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Légumes
La flambée de l’électricité rend l’endivier amer

Producteur d’endives dans l’est de la Somme, Hervé Persyn s’interroge sur la pérennité de son entreprise confrontée à une augmentation fulgurante des prix de l’énergie. Une hausse qui s’ajoute à celle d’autres fournitures, sans grande possibilité de la répercuter sur son prix de vente. 

«Des crises dans la filière endive, ce n’est pas la première et à chaque fois, on s’en est sorti mais là…» Producteur d’endives à Fins (80), entre Péronne et Cambrai, Hervé Persyn ne donne pas cher de la pérennité de son entreprise si les conditions d’achat d’électricité n’évoluent pas à la baisse. Dans la cour de son endiverie, le bruit de fond que l’on entend, c’est celui des frigos qui lui servent à stocker ses endives. Il en produit environ 2 200 t par an. 90 % de son chiffre d’affaires vient de l’endive.

«Étant donné que je produis de l’endive toute l’année, je suis un gros consommateur. J’ai besoin d’électricité pour mes frigos, mais aussi pour les autres étapes de production», expliquait-il en ce milieu de semaine. Comme d’autres producteurs qui n’ont pas encore renouvelé leur contrat de fourniture, il redoute la date-butoir du 31 décembre :
«C’est à cette date-là que mon contrat avec mon fournisseur s’arrête. Quand je regarde ce que l’on m’a proposé, je me pose des questions. C’est du jamais vu. Déjà l’an dernier, quand je l’ai renouvelé, je trouvais que le prix était exorbitant et c’est pour cela que je n’ai renouvelé que pour un an, mais depuis, c’est la flambée.» Estimant sa consommation annuelle entre 1 et 1,2 million de kilowatt-heure, cela lui est revenu «à 120 000 € il y a deux ans et à 200 000 € en 2022». Pour 2023, la facture pourrait s’élever à 750 000 €, à consommation constante. Pour lui, cette augmentation «met clairement l’activité endive en danger». Car s’il devait répercuter sur son prix de vente le surcoût engendré par la flambée de l’électricité, cela reviendrait «entre 25 et 30 centimes d’euros par kilo en plus», détaille M. Persyn. «Clairement, ce n’est pas faisable.»  

 

Trente emplois menacés

Avant de s’engager dans un nouveau contrat de fourniture d’électricité, le producteur dit «attendre que les choses se tassent» : «Les propositions de contrat que je peux avoir courent sur trois ans. Certains collègues ont signé et se demandent s’ils n’ont pas fait la pire connerie de leur carrière.» Dans le même temps, il cite l’exemple d’autres producteurs qui ont «commandé des groupes électrogènes alimentés au fioul pour produire eux-mêmes de l’électricité».  

Des alternatives, M. Persyn déclare en chercher, en vain, avant d’évoquer un funèbre destin : «L’alternative, c’est de mettre la clé sous la porte, même si on se refuse pour l’instant à l’envisager (…) Je ne veux pas d’un contrat qui va me rendre esclave d’un fournisseur d’énergie.» Outre la conséquence économique - la filière endive est menacée -, il pense aussi aux répercussions en matière sociale : «Ici, j’emploie trente personnes dont vingt-cinq à l’année. Que vont devenir ces salariés si je suis contraint d’arrêter ? La production d’endives emploie beaucoup de monde dans des territoires où l’emploi ne court pas les rues !»

Une «spirale infernale»

En tant qu’agriculteur, Hervé Persyn se considère au cœur d’une «spirale infernale» : «Tout le monde autour de nous constate des hausses de ses coûts de production et les répercutent, que ce soit les fournisseurs d’intrants, de semences, d’emballages… Et nous, qui cumulons toutes ces hausses, on n’y arrive pas.» Pour la survie de son entreprise, le producteur d’endives explique devoir renoncer à un certain nombre d’investissements : «Même si je voulais investir dans des panneaux photovoltaïques, je ne peux pas le faire. Je dois garder de l’argent pour payer le courant que j’utilise…» 

 

Selon l’Apef et l’Union des endiviers, «la France pourrait perdre son leadership sur la production d’endives» 

Après avoir sensibilisé à sa cause les élus de la Région Hauts-de-France, et reçu leur soutien, l’Association des producteurs d’endives de France et l’Union des producteurs de France espéraient encore en ce début de semaine d’autres soutiens pour changer la donne. Dans un communiqué du 12 septembre, les deux organisations rappellent la menace que fait peser sur la filière endives la flambée des coûts de l’énergie : «Face à la hausse des prix de l’énergie, notre modèle économique est en péril. Si nous ne trouvons pas de solution, la France pourrait perdre sa position de leader de la production d’endives, à l’heure même où notre souveraineté alimentaire nationale se révèle cruciale», déclare ainsi la présidente de l’Apef, Catherine Decourcelle. 
La filière française, leader mondial de la production d’endive, produit 145 000 t chaque année dans les Hauts-de-France. Premier légume régional, l’endive y génère près de 4 000 emplois directs et 500 indirects (logistique, emballages, impression, administratif...). 
Pour le président de l’Union des endiviers, Philippe Bréhon, il y aussi urgence : «Nous ne pourrons pas passer ce cap sans soutien», estime-t-il avant de détailler un certain nombre de mesures attendues : «Bouclier tarifaire ? Soutien dans la négociation des prix avec les distributeurs ? Allégement des critères d’accès à l’aide aux énergo-intensifs du Plan de résilience ? Soutien pour la transition énergétique de la filière ? Les endiviers se tiennent à disposition pour exposer plus en détail les difficultés rencontrées et chercher ensemble des solutions de soutien pour la filière», conclut le producteur installé à La Couture (62). 

 

Prix de l’énergie : les annonces d’Élisabeth Borne

La Première ministre Élisabeth Borne, entourée des ministres de l'Économie des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, Bruno Le Maire, et de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, a tenu le mercredi 14 septembre, une conférence de presse sur la situation énergétique. Ce qu’il faut en retenir, «c’est que la prolongation en 2023 du bouclier tarifaire qui comprendra une hausse limitée des tarifs du gaz et de l'électricité de 15 % pour les ménages, les petites entreprises et les petites communes», a indiqué Matignon. 
En ce qui concerne les entreprises, Bruno Le Maire a défendu le principe selon lequel «il faut protéger nos entreprises et notre capacité de production face à la hausse des prix de l’énergie». Pour cela, il annonce la «simplification de l’accès à l'aide d'urgence aux entreprises grandes consommatrices d’électricité et de gaz», ainsi qu’un blocage de la hausse des prix de l’électricité pour «les entreprises de moins de 10 salariés qui ont un chiffre d’affaires inférieur à 2 millions d’euros». La mesure, qui s’appliquera à partir du 1er janvier 2023, devrait aider «plus de 1,5 millions d’entreprises», selon le ministre de l’Économie. 
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