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Conjoncture
L’agriculture bio en quête de nouvelles fondations locales

Alors que l’année 2024 a été marquée par une météo capricieuse et une conjoncture économique toujours tendue, les filières bio des Hauts-de-France poursuivent leur difficile adaptation. Entre déconversions, baisses de surfaces et tensions sur les prix, l’ambiance reste incertaine. Pourtant, des signes de résilience apparaissent çà et là, portés par la vente directe, la consommation locale et les efforts de structuration.

Pour trouver des produits bio, les consommateurs se tournent vers les magasins bio spécialisés (MBS) ou les circuits courts.
Pour trouver des produits bio, les consommateurs se tournent vers les magasins bio spécialisés (MBS) ou les circuits courts.
© Kampus Production/Pexels

L’année 2024 a été difficile pour l’agriculture bio dans les Hauts-de-France. La météo, tout d’abord, a été capricieuse, avec des pluies abondantes et tardives qui ont sérieusement compromis les récoltes. La récolte des céréales n’était pas bonne, avec pour conséquence un écoulement brutal des stocks en silos. Pour les éleveurs, la qualité médiocre des fourrages s’est fait cruellement sentir à l’entrée de l’hiver 2024-2025, affaiblissant les cheptels et aggravant les charges d’alimentation.

Ce contexte météorologique a accentué une dynamique négative amorcée depuis la crise inflationniste de 2022. Les chiffres parlent : près de 100 producteurs bio ont cessé leur activité en 2024, contre moins de 50 nouvelles installations. En trois ans (2022-2024), ce sont 260 arrêts qui ont été enregistrés, soit deux fois plus qu’entre 2019 et 2021. Fait notable, les producteurs mixtes (bio + conventionnel) qui représentent 40 % des agriculteurs bio régionaux, représentent aussi 60 % des arrêts. Pour la première fois, les surfaces bio régionales reculent (-1 280 ha), bien que les surfaces en première année de conversion reprennent légèrement (+230 ha). Ce frémissement reste modeste, loin des dynamiques d’avant-crise.

Des déserts bio

Côté consommation, la situation n’est pas plus réjouissante. Si 84 % des habitants des Hauts-de-France disent consommer du bio occasionnellement, la fréquence d’achat quotidien s’est effondrée par rapport à 2020. Le frein principal reste le prix, perçu comme plus affecté par l’inflation que les produits conventionnels.

Les habitudes d’achat évoluent : les supermarchés se désengagent massivement du bio, ce qui pousse une partie des consommateurs à se tourner vers les magasins bio spécialisés (MBS) ou les circuits courts. Ces MBS enregistrent une reprise de leur chiffre d’affaires, mais celle-ci cache un transfert de clientèle plutôt qu’une augmentation des volumes. Résultat : de nombreux territoires se retrouvent aujourd’hui en «désert bio», sans offre accessible. Pourtant, dans ces zones, de nouvelles formes de distribution (collectifs de producteurs, épiceries locales…) pourraient redynamiser l’accès au bio local.

Le bout du tunnel ?

Dans le secteur des grandes cultures, la mauvaise récolte 2024 a tout de même eu un avantage. 2024 avait commencé avec des stocks de céréales pleins à craquer, faisant craindre des ruptures de contrats. Aujourd’hui, le risque est inverse : les outils post-récolte tournent au ralenti, et la tension sur les volumes pourrait faire grimper les prix.

Côté légumes de plein champ, la crise semble s’éloigner. Les contrats reprennent, et bien que les prix ne soient pas revenus à leur niveau d’avant 2022, les maraîchers les plus résilients — souvent ceux qui vendent en direct — retrouvent une certaine stabilité.

Pour la filière pomme de terre bio, la situation reste complexe. Les surfaces ont diminué en 2024, freinées par l’incertitude économique et des stocks encore conséquents. La pénurie de plants bio ajoute un frein supplémentaire aux intentions de plantation pour 2025. Toutefois, la demande locale, dynamique, et l’intérêt croissant pour les circuits courts, laissent espérer un potentiel de relance, à condition de mieux structurer l’offre, tant commercialement que techniquement.

Le Lait bio en pleine hémorragie

Le secteur laitier est sans doute le plus impacté par la conjoncture actuelle. L’épidémie de FCO et la mauvaise qualité des fourrages ont mis les élevages à rude épreuve. Dans les Hauts-de-France, la production de lait bio a chuté plus fortement qu’ailleurs. En cause : une flambée des charges d’alimentation et un prix du lait conventionnel devenu quasiment équivalent au bio, réduisant tout intérêt économique à rester en bio.

La filière a connu vague de déconversion inédite entre décembre 2024 et mars 2025, notamment dans l’Avesnois, première région bio au nord de Paris, avec plus de 1 000 hectares perdus. Une trentaine d’éleveurs pourraient encore abandonner la bio au printemps, épuisés moralement, fragilisés économiquement, ou en fin de carrière sans repreneur engagé en bio. Même la filière lait de chèvre souffre : la fin des contrats entre Agrial et la Prospérité Fermière prive dix producteurs régionaux de débouchés.

Une année charnière

Les prochains mois seront décisifs pour la bio régionale. Si les signaux conjoncturels restent mauvais, les dynamiques locales, les circuits courts et la demande citoyenne pour des produits sains, locaux et respectueux de l’environnement peuvent servir de leviers. À condition d’un soutien renforcé, d’un engagement renouvelé des filières, et d’une vraie transparence pour regagner la confiance des consommateurs.

 

Viande : des prix élevés, mais un abattoir manquant

Les cours de la viande, en bio comme en conventionnel, atteignent des sommets, conséquence d’un manque global d’animaux. Pourtant, la filière bio régionale reste désorganisée, notamment depuis la fermeture de l’abattoir d’Hirson (Aisne), crucial pour la vente directe dans la Thiérache et l’Avesnois.
Des réflexions sont en cours pour relancer l’outil, avec un engagement collectif des éleveurs à la clé. En parallèle, de nouvelles opportunités émergent : des marchés s’ouvrent dans la restauration collective, notamment pour les veaux laitiers élevés à l’herbe, et la demande en porc bio se stabilise.

 

Œufs et volailles : une consommation en mutation

L’œuf, protéine à bas prix, a profité de la crise inflationniste, avec une hausse de la consommation de 5,4 % en volume en 2024. Pourtant, les œufs bio ne bénéficient pas de cette dynamique : leurs ventes stagnent. Certains intégrateurs, qui auraient incité les éleveurs à abandonner le bio en période de crise, suggéreraient aujourd’hui un retour à l’AB, signe d’un retournement de tendance possible. La volaille bio, très marginale en Hauts-de-France, repose essentiellement sur la vente directe. Seuls quelques éleveurs sont intégrés à des filières organisées, dont la situation est stable. Mais la vente de poulet bio reste en recul, faute d’une structuration suffisante à l’échelle régionale.

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