chance que l’on a de vivre dans un pays comme la France. Parce que c’est vert, parce que les paysages sont variés et cela, on le doit en grande partie aux agriculteurs. Nous vivons dans un beau pays, avec des problèmes de riches. Nous devons arrêter de nous comporter comme des enfants gâtés. Est-ce qu’on a envie que la France ne soit plus qu’une succession de villes et de déserts ? Si on abandonne l’agriculture, c’est ce qui risque de se passer.

Question d’actualité oblige, la retraite, vous y pensez ? C’est pour quand ?
Je suis déjà retraité, mais je continue à travailler (il est né en janvier 1951). L’arrêt de toute activité n’est pas quelque chose que je conçois, ni auquel je me prépare. J’adore TF1 et tout ce que je peux faire en parallèle. Pendant les vacances, vous me retrouverez au JT de 13h et je le fais avec beaucoup de bonheur. Si un jour je devais arrêter ma carrière à la télévision, je pourrais tout à fait tenir un bar-restaurant dans un village corse. C’est un peu comme un fantasme. Mais je suis sûr d’une chose : c’est que je finirai mes jours à la campagne.



Deux natifs des Hauts-de-France à la tête du JT de 13h de TF1

Avec Jean-Pierre Pernaut, dont il assure le remplacement à la présentation du JT de 13h sur TF1 quand le premier est en vacances, Jacques Legros confie partager «les mêmes valeurs». Et des origines géographiques proches. Cocorico ! Si Jean-Pierre Pernaud revendique ses origines picardes – il est né à Amiens -, Jacques Legros est né dans un village du Pas-de-Calais, à Lapugnoy, près de Béthune. L’homme de télévision se souvient y avoir vécu «une enfance pas facile, mais géniale». Avec son compère Jean-Pierre, «nous n’avons pas les mêmes vies. Je suis plus rural et lorsque nous nous voyons, ce n’est pas pour échanger sur nos sujets, ou très peu et nous travaillons avec les mêmes équipes». Entre ces deux-là, pas de concurrence, mais plutôt une continuité : «Nous mettre en concurrence serait une erreur. Jean-Pierre est à la tête du JT depuis 31 ans, moi depuis 21 ans. Nous réalisons sensiblement les mêmes audiences et nous sommes contents du résultat l’un de l’autre. Si notre JT continue de bien fonctionner, c’est aussi grâce à cette continuité.»

 

Une passion pour le vin

Né dans une région de tradition brassicole et dans laquelle on ne cultive que très peu de vignes, c’est pourtant au vin plus qu’à la bière que Jacques Legros voue une véritable passion. «C’est justement parce que je ne suis pas né dedans que je m’y suis intéressé, défend-il. J’ai toujours aimé le vin parce qu’il s’agit d’une synthèse entre l’art et la technique. Pour faire un bon vin, il faut maîtriser une certaine technique, mais il faut aussi être un peu artiste. Un vin a la gueule de celui qui le fait.» Au delà du produit et de la façon dont il se fabrique, ce sont aussi les paysages de vignobles qui fascinent Jacques Legros : «La viticulture, c’est l’agriculture dans ce qu’elle a de plus beau et de plus risqué.» L’homme en parle en connaissance de cause puisqu’en cherchant un peu, on apprend qu’il a écrit sur le vin, qu’il a lancé une web TV sur le sujet, qu’il a créé une place de marché pour le vin et même qu’il a été à la tête d’un domaine viticole : «J’étais installé du côté de Cahors, sur une dizaine d’hectares.» Si l’aventure s’est arrêtée en 2014, après un épisode d’intempéries qui a ruiné les efforts du viticulteur, il en garde un excellent souvenir.

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